Les variations de la glycémie chez le cheval ont une valeur pronostique - La Semaine Vétérinaire n° 1401 du 16/04/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1401 du 16/04/2010

Endocrinologie

Formation continue

ÉQUIDÉS

Auteur(s) : Gwenola Touzot-Jourde

L’hyperglycémie est plus sévère lors d’obstructions étranglées, de lésions inflammatoires et néoplasiques, de rupture et d’infarcissement gastro-intestinaux.

1 NÉOPLASIE ET HYPOGLYCÉMIE CHEZ UN PONEY.

Les signes cliniques de l’hypoglycémie sont rares chez le cheval adulte. Des hypoglycémies, symptomatiques ou non, sont rapportées dans plusieurs cas de néoplasie équine (adénome pancréatique, carcinome rénal et hépatique, mésothéliome péritonéal).

Un diagnostic post-mortem de tumeur stromale gastro-intestinale est établi chez un étalon fjord âgé de douze ans qui a présenté des épisodes intermittents de douleur abdominale et de collapsus (voir bibliographie 1). Durant les trois semaines qui précèdent l’évaluation, le poney a montré des épisodes d’ataxie, d’une apparente cécité, de headshaking et de sudation abondante, accompagnés d’un collapsus à terre et de signes de coliques et suivis d’une récupération spontanée. Au moment de son hospitalisation, le poney affiche initialement une hypoglycémie marginale (68 mg/dl) qui devient marquée lors d’un prélèvement réalisé à l’occasion d’un épisode de collapsus (20 mg/dl). Les signes cliniques ont débuté par de l’ataxie avec des fasciculations musculaires. Le poney a chuté à plusieurs reprises, jusqu’à ne plus pouvoir se relever. Une diminution de la vigilance a également été remarquée. Les symptômes ont rétrocédé à la suite de la mise en place d’une perfusion de glucose.

L’hypoglycémie, dans ce cas, sera majoritairement attribuée à une dénutrition évidente du poney, en raison des signes d’un état catabolique avancé.

2 DÉSORDRE DE LA GLYCÉMIE CHEZ LES POULAINS NOUVEAU-NÉS EN ÉTAT CRITIQUE.

Sur une population de cinq cent quinze poulains nouveau-nés hospitalisés pour un état critique (voir bibliographie 2), un tiers d’entre eux sont hypoglycémiques et un autre tiers hyperglycémiques (normes de référence : 76 à 131 mg/dl). Une glycémie à l’admission inférieure à 50 mg/ml et supérieure à 180 mg/ml est associée à une chance de survie moindre. La persistance de l’anomalie pendant les premières vingt-quatre heures, ainsi qu’une glycémie plus élevée que la moyenne à vingt-quatre et trente-six heures, sont également corrélées à une mortalité plus importante. En outre, l’hypoglycémie à l’admission est positivement associée à la présence d’un sepsis, d’une culture sanguine positive et d’un syndrome de réponse inflammatoire systémique.

Les désordres de la glycémie chez le poulain en état critique ont donc une valeur pronostique intéressante.

3 HYPERGLYCÉMIE ET TAUX DE SURVIE LORS D’AFFECTION GASTRO-INTESTINALE AIGUË.

Une étude rétrospective de deux cent vingt-huit cas de coliques (voir bibliographie 3) a corrélé la valeur de la glycémie lors de l’hospitalisation au taux de survie. Les affections digestives étaient variées et intéressaient le gros comme le petit intestin, ainsi que l’estomac (déplacement dorsal du côlon droit ou gauche, volvulus et impaction du gros intestin, obstruction étranglée du petit intestin, colite et entérite, colique gazeuse et de sable, impaction du petit côlon, ulcères gastriques, rupture gastro-intestinale). Au sein de cette population, 45 % des chevaux étaient hyperglycémiques (valeurs de référence : 70 à 135 mg/dl), 17 % présentaient une hyperglycémie sévère (plus de 195 mg/dl) et aucun une hypoglycémie. La glycémie moyenne chez les chevaux qui n’ont pas survécu était de 235 mg/dl, comparée à 136,4 mg/dl chez les survivants. L’hyperglycémie s’est révélée plus sévère lors d’obstructions étranglées, de lésions inflammatoires et néoplasiques, de rupture et d’infarcissement gastro-intestinaux.

4 QU’EST-CE QUE L’HYPERGLYCÉMIE DE STRESS ?

L’hyperglycémie chez les animaux en état critique serait liée au stress physiologique généré par la maladie. Il s’agirait d’un mécanisme adaptatif et bénéfique essentiellement dû à la libération de cortisol et de noradrénaline. Toutefois, ce concept est remis en cause. Ainsi, il convient plutôt de parler de dérèglement de l’homéostasie du glucose, qui se manifeste par une résistance périphérique à l’insuline, une hyperinsulinémie, une gluconéogenèse augmentée et une absorption glucidique périphérique stimulée par l’insuline déficiente.

Le constat est toutefois omniprésent en médecine humaine comme vétérinaire : une hyperglycémie chez les sujets en état critique est associée à une morbidité et à une morbidité augmentées (voir bibliographie 4). Si une toxicité cellulaire de l’hyperglycémie est démontrée, la médecine humaine n’a pas encore pu déterminer de façon définitive si l’hyperglycémie n’est qu’un symptôme et une mesure de gravité de la maladie ou si elle contribue à la morbidité. Les résultats des études menées sont souvent contradictoires. Certaines rapportent un taux d’infection plus élevé, une cicatrisation retardée et une hospitalisationplus longue lors d’hyperglycémie prolongée, tandis que d’autres ne trouvent pas de différence.

Le contrôle de la glycémie par l’insulinothérapieabeaucoupétéutilisé, avecl’obtention de bons résultats dans certaines recherches. Toutefois, récemment, l’insulinothérapie a été fortement critiquée depuis qu’une étude a montré une corrélation positive entre l’emploi de l’insuline et la mort en soins intensifs.

  • (1) G. Piccione et coll. : « Daily rythmicity of glycemia in four species of domestic animals under various feeding regimes », J. Physiol. Sci., 2008, vol. 58, pp. 271-275.

Impact du jeûne et du nombre de repas sur la glycémie

La glycémie est mesurée pendant quarante-huit heures chez des juments maintenues au box avec douze heures de lumière naturelle et une alimentation à base de céréales (3,5 kg/j d’un mélange de 50 % d’orge et de 50 % d’avoine) et de foin à volonté, dans quatre conditions différentes : jeûne, un ou deux repas par jour, libre service(1).

La glycémie chez le cheval a une rythmicité quotidienne qui disparaît lors du jeûne et qui est reproductible d’un jour sur l’autre, quel que soit le nombre de repas dans une journée. L’ingestion de matières alimentaires semble donc être responsable du déclenchement d’un cycle circadien de la glycémie, sans pour autant le contrôler. En outre, le jeûne provoque une glycémie moyenne plus faible et diminue l’amplitude de ses variations au cours de son cycle.

La mise à jeun, souvent préconisée lors de coliques, d’intervention sous sédation ou d’anesthésie, a donc un effet non négligeable sur l’homéostasie du glucose.

G. T.-J.

À LIRE DANS

• « Le diabète mellitus, ou diabète sucré, chez le cheval », PVE n° 154, avril 2007.

• « Approche diagnostique du syndrome polyuro-polydipsie », PVE n° 138, avril 2003.

• « Analyses sanguines équines. II-Biochimie », PVE n° 152, octobre 2006.

• « Syndrome métabolique équin : état des lieux et éléments de comparaison avec l’homme », PVE n° 154, avril 2007.

• « Apport du laboratoire de biologie en gastro-entérologie », PVE n° 140, octobre 2003.

BIBLIOGRAPHIE

  • 1 – H.A. Haga et coll. : « Gastrointestinal stromal tumor and hypoglycemia in a Fjord pony : case report », Acta Vet. Scand., 2008, vol. 16, pp. 50-59.
  • 2 – A.R. Hollis et coll. : « Blood glucose concentrations in critically ill neonatal foals », J. Vet. Intern. Med., 2008, vol. 22, pp. 1 223-1 227.
  • 3 – D.M. Hassel et coll. : « Association between hyperglycemia and survival in 228 horses with acute gastro-intestinal disease », J. Vet. Intern. Med., 2009, vol. 23, pp. 1261-1 265.
  • 4 – K. Chinsky : « The evolving paradigm of hyperglycaemia and critical illness », Chest, 2004, vol. 126, pp. 674-676.
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