RÉFÉRER ? C’EST L’AMERICAN WAY OF VETERINARY LIFE - La Semaine Vétérinaire n° 1389 du 22/01/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1389 du 22/01/2010

À la une

Auteur(s) : Philippe Zeltzman

Ils sont “spécialisés” en anesthésiologie, dans la lutte contre la douleur, la chirurgie du sport, les euthanasies à domicile, la médecine féline ou les médecines douces. Leur point commun ? Ils sont Américains et ont sauté le pas de la “superspécialisation”. Portraits.

Alors que la France se pose encore des questions existentielles sur la spécialisation, les praticiens américains vivent ce concept au quotidien depuis des décennies. Référer un cas à un spécialiste est un acte totalement passé dans les mœurs, pour le plus grand bien des clients, des animaux, des “généralistes” et des “spécialistes”. Depuis quelques années se dessine même une sorte d’hyperspécialisation. Non contents d’être spécialisés, certains confrères travaillent parfois dans un créneau limité.

Kurt Grimm, anesthésiologiste en clientèle privée

Kurt Grimm est l’un des rares anesthésiologistes qui n’exercent pas dans une école vétérinaire (www.kurtgrimm.com). Seuls 17 % des diplomates de l’American College of Veterinary Anesthesiologists ont suivi cette voie. Notre confrère, qui est aussi diplomate de l’American College of Veterinary Clinical Pharmacology, travaille principalement au Veterinary Referral Center of Colorado à Englewood.

Son rôle est de superviser les protocoles d’anesthésie et d’analgésie des animaux de cette immense clinique de référés (1 800 m2 !). Il participe à la gestion de la plupart des cas, que ce soit avant, pendant ou après une intervention. Il anesthésie lui-même les animaux instables ou dans un état critique. Il peut s’agir d’un chien hypertendu opéré d’un phéochromocytome ou d’un chat insuffisant cardiaque qui doit subir une exérèse de tumeur intestinale. Les cas plutôt routiniers sont souvent pris en charge par des auxiliaires.

En outre, Kurt Grimm est consultant dans plusieurs cliniques privées de la région de Denver (Colorado). Par exemple, les confrères font appel à ses services lors de l’anesthésie d’un animal âgé insuffisant rénal ou hépatique, qui doit subir une procédure de dentisterie.

« Les progrès en anesthésiologie ont mis du temps à arriver en clientèle privée, par rapport aux autres spécialisations, estime Kurt Grimm. Cela est sans doute dû en partie au fait que peu d’anesthésiologistes travaillent en dehors des universités. »

Afin d’aider les praticiens et les auxiliaires à améliorer leurs protocoles d’anesthésie et d’analgésie, notre confrère offre également des formations “à domicile”. Il enseigne ainsi des techniques d’analgésie telles que la péridurale et d’autres blocs nerveux (voir photo).

Robin Downing, spécialiste de la douleur

Robin Downing est une sorte d’exception parmi nos “superspécialistes”, puisqu’elle est praticienne généraliste à l’origine. Fortement impliquée dans diverses organisations humaines et vétérinaires consacrées à la gestion de la douleur, elle consacre désormais 75 % de son temps à sa passion.

Elle est en fait à la tête de deux cliniques à Windsor, au Colorado : The Windsor Veterinary Clinic (http://the.windsorvet.com), une structure généraliste où travaille principalement son associé, Brent Morris, et the Downing Center for Animal Pain Management (http://the.downingcenter.com), une clinique consacrée à la gestion de la douleur, à la physiothérapie, à l’acupuncture et à l’ostéopathie. Le but d’intégrer ces différentes techniques sous un même toit est de stopper la douleur, de prévenir sa récidive et de restaurer une fonction optimale pour l’animal.

Toute généraliste qu’elle est, notre consœur collectionne néanmoins les titres. En plus de son diplôme de vétérinaire, elle est certified canine rehabilitation practitioner, titre décerné par le programme de physiothérapie de l’université du Tennessee, et certified veterinary acupuncturist. Elle est aussi l’une des rares vétérinaires à être diplomate of the American Academy of Pain Management (www.aapainmanage.org) et diplômée de l’American Society of Pain Educators (www.paineducators.org). Comment en est-elle arrivée là ? Tout a commencé dans les années 80, après qu’un chirurgien de médecine humaine lui a fait prendre conscience de l’importance de la gestion de la douleur à la suite d’une chirurgie abdominale. A cette époque, il était encore admis que la douleur chez l’animal permettait de protéger le site chirurgical.

Robin Downing a cherché à imiter le modèle de l’American Academy of Pain Management et a participé à la création de l’International Veterinary Academy of Pain Management (www.ivapm.org) en 2003(1). Cet organisme décernera le tout premier diplôme de certified veterinary pain practitioner en août prochain.

Danielle Dulin, “pro” des médecines douces

Danielle Dulin est une généraliste qui s’est spécialisée en médecines dites douces. Malgré une approche qu’elle juge « résolument occidentale », elle s’est peu à peu orientée vers les médecines orientales. Elle traitait de nombreux animaux adultes et seniors pour diverses douleurs chroniques à l’aide d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS). Face aux effets secondaires gastro-intestinaux, hépatiques et rénaux, elle a cherché une alternative. Cette quête l’a amenée à envisager l’acupuncture (voir photo). Dans le même temps, des amis lui décrivaient les résultats « miraculeux » obtenus grâce à cette modalité en médecine humaine.

Notre consœur travaille dans une clinique plutôt unique dans sa région. Le Wright Veterinary Medical Center (www.wrightvet.com), situé à Bethlehem (Pennsylvanie), emploie en effet onze vétérinaires. Un bâtiment consacré à la physiothérapie a été inauguré il y a quelques mois, juste à côté de la clinique. Il dispose de deux tapis roulants subaquatiques, d’une piscine de réhabilitation et de multiples autres équipements. Danielle Dulin a naturellement trouvé sa place dans cet environnement, dénommé l’Animal Therapy Center.

Depuis trois ans, elle intègre divers éléments de médecines alternatives dans ses consultations. A l’occasion de nombreux séminaires, elle s’est diversifiée dans l’herboristerie chinoise, la réflexologie, le reiki et l’aromathérapie.

Elle s’efforce de rester objective quant à ses résultats. Si l’animal ne se sent pas mieux après trois séances de médecine “douce”, elle reconnaît son échec et conseille une approche plus classique, qui fait appel à la médecine vétérinaire traditionnelle.

Sur l’ensemble, elle dénombre plusieurs success stories consécutives à des traitements par l’acupuncture : un chien affecté de crises de convulsions qui n’a désormais besoin que d’une fraction de sa dose initiale de phénobarbital ; des chiens qui n’ont plus besoin d’AINS grâce aux herbes chinoises ; un carcinome de la thyroïde dont la taille s’est réduite de moitié, ou encore un chien arthrosique de quatorze ans qui est soudain redevenu un chiot.

Ces cas, même s’ils peuvent sembler anecdotiques, ont convaincu Danielle Dulin qu’elle a fait le bon choix. Ses confrères de Wright, impressionnés par ses résultats, lui réfèrent de plus en plus de cas. Elle estime pouvoir vivre de son art à plein temps d’ici à quelques mois.

Sherman Canapp, chirurgien du sport

Sherman Canapp a poussé sa spécialisation à l’extrême. Chirurgien de formation, diplomate de l’American College of Veterinary Surgeons (ACVS), il s’est orienté vers la chirurgie orthopédique exclusive. Dans le même temps, sa femme, Debra Canapp, s’est formée à la physiothérapie.

Après avoir référé l’un vers l’autre des animaux dans deux structures distinctes, ils ont décidé de créer ensemble une clinique du sport. Concept ambitieux et unique aux Etats-Unis, le Veterinary Orthopedics and Sports Medicine Group est donc fondé en 2005. Face à une croissance inespérée, la clinique déménage dans des locaux flambant neufs à Annapolis Junction (Maryland) en février 2009.

Le plateau de 1 500 m2 comporte un service de chirurgie orthopédique et un groupe de physiothérapie qui travaillent en harmonie. Calquée sur le modèle humain, en particulier l’école de médecine de l’université Johns Hopkins, la clinique reçoit des cas référés du pays entier, voire de l’étranger : des clients ont récemment fait le voyage du Japon et de Grèce ! Le concept attire aussi des propriétaires de chiens de haute performance (chasse, agility, sports divers tels que le fly ball, etc.). Etant donné la proximité de Washington DC, de nombreux “patients” sont des chiens policiers, des chiens détecteurs de bombes ou même des services secrets…

Sherman Canapp réalise essentiellement des interventions arthroscopiques, avec une préférence pour les chiens d’agility et ceux de la police ou de l’armée. Son confrère, Peter Lotsikas, se concentre principalement sur la chirurgie de la hanche et les chiens de sport.

Ils disposent d’un amplificateur de brillance et pratiquent la neurochirurgie. Ils proposent également des traitements par les cellules souches. Le service de physiothérapie comporte notamment deux tapis roulants subaquatiques et une piscine de réhabilitation pour les chiens de taille grande ou géante.

L’accent est mis sur le diagnostic de boiteries complexes, parfois légères, chez des chiens atteints d’affections spécifiques à leur “carrière”. Ainsi, une immense salle comporte une sorte de tapis de force nommé gait rite system (www.gaitrite.com), pourvu d’une caméra. Ce dispositif permet aussi de réaliser des études scientifiques objectives, afin de comparer la démarche d’un chien avant et après un traitement.

  • (1) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1271 du 26/5/2007.

Annie Forslund, spécialiste des euthanasies à domicile

Annie Forslund a un parcours pour le moins original. Après des études à l’université de Saint-Hyacinthe (Québec), elle s’installe à Labrador City, dans la province de Terre-Neuve-et-Labrador, à l’est de la province du Québec. Réaliser des euthanasies à domicile est alors une pratique courante.

Au bout de six ans, notre consœur décide d’explorer des contrées plus ensoleillées et déménage à l’autre extrémité du continent nord-américain : la Californie. Au fil de sept années passées en clientèle privée, elle réalise que les euthanasies à domicile ne sont pas monnaie courante, malgré une demande certaine de sa clientèle. « Pendant une insomnie, se souvient-elle, j’ai pris la décision de me lancer dans cette voie. » En février 2009, le service Home Pet Euthanasia of Southern California est créé (www.homepeteuthanasia.com).

Le succès ne se fait pas attendre. La croissance est exponentielle et notre consœur espère réaliser « dix à quinze euthanasies par semaine dans un futur proche ». Les clients apprécient l’opportunité de pouvoir euthanasier leur animal dans des conditions sereines. En dix mois, elle a reçu plus de lettres de remerciement des clients qu’en vingt ans de clientèle !

« De nombreux propriétaires ont un mauvais souvenir quand ils se rappellent des derniers moments de leur animal apeuré, tremblant, euthanasié sur une table métallique froide. Ils préfèrent clairement que ces derniers instants aient lieu dans un environnement familier. »

La plupart du temps, elle se déplace dans un rayon de 20 à 50 km, avec un record à 100 km.

Une question s’impose toutefois : comment garder le moral lorsque l’on ne fait que des euthanasies ? Annie Forslund estime que la satisfaction d’avoir aidé des clients et d’offrir un réel service dépasse largement le sentiment de tristesse qui suit une injection létale. Elle n’a pas de relations de longue durée avec sa clientèle. C’est toute la différence avec la plupart des praticiens qui, le plus souvent, connaissent les propriétaires et leurs animaux depuis des années. Elle affirme pouvoir exprimer avec sincérité une grande compassion durant l’interaction avec le client, puis être capable de « passer outre ». C’est son antidote contre la déprime.

Aux Etats-Unis, faute de temps ou de motivation, les praticiens en clientèle réalisent rarement des euthanasies à domicile. Il s’agit traditionnellement d’un service rendu par les confrères itinérants. De plus en plus, des praticiens “spécialisés” exclusivement en euthanasie émergent à travers le pays. Le site www.inhomepeteuthanasia.com recense de tels services état par état. Récent, il ne mentionne pour le moment qu’une quinzaine de confrères. Kathleen Cooney, propriétaire du service d’euthanasies à domicile Home to Heaven au Colorado, estime qu’il y a environ une trentaine de vétérinaires qui offrent un service similaire aux Etats-Unis. « Certains praticiens ont commencé à explorer ce créneau il y a une dizaine d’années. Aujourd’hui, je constate une explosion de la demande… et de l’offre. » Pour preuve, Kathleen Cooney a réalisé plus de deux mille euthanasies en trois ans, à tel point qu’elle va devoir embaucher plusieurs confrères pour l’aider à satisfaire la clientèle.

Arnold Plotnick, spécialiste en médecine interne féline

Arnold Plotnick, diplomate de l’American College of Veterinary Internal Medicine et de l’American Board of Veterinary Practitioners, est un interniste “hyperspécialisé” en médecine féline.

Après avoir travaillé dans différentes structures, notre confrère new-yorkais a été choqué par les attaques terroristes du 11 septembre 2001. Au moment où beaucoup de ses compatriotes quittent la ville, il décide au contraire de s’y installer. La clinique Manhattan Cat Specialists est née.

« Je me suis toujours intéressé aux chats. Plusieurs spécialités se penchent sur un système exclusivement (cardiologie, neurologie, dermatologie ou encore ophtalmologie). Moi, j’ai toujours préféré une approche plus globale. J’ai ainsi eu la chance de pouvoir devenir interniste en médecine féline exclusive. » Il estime traiter entre quatre et cinq mille chats par an. Cette hyperspécialisation est rare aux Etats-Unis. Seule une poignée de spécialistes exercent dans ce créneau.

La clinique est généraliste, puisque notre consœur Tina Waltke y pratique des vaccinations, des soins dentaires ou encore des interventions de convenance. La clinique est aussi spécialisée en médecine interne et Arnold Plotnick offre un service d’échographie et d’endoscopie.

Cette année, il compte allonger les horaires de consultation le samedi, traditionnellement le jour le plus occupé. Les New-Yorkais ont la réputation d’avoir une vie trépidante. Arnold Plotnick compte donc ouvrir sa structure le dimanche et offrir ainsi un service sept jours sur sept.

Près de 10 000 spécialistes dans 20 organisations

L’American Veterinary Medical Association (Avma) est une association nationale américaine, à mi-chemin entre l’Ordre des vétérinaires et un syndicat.

L’Avma reconnaît 20 associations de spécialistes. Même si chacune est gérée indépendamment, l’Avma veille au grain. Au total, ces 20 associations rassemblent plus de 9 300 spécialistes aux Etats-Unis et dans le monde (entre parenthèses, le nombre de leurs diplômés au 31 décembre 2008) :

– American Board of Veterinary Practitioners (831)

– American Board of Veterinary Toxicology (94)

– American College of Laboratory Animal Medicine (718)

– American College of Poultry Veterinarians (270)

– American College of Theriogenologists (342)

– American College of Veterinary Anesthesiologists (170)

– American College of Veterinary Behaviorists (45)

– American College of Veterinary Clinical Pharmacology (48)

– American College of Veterinary Dermatology (187)

– American College of Veterinary Emergency and Critical Care (263)

– American College of Veterinary Internal Medicine (1 894)

– American College of Veterinary Microbiologists (163)

– American College of Veterinary Nutrition (53)

– American College of Veterinary Ophthalmologists (319)

– American College of Veterinary Pathologists (1 524)

– American College of Veterinary Preventive Medicine (607)

– American College of Veterinary Radiology (338)

– American College of Veterinary Surgeons (1 228)

– American College of Zoological Medicine (112)

– American Veterinary Dental College (99).

Ph. Z.
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