La clientèle
Auteur(s) : Daniel S. Evans
Fonctions : professeur et chief innovation officer, EML Executive Development. Economiste et spécialiste des activités d’innovation et de leadership, il intervient dans les programmes de MBA et d’AMP au sein d’EML Executive Education. Il participe et gère plusieurs programmes pour les entreprises clientes.
Elle permet d’augmenter l’attractivité de la structure, d’accroître le chiffre d’affaires et la rentabilité, mais aussi d’améliorer la fidélisation des clients.
Le monde vétérinaire est en pleine mutation. La réglementation, les pratiques, les concurrents, les attentes des clients… tout bouge. Ces changements peuvent être perçus comme une menace ou comme une opportunité pour ceux qui adoptent une approche plutôt entrepreneuriale. Mais quel que soit leur point de vue, les praticiens ne peuvent ignorer ces transformations.
Des questions profondes se posent : que faisons-nous et pour qui ? Qu’est-ce qui est unique dans notre service ? Quelles sont les ressources “stratégiques” qui nous permettront de fournir à la clientèle un service à forte valeur ajoutée comparé à celui d’autres fournisseurs ou à des concurrents ?
Selon le dictionnaire, un vétérinaire est « le spécialiste de la médecine et de la chirurgie des animaux » ou « la personne qui, diplômée d’une école nationale vétérinaire, exerce la médecine vétérinaire ». Mais face aux changements de l’environnement, une autre définition s’impose : « Un vétérinaire est le spécialiste qui soigne les animaux ET les individus qui s’en occupent. » En clair, les vétérinaires fournissent un service à forte valeur ajoutée aux animaux, mais aussi à leurs maîtres.
Les services rendus aux personnes répondent à trois besoins humains de base : la sécurité (physique, psychologique et économique), l’estime (bien-être, reconnaissance) et la justice (un traitement équitable, juste). Simple ? Pas si sûr quand on regarde d’un peu plus près chacun de ces facteurs.
• La sécurité : le propriétaire d’un chien qui entre dans la clinique se sent-il toujours en sécurité ? Et le chien ? Existe-t-il des zones d’attente séparées pour les chiens et les chats, pour les animaux ou les maîtres sensibles ? L’image projetée rassure-t-elle le client ? Les qualifications de l’équipe sont-elles suffisamment mises en valeur ? L’environnement général est-il apaisant, confortable ?
• L’estime : le client peut-il facilement comprendre les services rendus grâce à l’utilisation de mots simples ou, au contraire, se sent-il “dépassé”, voire “insulté” par la complexité et le jargon utilisé ? Les animaux et leurs propriétaires sont-ils accueillis par leurs noms ? L’équipe se rend-elle compte d’éventuelles erreurs avant que le client ne les perçoive ?
• La justice : les clients fidèles, sont-ils reconnus et récompensés d’une façon ou d’une autre ? Comment l’attente est-elle gérée ? Le temps d’attente est-il annoncé ? Certains clients sont-ils prioritaires ? Un propriétaire arrivé après un autre peut-il être reçu avant par le vétérinaire ? Pourquoi ? L’équité entre les clients est-elle respectée ?
En résumé : le client se sent-il en sécurité ? L’équipe admet-elle ses erreurs ou le client a-t-il toujours tort ?
Le client perçoit-il le service comme juste ?
La valeur ajoutée proposée peut aller beaucoup plus loin. Une analyse plus poussée montre qu’un client classe les services rendus en quatre catégories :
– les services dits “noyaux” (par exemple, le service minimal proposé par n’importe quel vétérinaire) ;
– les services “attendus” (ce qu’un propriétaire peut attendre à l’heure actuelle d’un vétérinaire concerné par la satisfaction de ses clients) ;
– les services “améliorés” (ce qui est rarement attendu d’un vétérinaire, des surprises) ;
– les services “potentiels” pour attirer et retenir des clients.
Prenons deux exemples
• Cas A : un vétérinaire installé en centre-ville propose une salle d’attente propre, avec des chaises et des magazines (pas toujours les plus récents). L’équipe est aimable, le nombre de personnes est suffisant pour gérer l’activité, avec une attente dans les normes du secteur. Les analyses sont toujours réalisées correctement et dans des délais satisfaisants. L’équipement est à jour et aux normes. Les clients reçoivent un service similaire à ce qu’ils trouvent chez les autres vétérinaires et paient après les services rendus.
• Cas B : une praticienne de centre-ville propose un parking gratuit (ou remboursé), des espaces d’attente réservés aux différents animaux où des jouets et de l’eau sont à leur disposition, alors que leurs propriétaires trouvent du café, des rafraîchissements, des magazines récents, des informations sur le bien-être animal, des vidéos sur les dernières pratiques vétérinaires et suffisamment de sièges pour que l’espace “privé” de chacun soit respecté. L’équipe est étoffée et les différentes qualifications font l’objet d’une présentation dans l’espace d’attente. Chacun de ses membres, souriant, porte un badge avec son prénom. Le standard se trouve à l’écart pour ne pas déranger les clients. A leur arrivée, ces derniers sont informés du délai d’attente et une boisson leur est offerte. Ceux qui le souhaitent peuvent patienter à l’extérieur, dans des zones réservées aux différents animaux. Ils sont appelés, éventuellement par téléphone, dès que le vétérinaire est libre.
Les analyses sont faites dans les règles de l’art et sont accompagnées d’une note d’explication claire et synthétique, sans jargon. Chacune indique des sites Internet où le client peut obtenir des informations complémentaires. Les résultats sont commentés par le vétérinaire avec clarté. L’équipement et les salles “techniques” sont visibles depuis la salle d’attente et font la fierté de l’équipe. Les clients peuvent suivre des interventions par vidéo s’ils le souhaitent. Avant de partir, ils reçoivent un bilan de santé de leurs animaux et un calendrier qui indique les prochains actes à pratiquer (vaccination, par exemple). De retour à leur domicile, à la suite d’une intervention, ils reçoivent un e-mail pour vérifier que tout va bien et sont invités à rejoindre d’autres clients dans une communauté en ligne.
Dans le cas A, la structure offre les services standard attendus. Dans le cas B, elle propose des services qui apportent une vraie valeur ajoutée. Pour les nouveaux clients, ces “plus” sont une bonne surprise au départ, mais leurs attentes évoluent vite pour intégrer l’ensemble des services offerts.
Le praticien doit donc se poser les bonnes questions : quel niveau de service offre sa clinique ? Ses concurrents sont-ils capables de proposer des services inattendus ? Quels sont les services à valeur ajoutée qu’il peut offrir sans investissement important ?
Une fois que le vétérinaire a une idée des services qu’il souhaite proposer, il doit étudier la façon de les mettre en place.
La capacité à créer de la valeur dépend des ressources clés ou des compétences. Celles qui donnent un vrai avantage dans le marché possèdent quatre caractéristiques : elles peuvent créer un service valorisé par le client, elles sont rares (peu de concurrents les possèdent), elles sont difficiles à imiter (fondées sur un savoir-faire complexe ou un historique unique avec un propriétaire, par exemple) et n’ont pas de substitut.
Des infrastructures, des machines ou des ressources financières ne sont pas stratégiques. Elles sont en effet facilement à la portée des concurrents.
A la lumière de ces éléments, le praticien doit se pencher sur ses ressources stratégiques. A-t-il fondé son positionnement sur des ressources rares ou qui ne peuvent pas être facilement copiées ? Que fait-il pour garder un fort niveau de satisfaction parmi ses employés ? A-t-il des ressources stratégiques qui ne sont pas utilisées pour la création de valeur pour ses clients ?
• Le client. Son rôle est de plus en plus important. Désormais, les propriétaires administrent les médicaments, alertent le vétérinaire en cas de problèmes, veillent sur l’hygiène des animaux, etc. Peuvent-ils encore aller plus loin ? Aujourd’hui, les clients de certains restaurants conçoivent et vont jusqu’à cuisiner leur repas. Une révolution du self-service est en marche dans plusieurs domaines, accélérée par l’arrivée de l’Internet. Dans ce cadre, quel rôle le propriétaire d’animal pourrait-il jouer en attendant d’être servi à la clinique ? Peut-il faire quelque chose pour le praticien ou pour les autres propriétaires via l’Internet ?
• Le back-office. Au-delà du point d’accueil d’une clinique se trouvent des ressources stratégiques souvent ignorées de la clientèle. La plupart des propriétaires n’en utilisent ou n’en consomment qu’une petite partie. Celles-ci peuvent néanmoins être exploitées. L’exemple des restaurants le montre une nouvelle fois. Les cuisines y sont de plus en plus visibles depuis la salle (même dans les établissements cotés). Regarder les chefs travailler permet de se rendre compte de la difficulté de leur discipline, de l’art d’élaborer un bon repas. Ainsi, la valeur n’est pas seulement dans l’assiette.
En offrant à sa clientèle une vision plus large de ses services, le vétérinaire lui permet de réaliser et d’apprécier la complexité de son exercice, l’étendue de ses ressources stratégiques. En reculant la ligne de visibilité entre le front-office et le back-office, le praticien augmente la valeur perçue de ses services, qu’ils soient consommés ou non.
La création de valeur dans les services vétérinaires a plusieurs facettes. La responsabilité d’un bon gestionnaire est d’en analyser les sources, de les gérer et de les utiliser pour créer de la valeur pour les clients. L’objectif est d’augmenter l’attractivité de la structure, d’améliorer le chiffre d’affaires et la rentabilité, et d’accroître la fidélisation des clients existants. Parce qu’un client satisfait n’est pas forcément un client fidèle !
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