L’Europe à sens unique

L’ire de ce billet d’humeur concerne la recherche des tares oculaires canines renommées, par égard pour la gent canine et le monde ô combien susceptible de l’élevage, maladies héréditaires oculaires canines (ou MHOC, à prononcer “moc”). Je rappelle que l’Ordre des vétérinaires, en association avec la Société centrale canine (SCC) et la sous-commission ad hoc, a mis sur pied, en 2005, un système d’évaluation de ces MHOC, que le monde entier devrait nous envier. Un système fondé sur une démarche qualité appuyée sur un socle scientifique rigoureux. Pour faire court, les vétérinaires dépisteurs, obligatoirement détenteurs d’un CES ou équivalent, ont dû repasser un examen, présenter une compilation rédigée de cent vingt cas, et se soumettre à l’inspection de leur plateau technique pour prétendre obtenir l’agrément. Puis ils ont signé une charte de bonnes pratiques, les engageant en particulier à suivre une formation annuelle (coût de la dernière journée et droits acquittés pour pratiquer ce dépistage : 383 €, auxquels s’ajoutent ceux de la journée de remplacement et du voyage). Tous ces dépistages sont compilés sur une base de données sur l’Internet qui se remplit automatiquement lors de la rédaction des certificats. Certificats dont le modèle est en tous points conforme aux recommandations de la panel-list privée européenne émise par le collège européen.

Chaque année, lors de notre journée de formation, grande est la fierté de tel de nos élus de l’Ordre qui présente moult tableaux et traitements mathématiques issus de cette merveilleuse base de données.

En grossissant d’année en année, elle est supposée atteindre la masse critique des interprétations statistiquement recevables.

Sauf qu’en dehors de notre microcosme, cela n’intéresse pas grand monde, et que nos magnifiques certificats ne sont toujours pas euro-compatibles, de telle sorte qu’ils sont contestés par de nombreux éleveurs étrangers… et que des éleveurs français, qui se voient refuser des saillies à l’étranger, sont légitimés à entamer des procédures peu agréables en tromperie sur le service à l’encontre de votre serviteur.

Alors, tout ça pour ça ? Plus de chiens ophtalmologiquement tarés, mais quelques vétérinaires euro-cocus. Rien de grave me direz-vous, cela n’entamera pas beaucoup la légendaire solidarité professionnelle.

• Capital, février 2010.