La déréglementation n’aura pas la peau de l’Ordre - La Semaine Vétérinaire n° 1401 du 16/04/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1401 du 16/04/2010

Europe. Ordres et concurrence

Actualité

Auteur(s) : Nicolas Fontenelle

Le Comité de liaison des institutions ordinales européennes a invité ses membres à réfléchir à l’autorégulation des professions libérales.

L’autorégulation n’a pas la cote sur les bancs du Parlement européen. La crise financière n’a rien arrangé. « On a longtemps cru que les marchés financiers, les banques pouvaient s’autoréguler, c’était faux », a lancé l’Anglais Brian Cassidy, ancien député européen, membre du Conseil économique et social européen (Cese), en ouvrant la table ronde sur « L’autorégulation des professions » organisée le 8 avril à Bruxelles par le Comité de liaison des institutions ordinales (Clio, voir encadré). L’autorégulation des professions libérales n’a pas non plus bonne presse. Au détour des années 2000, la Commission européenne souhaitait même tout déréglementer et “libérer” les professions libérales. Pour les élus européens d’alors, les Ordres professionnels, archaïques, étaient l’expression de corporatismes aux relents clientélistes, empêchant toute concurrence saine de s’exercer.

« L’idéal serait que les Ordres fassent eux-mêmes la chasse aux règles excessives »

Depuis, le ton est plus mesuré. Par pragmatisme essentiellement. « L’autorégulation fait partie du principe de subsidiarité cher aux instances européennes, qui veut que chacun se prenne en charge plutôt que d’être financé par l’Etat ou l’Union européenne, explique Andréas Schawb, eurodéputé allemand. L’ultralibéralisme de l’Union a été corrigé sur ces sujets. Cela dit, nous avons du mal à comprendre les réticences françaises face à la directive “services”. La France a aussi besoin de plombiers. » L’Union européenne reste en effet attachée à la libre circulation des biens, des personnes et des services, donc au respect d’une libre concurrence. « Ce n’est plus le principe de l’autorégulation qui est en cause, mais les excès qu’il engendre, rappelle Martine Béhar-Touchais, professeur en droit de la concurrence à l’université Paris-Descartes. L’objectif du législateur européen est de protéger et de favoriser l’intérêt général, donc le consommateur final. Chaque fois qu’une restriction à la concurrence est mise en évidence, la balance sera faite entre avantages et inconvénients. S’il est démontré que la restriction de concurrence est favorable à l’intérêt général, elle est acceptée. » Lorsqu’un Ordre outrepasse ses compétences, il est sanctionné, comme celui des pharmaciens qui avait interdit le portage des médicaments à domicile, ou celui des chirurgiens-dentistes qui avait refusé l’affiliation de ses membres au réseau Santéclair de l’assureur AGF, dans lequel les praticiens affiliés s’engagent à pratiquer des tarifs modérés. « L’idéal serait que les Ordres fassent eux-mêmes la chasse aux règles excessives plutôt que d’attendre tout de la jurisprudence. L’autorégulation au secours de l’autorégulation, en quelque sorte », s’amuse Martine Béhar-Touchais.

« Réguler l’accès à la profession est capital pour maintenir la confiance du public »

Les représentants des seize Ordres présents lors de cette journée sont tombés d’accord sur un point : ils ne sont pas là pour défendre l’intérêt des professionnels, mais celui des citoyens. « Les Ordres ont des qualités à faire valoir pour se légitimer », remarque Bruno Deffains, professeur d’économie à l’université Paris 2. Avant tout, l’indépendance de leurs membres, qui apporte au citoyen la garantie d’un exercice honnête. Chaque instance ordinale contrôle la formation, l’accès à la profession, les modalités d’exercice (Code de déontologie), délivre des titres et des droits d’exercice spécifiques (spécialité), met en place une justice interne (discipline), garantit le secret professionnel et, en principe, le désintéressement (conflits d’intérêt). « Ces modalités de régulation professionnelle s’opposent aux principes d’un marché concurrentiel, note Bruno Deffains. Mais, a contrario, elles sont garantes d’un haut niveau de compétence et de qualité de service, que le marché ne peut pas produire seul. »

Christian Rondeau, président de l’Ordre des vétérinaires français, invité à évoquer l’accès aux professions réglementées, a présenté les dispositions prises par l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) pour trouver une autorité vétérinaire compétente dans chaque pays. « Réguler l’accès à la profession vétérinaire est capital si nous voulons maintenir la confiance du public et des autorités sur la qualité du service rendu à prix optimum », estime-t-il. Toute la difficulté est d’évoquer l’autorégu-lation dans des pays, y compris au sein de l’Union européenne (pays de l’Est), ou aucune structure professionnelle n’est en place. « Mais attention, prévient Paul-Albert Iweins, ancien président du Conseil national des barreaux. A trop vouloir étendre le monopole, à le défendre là où nous le savons indéfendable, nous le mettons en péril dans sa totalité. Restons sur nos fondamentaux. »

Ouverture du capital : pas plus de 49 % pour la France

Marie-José Palasz, qui dirige la mission interministérielle de transposition de la directive “services”, a assisté à la table ronde. Elle a pris la parole pour rappeler que les propositions d’évolution des législations nationales émises par les membres de l’Union sont toujours en phase d’évaluation mutuelle. Les discussions portent actuellement sur l’ouverture du capital. « Chaque Etat a ses modalités et ne partage pas toujours la même vision que la France, a-t-elle souligné. Certains nous demandent si nous n’en faisons pas un peu trop avec les limitations actuelles et nous enjoignent de nous justifier. Heureusement, d’autres ont la même position, comme l’Espagne qui a permis une ouverture à 75 % avant de revenir à 49 %. Le débat est ouvert. Si la décision finale propose une limite supérieure à 49 %, il se terminera devant la Cour de justice. » Comprenez entre les mots que la position du gouvernement français est de ne pas aller au-delà de 49 %. Ouf ! Mais ce n’est pas encore gagné.

N. F.

Le Clio trace la route

Le Comité de liaison des institutions ordinales (Clio) réunit tous les Ordres professionnels français (seize), rassemblés en trois familles (santé, juridique, technique de cadre de vie). Sa mission : coordonner les positions de ces instances à l’échelon national et participer activement aux réformes structurelles qui les concernent. Représenté à la Commission nationale de concertation des professions libérales (CNCPL), il a notamment élaboré, en 2005, une définition du statut du collaborateur libéral, commune à toutes les professions réglementées.

Le Clio assure également l’information mutuelle des Ordres, la coordination de leurs positions et leur représentation auprès des instances nationales, européennes et internationales.

N. F.
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