Médecine des tortues
Formation continue
FAUNE SAUVAGE ET NAC
Auteur(s) : Julie Brackman
Les tortues sont soumises à des maladies bactériennes, virales ou encore parasitaires dont le traitement comprend souvent la correction des conditions environnementales de détention.
La bonne gestion d’une tortue malade nécessite de connaître ses particularités anatomiques et physiologiques. Les chéloniens, comme tous les reptiles, sont ectothermes. La “température moyenne préférée”, propre à chaque espèce, est le premier paramètre à prendre en compte dans leur environnement. Les poumons sont de simples sacs tapissés d’alvéoles. Le thorax n’est pas extensible (inspiration et expiration actives par les membres), la ceinture pectorale étant soudée à la carapace. L’absence de diaphragme interdit toute toux, et les bronches sont dépourvues de système de transport ciliaire, ce qui rend les chéloniens sujets à des pneumonies. Ils sont adaptés à l’anaérobiose (ils supportent bien l’accumulation d’acide lactique) et peuvent ainsi rester en apnée prolongée. Les voies digestives, urinaires et génitales confluent dans une chambre tricompartimentée, le cloaque. Les tortues sont pourvues d’un bec corné.
L’estimation de l’état corporel passe par l’équation de Donogue : P (g) = 0,191 x L3 (P est le poids théorique excluant la carapace et L la longueur du plastron). Si PV (poids vif) < 0,9P, l’animal est considéré comme cliniquement maigre et a besoin d’une alimentation assistée.
La contention des tortues se fait par la carapace, plutôt à l’arrière pour les espèces dangereuses, afin d’éviter les morsures. Incliner la tortue vers le bas et appuyer sur le cloaque permet souvent de lui faire sortir la tête.
En termes de protocole anesthésique, notre confrère Norin Chai conseille l’utilisation de propofol (5 à 8 mg/kg) administré par voie intraveineuse ou intracardiaque (à l’intersection des deux écailles pectorales et des deux écailles abdominales). « Les apnées prolongées peuvent rendre l’usage de l’isoflurane décevant », prévient-il.
Des germes appartenant à la flore commensale chez l’animal sain se multiplient lors d’une immunodéficience ou lorsque les conditions environnementales sont inadaptées (température, alimentation, hygiène, parasitisme) et deviennent pathogènes. Le plus souvent, des bactéries Gram négatif sont retrouvées (d’où l’intérêt d’utiliser de la chlorexidine pour désinfecter). La culture permet de mettre en place une antibiothérapie adéquate.
Les abcès auriculaires sont fréquents et ne s’accompagnent pas de syndrome vestibulaire. La plupart répondent bien à la chirurgie (incision et vidange du pus, solide chez les reptiles) et sont assortis d’un bon pronostic s’ils sont gérés assez tôt. Ils peuvent être associés à une stomatite (quatre stades sont distingués, depuis l’inflammation jusqu’à la nécrose), qui se traite par des antibiotiques, des soins locaux, et surtout la correction des paramètres environnementaux.
Parmi les autres affections courantes, les pneumonies sont difficiles à traiter.
La (Septicemic) Ulcerative Shell Disease ((S) USD) est une bactériose qui se rencontre surtout chez les tortues aquatiques. Elles présentent alors des plaques ulcératives sur la carapace, qu’il est important de ne pas confondre avec une simple mycose.
Pour leur part, les salmonelles, qui font partie de la flore normale, peuvent devenir pathogènes en cas de mauvaise hygiène, et sont les agents de zoonoses.
L’herpesvirus et les mycoplasmes sont, eux, deux agents pathogènes majeurs responsables de rhinite contagieuse. La morbidité et la mortalité sont élevées. L’identification avec certitude de l’agent viral en cause passe par la polymerase chain reaction (PCR). Le traitement associe l’acyclovir et des mesures hygiéniques (en termes de température notamment). Selon le conférencier, des inhalations de goménol (une ampoule) et gentamycine (1 ml) mélangés dans de l’eau bouillante apportent des résultats intéressants. Il recommande une antibiothérapie de quinze jours.
En captivité, les affections parasitaires internes occupent également une place prépondérante. Elles accroissent en outre la sensibilité de l’animal à d’autres maladies. Le némizole (8 mg/kg par voie intramusculaire) peut être employé. « Il convient de ne pas utiliser d’ivermectine chez la tortue ! », souligne Norin Chai. Profender® se révèle être un produit particulièrement efficace et facile d’usage.
Les troubles nutritionnels, quant à eux, sont dominés par l’hypovitaminose A et l’ostéofibrose. Le traitement est étiologique et le pronostic bon si l’affection est prise en charge tôt.
A la sortie de l’hibernation, des kératites, des conjonctivites et des rhinites peuvent intervenir. Quant au syndrome ulcéro-nécrotique post-hibernal, il consiste en la surinfection et la mauvaise cicatrisation des plaies de morsures infligées par des rongeurs, en raison, entre autres, du faible métabolisme et de la baisse de l’immunité durant cette période.
Parmi les affections saisonnières figure également la rétention d’œufs. La moitié des cas se rencontrent entre mai et juin, et 90 % entre avril et août. Les causes sont variées, allant du mauvais état général aux calculs vésicaux en passant par les carences nutritionnelles. L’expression clinique est parfois fruste, mais une parésie et une anorexie sont généralement observées. Le diagnostic de certitude est obtenu par la radiographie et l’examen clinique. Lors de rétention basse, certaines manœuvres permettent de libérer un œuf bloqué dans le cloaque. En cas de rétention haute, une cœliotomie est pratiquée si l’administration d’ocytocine est infructueuse.
Enfin, les fractures de la carapace constituent un motif de consultation classique. Les soins d’urgence (fluidothérapie, réchauffement, soins locaux) doivent précéder tout traitement orthopédique. Diverses techniques d’ostéosynthèse sont décrites.
Norin Chai, responsable du service vétérinaire à la ménagerie du jardin des Plantes (Paris).
Article rédigé d’après la conférence « Affections courantes des tortues », présentée lors d’une formation sur le thème des NAC organisée par la section de l’Afvac Ile-de-France en janvier 2010.
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