La réserve africaine de Sigean
Éclairage
UNE JOURNÉE À…
Les vétérinaires consacrent leur temps à des animaux qui vivent à l’état semi-sauvage et participent à des programmes européens d’élevage.
Notre métier est plus que polyvalent et les journées ne se ressemblent jamais. » Lorsqu’elles ont débarqué à Sigean, au sud de Narbonne (Aude), Elodie Trunet et Mélanie Berthet, jeunes diplômées de l’école de Nantes pour l’une et de Toulouse pour l’autre, s’engageaient sur un terrain peu ordinaire : 350 ha d’étangs littoraux,de garrigues et de vignes, transformés en une savane suffisamment vaste pour maintenir à l’état sauvage et préserver le comportement naturel de pensionnaires issus de cent quatre-vingts espèces essentiellement africaines, soit un cheptel actuel d’environ trois mille huit cents animaux. Des lions, des girafes, des antilopes, des zèbres, des springboks, des gnous, des dromadaires, des pélicans, des crocodiles… et une trentaine d’espèces qui font ici l’objet d’un programme européen de conservation (rhinocéros blanc, saïmiri, zèbre d’Hartmann, lycaon, guépard, onagre, etc.). « Ce n’est pas plus difficile que de faire de la canine ou de la rurale. Bien que notre univers de travail soit totalement différent, la médecine reste la même », estime Elodie Trunet. La jeune vétérinaire, arrivée en juillet 2008, a suivi une T1 Pro “faune sauvage”, effectué des stages en zoo pendant toute sa scolarité et fait son internat dans celui de Doué-la-Fontaine (Maine-et-Loire). Mélanie Berthet, qui l’a rejointe un an plus tard, a le même cursus. Elle a, entre autres, passé plusieurs mois au Cambodge pour sa thèse et un an au Laos au milieu des gibbons et des ours, pour monter un projet de centre de soins d’une réserve.
Les deux vétérinaires se partagent équitablement les tâches ou mettent la main à la pâte de concert : faire de la prophylaxie, désinfecter le cordon ombilical d’un girafon, réhydrater un nandou par perfusion, traiter une boiterie ou une fausse route chez une girafe, flécher au fusil hypodermique un mâle koudou pour injecter un traitement, procéder à l’examen gynécologique d’un chimpanzé, plâtrer un mouton de Somalie pour une fracture de la patte, etc. « La girafe, le cob ou le gnou fonctionnent sur le même principe qu’un ruminant, le lion ou le guépard sur celui des chats, le lycaon celui des chiens, le zèbre ou l’onagre celui des équidés et pour les primates, c’est de l’humaine », résument les deux consœurs. La différence c’est qu’ici, auscultation et traitement se font, autant que possible, à distance. « Là réside la difficulté. Nous ne pouvons pas systématiquement manipuler l’animal et nous n’intervenons directement qu’en cas de nécessité absolue, après une anesthésie. »
« Les soigneurs sont nos yeux dans le parc », notent-elles. Le site en compte une quarantaine, qui s’occupent des animaux, les nourrissent et informent les vétérinaires dès qu’ils notent un problème : un animal boite, reste isolé, ne s’alimente pas… Prévenues par talkie-walkie, Elodie et Mélanie se déplacent avec un éthologue de la réserve, pour une observation et une première analyse de visu qui permettra de déterminer le mode de traitement. « Pour une masse sur la mâchoire d’un chien, le praticien procède à une évaluation au palper, à une ponction. Chez un lycaon, c’est impossible. Nous tentons d’abord de l’isoler pour lui administrer un anti-inflammatoire par le biais de sa nourriture et observer son évolution. » L’été dernier, un lion a été anesthésié pour curer une otite impossible à traiter par l’application de topiques locaux (antibiotiques et antifongiques notamment). En décembre, un bébé dromadaire a été séparé de sa mère pour désinfecter et soigner une mauvaise plaie à la cuisse due à la morsure d’un mâle…
Les vétérinaires disposent sur place d’une salle de soins et de chirurgie dotée d’un matériel d’anesthésie gazeuse, idéale pour les oiseaux, d’une salle de radiographie, d’une pharmacie assez complète et d’un laboratoire d’analyses où elles réalisent souvent des coproscopies, des frottis, des actes de cytologie légère et d’hématologie qu’elles peuvent envoyer dans un laboratoire de Narbonne, Paris ou Alfort. La clinique de la réserve possède aussi une salle d’autopsie, obligatoire. « Nous en effectuons souvent, car nous devons connaître les causes de chaque mort. » Les morceaux de cœur, de poumon, de foie, de rate et de rein (entre autres) sont expédiés dans un laboratoire lyonnais pour analyse.
« Contrairement à nos confrères qui auscultent toute la journée en clientèle, il nous arrive d’avoir des périodes sans soins. Dans ce cas, les tâches administratives nous attendent. » Elles sont de plus en plus lourdes : cahiers de soins complétés quotidiennement, reports sur des fiches individuelles, mise à jour du tableau de soins, commandes de produits pharmaceutiques, énorme travail bibliographique sur les cas observés. A cela s’ajoutent des échanges d’informations avec tous les confrères de zoos(1), des contacts avec les associations européennes dans le cadre de programmes européens d’élevage (EEP) et d’échanges d’animaux, avec les services vétérinaires, avec l’équarrisseur, les laboratoires, etc.
Les deux vétérinaires se chargent aussi d’encadrer des stagiaires, de former les soigneurs sur la prévention des zoonoses et même de chapeauter, avec un éthologue, les séances quotidiennes de training médical sur les éléphants et sans doute bientôt sur les rhinocéros. « En cas de maladie, un examen clinique plus poussé que celui réalisé à distance nécessite d’accéder à leurs oreilles où se fait la prise de sang ou à leur bouche pour regarder les dents. » Et aussi aux pieds : un éléphant qui se couche après qu’un caillou a provoqué une lésion de la sole est plutôt difficile à relever.
« Certes, nous travaillons dans un milieu à part, mais nous avons beaucoup de chance de pouvoir exercer sur des espèces en danger », résume Elodie Trunet. Des espèces particulièrement à l’aise sous le climat languedocien qui ont totalisé cent soixante naissances en 2009, dont deux girafes péralta, trois zèbres de Grant, un zèbre d’Hartmann, deux dromadaires, etc.
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