Le protocole opératoire et postopératoire comprend des particularités spécifiques

Castrer un âne nécessite de connaître quelques particularités d’ordre anatomique et métabolique. Lors de la dernière Journée normande vétérinaire, Luc van Vlierberghe a présenté la technique chirurgicale et ses points critiques.

Il est possible de castrer un âne quel que soit son âge. Toutefois, la castration avant trois ans est à préférer pour garantir un arrêt du comportement d’étalon et de l’agressivité. Notre confrère recommande d’intervenir sur des mâles âgés de dix à dix-huit mois et en dehors de la période d’activité des insectes.

1 LA TRANQUILLISATION ET L’ANESTHÉSIE

Une sédation de bonne qualité nécessite d’utiliser des posologies supérieures à celles recommandées pour les chevaux⁽¹⁾. La règle consiste à multiplier les doses par 1,5. Ainsi, Luc van Vlierberghe injecte 0,2 ml de détomidine (Domosedan®, Medesedan®) pour 100 kg de poids vif avec 0,2 ml pour 100 kg de butrophanol (Torbugésic®, Dolorex®). Le poids moyen d’un ânon d’un an et demi est de 100 kg. Celui d’un âne de deux à trois ans varie entre 150 et 300 kg.

Pour une intervention couchée, qui a la préférence du praticien, l’induction est réalisée avec 2,5 ml pour 100 kg de Kétamine1000® et une demi-ampoule de 2 ml de Valium® pour 100 kg. L’anesthésie générale peut être prolongée par la moitié de la dose de Détomidine® et de Kétamine® ou par une solution triple drip (330 ml de Myolaxin® + 25 ml de Rompun® +10 ml de Kétamine® dans 1 l de soluté de chlorure de sodium).

2 LA CONTENTION ET L’ANESTHÉSIE LOCALE

L’âne est placé en décubitus latéral avec le postérieur du haut remonté vers l’épaule (^{voir photo 1}) et une personne à cheval sur l’encolure. Pour les droitiers, l’âne est couché sur le côté gauche. Castrer un âne debout est possible, mais en raison de la forte sédation, il risque de se coucher au cours de l’intervention.

L’anesthésie locale (^{voir photos 2 et 3}) présente un double avantage : ne pas prolonger l’anesthésie générale et éviter la remontée du testicule pendant les manipulations.

3 L’INTERVENTION

Luc van Vlierberghe pratique la technique de castration semi-fermée, encore appelée technique à testicule découvert et cordon couvert, avec laquelle il a une meilleure prise du testicule. Cette méthode évite les hydrocèles (accumulation de liquide dans la cavité vaginale). Il commence par le testicule du bas, incise la peau du scrotum sur 5 à 7 cm paramédialement de la ligne noire médiane (^{voir photo 4}). « Il faut extérioriser le plus possible le testicule. Attention à ne pas trop tirer, car le cordon spermatique peut se déchirer plus haut », a-t-il précisé (^{voir photo 5}).

Notre confrère préfère travailler avec deux émasculateurs successifs sur chaque cordon (^{voir photo 6}). De ce fait, il n’a pas besoin de ligaturer le cordon. Les émasculateurs sont laissés en place durant 3 à 5 min. Pendant ce temps, il conseille l’injection d’anti-inflammatoire⁽¹⁾ et d’antibiotique⁽¹⁾. A la fin de ce délai, il coupe distalement le cordon avec des ciseaux (^{voir photo 7}).

4 ENLEVER LES TISSUS GRAS

Chez l’âne, il y a beaucoup de tissus gras dans le scrotum, autour du testicule et du cordon. « Il est important d’aller les chercher et de les couper. Il est également essentiel d’enlever tous les tissus qui sortent de la plaie », a insisté notre confrère, qui coupe le tissu gras avec une paire de ciseaux (^{voir photo 8}). « Cela va saigner un peu, mais avec l’utilisation des ciseaux, les saignements vont s’arrêter rapidement. » De plus, les incisions doivent être suffisamment longues (au moins la moitié du testicule) et rester ouvertes afin de faciliter le drainage. Si la plaie se referme trop rapidement, il existe un risque d’œdème.

5 LES COMPLICATIONS

Chez les ânes, la complication habituellement rencontrée est la persistance du saignement. « Il faut donc avertir le client. » L’explication est anatomique, liée à la présence de tissu gras vascularisé. L’étude des paramètres hématologiques asins, réalisée au laboratoire Frank Duncombe de Caen, n’a pas montré d’anomalies au niveau du nombre de plaquettes, du temps de Quick et du fibrinogène. Deux jours après l’intervention, les épanchements doivent être séro-sanguinolants. Si les saignements persistent, Luc van Vlierberghe conseille d’insérer des compresses dans les bourses et de les fermer avec des pinces à linge. Au bout de deux jours, les compresses sont enlevées et les bourses lavées. Si les saignements continuent, il faut recoucher l’âne et réintervenir.

Les éventrations sont rares, il s’agit plutôt d’un prolapsus de tissu gras. Lors d’œdème, il convient d’ouvrir les bourses, de laver et d’instaurer une couverture antibiotique. Dans les cas de funiculite (^{voir photo 9}) (infection du cordon spermatique), l’exérèse totale de la partie infectée s’impose. Cette complication était plus fréquente avec l’utilisation de catgut chromé.

• (1) Les ânes métabolisent quelques molécules plus vite que les chevaux : la kétamine, la phénylbutazone, la flunixine, le méloxicam, les sulfamides, les tétracyclines et la pénicilline G sodique. L’élimination et le temps de demi-vie du kétoprofène et du carprofène sont identiques à ceux des chevaux.