Tumeurs mammaires chez la chienne
Formation continue
ANIMAUX DE COMPAGNIE
Auteur(s) : Didier Lanore
Fonctions : exercice exclusif en cancérologie, praticien à Plaisance du Touch (Haute-Garonne) et Bordeaux (Gironde)
Deux articles étudient ce cancer agressif : l’un sur l’intérêt (ou non) d’opérer, l’autre sur celui du piroxicam.
Le carcinome mammaire inflammatoire est une forme particulière et peu fréquente de cancer de la mamelle chez la chienne (moins de 10 % des cas). Il se manifeste le plus souvent sous une forme agressive, inflammatoire, douloureuse, invalidante et extensive. Sa progression est rapide et le taux de mortalité est élevé. Il concerne en général des chiennes âgées, plutôt de race de grande taille et, pour certaines études, non stérilisées. Il peut être primaire ou secondaire (à la suite d’une autre tumeur mammaire). Il se caractérise par une induration chaude et douloureuse de plusieurs mamelles, le plus souvent inguinales (dans 75 % des cas environ) et de manière bilatérale. Un œdème des membres postérieurs est possible, secondaire à un défaut de retour vasculaire par compression ou infiltration des vaisseaux lymphatiques.
Un diagnostic différentiel est nécessaire vis-à-vis d’une mammite ou d’un abcès mammaire. Les lésions, érythémateuses, peuvent se compliquer de pustules ou de vésicules, parfois de lésions nodulaires cutanées. La douleur est marquée et se manifeste par de la polypnée, de la tachycardie, des vocalises, une position anormale. L’animal peut présenter un mauvais état général.
Le diagnostic repose non sur la présence d’une inflammation particulière lors de l’examen anatomopathologique, mais sur l’association d’une inflammation clinique marquée et la présence histologique d’emboles ou d’une infiltration des vaisseaux lymphatiques du derme. Le bilan d’extension est souvent positif au moment du diagnostic. Des coagulations intravasculaires disséminées (CIVD) secondaires sont possibles. Le pronostic est mauvais (les survies médianes décrites ne dépassent pas 30 jours). L’euthanasie est souvent pratiquée le jour du diagnostic. Les principaux traitements mis en place sont la chirurgie (souvent suivie d’une récidive rapide) et les anti-douleurs. Mais deux articles récents permettent une nouvelle approche.
Une étude rétrospective(1) inclut 43 chiennes atteintes de carcinome mammaire inflammatoire. Les résultats confirment l’agressivité de la tumeur : 81 % des chiennes présentent des métastases à distance. Une métastase locorégionale ganglionnaire est mise en évidence dans 42 % des cas, ce qui porte le nombre de bilans d’extension positifs lors du diagnostic à 86 %. Seulement 14 % des chiennes ne présentent donc pas de métastase initiale. Des troubles de l’hémostase (CIVD) sont notés chez 21 % des animaux. La médiane de survie est de 60 jours (1 à 300). La survie est plus courte lorsque la chienne présente une CIVD, et plus longue lors de la mise en place d’un traitement médical (piroxicam et/ou chimiothérapie), lequel ne permet pourtant pas de rémission clinique. Les survies moyennes sont de 23 jours versus 83 en présence ou en l’absence de CIVD et de 24 jours versus 80 sans ou avec le traitement médical. Seules 3 chiennes font l’objet d’une intervention chirurgicale, dont 2 avec une survie longue malgré des marges infiltrées (264 et 278 jours). Les survies moyennes les plus longues (121 jours) sont aussi observées lors de diagnostic précoce (délai inférieur à 25 jours). Selon les auteurs, seules les chiennes avec un bilan d’extension négatif, sans CIVD et avec une extension cutanée limitée, doivent faire l’objet d’une opération. Cette dernière est suivie d’une chimiothérapie adjuvante. Cette sélection des cas à opérer, associée à une détection précoce, peut alors permettre une survie longue. Pour les autres animaux, un traitement palliatif, à base essentiellement de piroxicam, est mis en place.
Le carcinome inflammatoire fait partie des tumeurs mammaires avec le plus fort taux de surexpression de COX-2 (en général associée à des tumeurs de haut grade, à un pourcentage de récidives plus important, à une survie plus courte et à des métastases plus fréquentes).
Une étude rétrospective(2) concerne douze chiennes atteintes de cette tumeur. Toutes font l’objet d’examens immunohistochimiques pour évaluer la surexpression de COX-2. De manière surprenante, le taux de bilans d’extension positifs est faible au moment du diagnostic initial (8 %) et concerne uniquement des métastases ganglionnaires. Cet élément est peut-être lié au court délai de diagnostic (4 à 6 jours). Toutes les tumeurs présentent une surexpression de COX-2 (taux médian de cellules positives de 67,7 %).
Seules 7 chiennes font l’objet d’un traitement au piroxicam et 3 d’une chimiothérapie palliative qui comprend au moins de la doxorubicine. Dans le lot traité au piroxicam, tous les animaux affichent une réponse clinique positive (amélioration de la qualité de vie avec diminution de l’œdème, de l’érythème et de la douleur). La survie médiane de ce lot est de 185 jours, ce qui est statistiquement plus long que pour le lot traité par chimiothérapie. Toutefois, cette longue survie, avec uniquement un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS), doit être considérée avec précaution étant donné la population particulière de départ (8 % de bilans d’extension positifs seulement).
(1) L. Marconato et coll. : « Prognostic factors for dogs with mammary inflammatory carcinomas : 43 cases (2003-2008) », J. Am. Vet. Med. Assoc., 2009, vol. 235, pp. 967-972.
(2) C.H. de M. Souza et coll. : « Inflammatory mammary carcinoma in 12dogs : clinical features, cyclooxygenase-2 expression and response to piroxicam treatment », Can. Vet. J., 2009, vol. 50, pp. 506-510.
• Le diagnostic précoce est primordial.
• Seules les chiennes à bilan d’extension négatif, sans CIVD et avec une extension cutanée limitée, doivent faire l’objet d’une exérèse.
• Le piroxicam (ou tout autre AINS COX-2 sélectif) fait partie du traitement aussi bien palliatif qu’adjuvant à la chirurgie.
• La survie peut alors passer de 30 à 200 jours, voire 300 jours.
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