L’administration chronique et inadaptée de clenbutérol peut avoir des effets secondaires - La Semaine Vétérinaire n° 1405 du 14/05/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1405 du 14/05/2010

Mise au point

Formation continue

ÉQUIDÉS

Auteur(s) : Gwenola Touzot-Jourde

Une étude évalue les effets secondaires dans des conditions particulières : usage plus long et dose plus élevée que ce qui est préconisé.

Un traitement au clenbutérol unique ou répété sur cinq jours n’a pas démontré d’effet sur la performance dans différentes situations : un exercice maximal chez le pur-sang, un exercice avec plusieurs paliers de difficulté sur tapis roulant chez des trotteurs, un test standardisé chez des trotteurs. En revanche, l’administration plus longue d’une dose plus élevée (dose préconisée multipliée par trois) pendant huit semaines a un effet négatif sur la capacité aérobie de trotteurs au travail. Comparée aux paramètres du test prétraitement, l’administration de clenbutérol a entraîné une réduction de la consommation maximale d’oxygène (O2max) de 6,2 %, de la vitesse à O2max (VO2max) de 10 % et du temps de fatigue d’environ 20 %. De son côté, le groupe contrôle soumis au même entraînement a vu augmenter sa consommation maximale d’oxygène de 6,5 %, sa VO2max de 10 % et son temps de fatigue de plus de 30 %. Le clenbutérol, lors de l’exercice, ferait donc basculer le profil métabolique enzymatique du cheval d’un coureur de mi-distance en aérobie vers celui d’un sprinter, athlète en anaérobie.

Un effet cardiaque est à craindre à long terme

L’étude des paramètres de récupération cardiaque à la suite de ce protocole particulier montre que les chevaux traités au clenbutérol ne récupèrent pas aussi bien et aussi rapidement que leurs congénères non traités. Le travail cardiaque est augmenté par le clenbutérol.

L’échocardiographie a mis en évidence que le débit et la fréquence cardiaques, le volume d’éjection systolique, les dimensions des chambres atriales et ventriculaires restent augmentés plus longtemps dans la phase de récupération lors du traitement au clenbutérol. De plus, le diamètre de la racine aortique est plus important après l’exercice maximal, ce qui pourrait accroître le risque de rupture aortique.

Ces résultats sont inquiétants en regard des connaissances sur les effets cardiaques du clenbutérol dans d’autres espèces :

– hypertrophie cardiaque, augmentation de l’infiltration de fibres de collagène autour des vaisseaux sanguins et dans les parois ventriculaires, fuite de calcium du réticulum sarcoplasmique chez le rat, l’ensemble étant associé à des morts subites ;

– hausse de l’isoenzyme cardiaque créatinine kinase, diminution de l’approvisionnement en oxygène du cœur et augmentation de la fatigabilité chez la souris.

Le clenbutérol à forte dose fait diminuer la masse grasse au profit de la masse maigre

Les tissus adipeux comprennent de nombreux récepteurs ß2 qui déclenchent les mécanismes intracellulaires de la lipolyse à la suite de leur stimulation. Dès quinze jours après l’initiation d’un traitement de 2,4 µg/kg deux fois par jour (quatre fois la dose recommandée) de clenbutérol, une perte de 15 à 20 kg de masse grasse est notée chez des chevaux de taille standard. La perte continue si le traitement est poursuivi, avec toutefois un amenuisement progressif. Une dose plus forte (3,2 µg/kg) entraîne une perte de tissu adipeux constante et persistante. En parallèle de la perte adipeuse, la masse maigre s’accroît. Cette augmentation est linéaire et visible dès quinze jours chez les chevaux au repos. En revanche, chez les chevaux au travail, elle est plus lente à apparaître (quatre semaines) et s’amenuise rapidement. Il apparaît que l’exercice agit en synergie avec le clenbutérol sur la masse adipeuse, mais que cet effet est antagoniste sur le développement de la masse maigre. En plus de l’augmentation de la masse musculaire, le clenbutérol modifie la répartition des fibres. Les changements observés sont opposés à ceux constatés lors d’un entraînement aérobie et supportent la diminution de la capacité aérobie notée chez les chevaux sous traitement. La proportion de fibres mixtes IIa diminue au profit des fibres IIx (fibres rapides, anaérobies, aussi appelées IIb suivant la classification utilisée).

Le clenbutérol a un effet sur le système endocrine et immunitaire

Le clenbutérol aurait une action directe sur les globules blancs qui ont des récepteurs ß2 et un effet modulateur de la production des cytokines. Au niveau des alvéoles de chevaux atteints d’obstruction récurrente des voies respiratoires, les macrophages ont une expression diminuée de l’ARNm de plusieurs cytokines pro-inflammatoires. En sus de son effet bronchodilatateur, le clenbutérol aurait donc une action anti-inflammatoire synergistique de celle des corticoïdes. En revanche, le clenbutérol altère certaines réponses physiologiques comme celle au stress, ce qui peut, selon la situation, se révéler préjudiciable. Le stress immédiat de l’exercice provoque une hausse du cortisol plasmatique, jugée bénéfique pour la facilitation de la libération et de l’utilisation du substrat énergétique pendant et après l’exercice, la prévention de la fatigue, la reconstitution des stocks musculaires de glycogène, la modulation de la réponse inflammatoire et immunitaire à l’effort, donc la diminution de la douleur et du traumatisme musculaires après l’exercice. L’utilisation chronique du clenbutérol supprime cette variation de la cortisolémie avec l’exercice.

L’administration chronique pourrait contribuer à la persistance d’endométrites

La diminution du tonus et de la motilité utérine chez la jument vide pourrait avoir un effet négatif sur l’élimination du liquide utérin, qui se présente comme un facteur favorisant la persistance des inflammations/infections utérines. De plus, le manque de tonus et de contractilité pourrait influer sur la forme du conceptus et modifier les images vues à l’échographie. Le clenbutérol, en administration chronique chez le cheval, montre ainsi des effets délétères non négligeables. Son emploi est donc à réserver au traitement ponctuel des maladies respiratoires équines, dans la limite de la posologie préconisée.

  • Source : C.F. Kearns, K.H. McKeever : « Clenbuterol and the horse revisited », Vet. J., 2009, vol. 182, pp. 384-391.

  • (1) JO du 7/3/2000 pour les athlètes humains.

Le clenbutérol, médicament de la bronchodilatation

Le clenbutérol est un agoniste des récepteurs adrénergiques ß2 utilisé depuis longtemps pour ses vertus bronchodilatatrices chez le cheval et tocolytiques chez les ruminants. Comme beaucoup d’autres amines sympathomimétiques, il n’agit pas seulement sur les récepteurs ß2 de l’appareil respiratoire et reproducteur.

Historiquement, son emploi a été détourné chez les animaux, mais aussi chez l’homme. Son effet anabolisant a été utilisé pour améliorer les qualités de la carcasse chez les ruminants et les volailles, jusqu’à son interdiction par les autorités de santé en raison de signes de toxicité rapportés chez les consommateurs.

Son caractère d’améliorateur de performances a été exploité de façon clandestine chez les athlètes humains et équins, jusqu’à son interdiction(2). En outre, l’usage du clenbutérol a été détourné pour son activité lipolytique aux Etats-Unis et plébiscité par les stars hollywoodiennes. L’information a rapidement traversé l’Atlantique et l’Ordre a émis, en 2009, une mise en garde sur le détournement du clenbutérol par des jeunes filles désireuses de maigrir.

En plus de ces complications liées à des usages détournés, il a été démontré chez plusieurs espèces, dont le cheval, que l’emploi à long terme du clenbutérol a des effets délétères.

G. T.-J.
Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur