LE SOLEIL N’ÉCLIPSE PAS TOUTES LES CONTRAINTES - La Semaine Vétérinaire n° 1391 du 05/02/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1391 du 05/02/2010

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Auteur(s) : Stéphanie Padiolleau

Petits bouts de France éparpillés sur les quatre océans, les départements et collectivités d’outre-mer (Dom-Com) offrent un cadre de vie complètement différent de la métropole, avec pourtant de grandes similitudes. Y exercer l’art vétérinaire suppose d’accepter les nombreuses contraintes induites par la distance et l’insularité. Visite guidée.

Ultramarins d’origine ou métropolitains attirés par le cadre de vie, 179 confrères ont posé leur plaque outre-mer, aidés par 60 assistants et remplaçants, d’après les données de l’Annuaire Roy (voir tableau en page 30. Ils étaient 130 en 2003, avec une trentaine de remplaçants. Dans le même temps, les salariés du public sont passés de 66 à 57. 2 salariés vétérinaires sur 3 sont des femmes. Le rapport s’inverse dans le public. Contrairement à la métropole, les consœurs installées (55) sont plus nombreuses que les salariées (40).

Si la proportion globale entre libéraux et salariés est sensiblement comparable à la métropole, ce ratio cache de grandes différences entre les départements. De 1 pour 2 à La Réunion, il tombe à 1 pour 5 en Guyane, ou 1 pour 6 en Martinique (voir carte en page 30). Dans ces conditions, trouver un remplaçant au pied levé est rarement envisageable, malgré un cadre de vie paradisiaque, des horaires qui laissent place à une vie extraprofessionnelle le soir, même en semaine, et des clients réputés plus détendus ou moins exigeants. « Ils ne nous harcèlent pas et considèrent rarement que tout leur est dû ou que nous sommes à leur disposition. »

Les considérations à prendre en compte pour exercer outre-mer, de plusieurs niveaux, sont bien résumées par notre confrère Michel Gogny-Goubert, praticien en Guadeloupe : « L’exercice insulaire a comme particularités essentielles l’éloignement, la difficulté à se former et à se faire remplacer, la gestion d’un stock a minima mais avec un mois d’avance, la nécessité de s’adapter à des façons de vivre parfois différentes et de connaître les spécificités médicales vétérinaires locales, l’impossibilité de suivre de près les études supérieures de ses enfants (sauf exceptions), le manque de possibilités de diagnostic et de traitement médical pour sa famille par rapport à certaines régions métropolitaines. »

La plupart des formations ont lieu en métropole

Le premier point difficile à négocier est de satisfaire à l’obligation déontologique de se former en continu. « Le manque de formation est réel, regrette Myriam Simon, vétérinaire salariée à Moorea. Le billet Paris-Papeete aller-retour oscille entre 1 500 et 3 000 € selon la période, avec un voyage d’une durée de vingt-quatre heures et un décalage horaire de onze à douze heures… » Or la plupart des conférences, des congrès, des formations postuniversitaires (CES, CEAV) ont lieu en métropole. « Cela augmente considérablement les dépenses, constate Axelle Reps, installée à La Réunion, car il faut à chaque fois prévoir le déplacement, l’hébergement, sans oublier l’absence d’une associée qui ne sera pas remplacée. » Impossible en effet de suivre une formation ou de se rendre à un congrès sans un budget conséquent.

Même constat en Guyane pour Marie-Josée Maitre, installée seule en clientèle canine : « La distance double le prix d’une formation, ajoute trois jours de déplacement, avec en outre le handicap du décalage horaire. » Les quelques sessions qui voient le jour sur place sont soit organisées par les services vétérinaires, dans le cadre des formations obligatoires liées au mandat sanitaire, soit des initiatives locales.

Une gestion compliquée des flux, pour éviter les ruptures de stock

Une autre contrainte induite par la distance est la gestion des stocks. Les centrales vétérinaires livrent en outre-mer, mais sans infrastructure sur place. Toutes les commandes sont donc gérées individuellement, par et pour chaque structure vétérinaire, chacune à ses frais. Pour une livraison sur l’île de La Réunion « par avion (un par semaine), les frais équivalent à 30 % du montant de la commande. Par bateau, ils ne sont plus que de 20 %, mais il faut compter avec quatre à six semaines de délai ». Mieux vaut oublier l’habitude métropolitaine d’être livré sous quarante-huit heures, sauf dans les cas d’urgence. Le coût engendré est alors à ajouter sur la facture du client, ce qui augmente d’autant le prix du médicament. Il est donc indispensable de gérer les flux pour éviter les pénuries, sans pour autant tomber dans l’excès d’immobilisations, tout en veillant aux dates de péremption…

Vers une augmentation de la médicalisation des animaux

Le rapport à l’animal, réduit à son côté utile qui dominait autrefois en zone rurale, évolue progressivement vers une augmentation de la médicalisation des carnivores domestiques et des ruminants d’élevage (voir article ci-contre). Cependant, la situation qui prévaut dans les Dom, où le taux de chômage est élevé, dépend toujours du porte-monnaie du client et oriente les animaux qui souffrent de maladies complexes ou qui nécessitent des traitements coûteux vers l’euthanasie. « En Polynésie, l’espérance de vie des chiens et des chats est de cinq à huit ans, un vétérinaire rencontre donc peu d’affections liées à l’âge. »

Outre la dirofilariose, répandue dans tous les Dom, les accidents de la route et les intoxications induites par les campagnes de dératisations des cultures dominent les affections rencontrées chez les carnivores domestiques. Les accidents sur la voie publique représentaient jusqu’alors une part d’activité importante des structures vétérinaires, en raison d’un mode de vie excluant les clôtures et donc d’un phénomène de divagation canine, mais leur fréquence diminue, sans pour autant disparaître. Ils tendent aussi à se réduire grâce aux campagnes de stérilisation gratuites, comme à La Réunion où « deux femelles par an et par foyer non imposable peuvent être stérilisées et tatouées, dans les limites du budget alloué par les communautés de communes », explique notre consœur Marie Autret. En Polynésie, chaque commune est en outre dans l’obligation de posséder une fourrière, depuis le 1er janvier 2010, pour accueillir les animaux errants.

Les molosses de type pit-bulls sont appréciés dans les îles, pour les mêmes raisons qu’en métropole : leur allure, leur aptitude au combat, mais aussi leur capacité à monter la garde. L’application de la loi sur les chiens dits dangereux pose le problème des abandons des individus dont les maîtres ne peuvent pas ou ne veulent pas financer la stérilisation. La Nouvelle-Calédonie a résolu partiellement ce problème en y associant l’interdiction d’importation de tout chien de première et de deuxième catégories. Par ailleurs, ce territoire ne considère pas la France métropolitaine comme indemne de rage. Tous les carnivores importés de Paris doivent donc être âgés de plus de neuf mois, dûment vaccinés contre la rage depuis au moins six mois, et avoir satisfait à une quarantaine en zone indemne.

Dom, Tom ou Com ?

Les territoires français d’outre-mer ont des dénominations et des statuts qui varient de l’un à l’autre ou dans le temps.

La Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et La Réunion sont des départements depuis 1946. Le 24 janvier 2010, Guyane et Martinique ont décidé de fondre en une seule entité département et région, pour ne former qu’une seule collectivité territoriale. 2003 a vu disparaître l’expression « territoire d’outre-mer » au profit de « collectivités d’outre-mer » (Com). Ces dernières ont des statuts et une autonomie variables. La Polynésie française est le seul « pays d’outre-mer » et possède son propre gouvernement. Le Code rural français n’y est pas appliqué et les vétérinaires ne dépendent pas de l’Ordre.

Les deux dernières collectivités en date, Saint-Barthélemy et Saint-Martin, étaient jusqu’en 2007 rattachées à la Guadeloupe. Processus inverse à Mayotte qui, en 2011, changera de statut pour devenir le 101e département français. Quant à la Nouvelle-Calédonie, elle possède sa propre constitution et acquiert de plus en plus d’autonomie, en application des accords de Nouméa (1998). Le choix entre l’indépendance ou son maintien dans la République française interviendra entre 2014 et 2019.

S. P.
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