La membrane épicornéenne chez le lapin est rare et se traite chirurgicalement - La Semaine Vétérinaire n° 1406 du 21/05/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1406 du 21/05/2010

Ophtalmologie

Formation continue

FAUNE SAUVAGE ET NAC

Auteur(s) : Emmanuel Risi*, Noémie Summa**

Fonctions :
*praticien au CHV Atlantia, à Nantes (Loire-Atlantique).
www.exzooticvet.fr
**interne au CHV Atlantia, à Nantes.

Les récidives sont cependant de mise. Elles peuvent toutefois être espacées et limitées grâce à une technique qui consiste à inciser la membrane en quatre cadrans, qui sont ensuite suturés au limbe.

Un lapin nain de trois ans est présenté en consultation pour son rappel vaccinal. L’examen clinique révèle la présence d’une membrane translucide qui recouvre les deux tiers de l’œil droit (voir photo 1). Selon la propriétaire, cette affection semble évoluer progressivement depuis quelques mois vers le centre de la cornée. Le test à la fluorescéine ne montre aucune lésion de la cornée. Sur l’œil gauche, une membrane de 2 mm de largeur est observée dans le cadran supérieur du canthus interne. Aucune autre anomalie n’est relevée à l’examen. L’état général est bon, l’appétit conservé et les selles normales. La propriétaire ne rapporte pas de gêne visuelle du côté de l’œil atteint.

Un diagnostic de membrane conjonctivale épicornéenne bilatérale est établi et une intervention chirurgicale est proposée pour l’œil droit. La taille de la membrane épicornéenne de l’œil gauche ne permettant pas une intervention chirurgicale dans l’immédiat, il est décidé de laisser évoluer cette membrane et de la traiter ultérieurement.

Après une prémédication avec du butorphanol (Dolorex® à raison de 0,5 mg/kg, par voie sous-cutanée, 10 min avant l’induction) et de la dexmédétomidine (Dexdomitor® à la dose de 150 µg/kg, par voie intramusculaire, 10 min avant induction), l’anesthésie est induite et maintenue par voie volatile à l’aide d’un mélange d’oxygène et d’isoflurane. Le monitorage de l’anesthésie est assuré par un électrocardiogramme. La région périoculaire droite est tondue et préparée chirurgicalement avec de la chlorhexidine.

La membrane épicornéenne est incisée pour former quatre cadrans

Un fil de traction est passé dans chaque paupière de l’œil droit pour libérer le site opératoire (voir photo 2). Quatre incisions centrifuges sont ensuite effectuées au bistouri (lame n° 11) pour séparer la membrane en quatre cadrans égaux (voir schéma et photos 3 et 4). Le bord libre de chaque cadran est ensuite récliné vers le limbe et le tissu conjonctif palpébral auquel la membrane épicornéenne est suturée à l’aide d’un monofilament résorbable (PDS 4/0). Afin d’éviter toute irritation de la sclère et de la conjonctive palpébrale, le fil de traction passe à travers la base de la paupière et le nœud est apposé sur la peau (voir photos 5 et 6). La membrane ainsi réclinée en traction libère la cornée. Un test à la fluorescéine est réalisé en fin d’intervention et montre la présence d’un liseré circulaire fluorescent sur la cornée, à l’endroit où s’arrêtait la membrane épicornéenne (voir photo 7).

Le lapin reçoit en période postopératoire un traitement local (rinçage au liquide physiologique, Ocryl®, et pommade antibiotique, Tévémyxine®) et général (méloxicam, Metacam®, à la dose de 0,3 mg/kg/j, per os, pendant cinq jours, et enrofloxacine, Baytril®, à raison de 10 mg/kg, per os, deux fois par jour, pendant cinq jours). Un contrôle deux mois après l’intervention montre une réponse complète au traitement chirurgical, sans récidive. Une légère protrusion de la membrane nictitante est constatée. L’œil gauche est stable.

La membrane épicornéenne n’est pas douloureuse, mais peut empêcher la vision

La membrane conjonctivale épicornéenne du lapin (ou pseudopterygium, occlusion membranaire précornéale) est une affection oculaire rare, unilatérale ou bilatérale, qui se rapproche du ptérigyon de l’homme. Il s’agit d’une extension symétrique lente de la conjonctive bulbaire sur toute la circonférence du limbe vers le centre de la cornée (voir bibliographie 1 et 2). En fin d’évolution, elle peut recouvrir l’ensemble de l’œil et empêcher la vision. Elle n’est pas associée à de la douleur. Contrairement à la membrane de l’homme, celle du lapin n’adhère pas à la cornée, qui n’est d’ailleurs pas modifiée. Elle est composée de fibroblastes et de collagène. L’examen microscopique serait en faveur d’une dysplasie du collagène (voir bibliographie 3).

L’origine est inconnue. La membrane épicornéenne pourrait être d’origine génétique ou résulter d’une infection ou d’un traumatisme antérieur : une étude rapporte un cas apparu une semaine après une conjonctivite mucopurulente (voir bibliographie 4). Il n’y a pas de race prédisposée décrite dans la littérature (voir bibliographie 5). Les traitements topiques seuls, à base d’antibiotiques ou de corticoïdes, n’ont aucun effet. Une exérèse seule est toujours décevante : la membrane repousse et revient à la situation initiale en quelques semaines. Différents protocoles ont été testés pour limiter cette progression après l’exérèse. Une étude de 2002, portant sur quatre lapins présentant une membrane épicornéenne, montre que des applications de cyclosporine permettent de freiner ces récidives après l’intervention (voir bibliographie 6). D’après une étude de 2009 sur trois lapins (voir bibliographie 7), la mitomycine C en administration locale permet aussi de freiner la repousse de la membrane après l’exérèse. Cependant, l’application locale de cyclosporine ou de mitomycine C n’empêcherait pas définitivement toute récidive. Comme décrit plus haut, une autre technique consiste à découper la membrane en quatre cadrans et à les suturer au limbe. De bons résultats sont obtenus avec cette méthode, qui permet d’espacer les récidives d’au moins un an (voir bibliographie 1).

BIBLIOGRAPHIE

  • 1 – A. Van der Woerdt : « Ophtalmologic diseases in small mammals », in Ferrets, rabbits and rodents : clinical medicine and surgery, K.E. Quesenberry et J. Carpenter editors, 2004, WB Saunders, Philadelphia, pp. 421-428.
  • 2 – F. Hartcourt-Brown : « Ophalmic diseases », in Textbook of rabbit medicine, 2002, Butterworth Heinemann, Edinburgh, pp. 292-306.
  • 3 – M. Roze, B. Ridings et M. Lagadic : « Comparative morphology of epicorneal conjunctival membranes in rabbits and human pterygium », Vet. Ophthalmol., 2001, vol. 4, n° 3, pp. 171-175.
  • 4 – P.G. Fisher, D.H. Johnson et E. Odberg : « Precorneal membranous occlusion in a rabbit », Exotic DVM, 2001, vol. 3, n° 1, pp. 3-4.
  • 5 – S.E. Andrew : « Corneal diseases of rabbits », Vet. Clin. North Am. Exot. Anim. Pract., 2002, vol. 5, n° 2, pp. 341-56.
  • 6 – M. Roze : « La membrane conjonctivale épicornéenne du lapin : essai de traitement par la cyclosporine », Pratique médicale et chirurgicale de l’animal de compagnie, 2002, vol. 37, n° 2, pp. 153-156.
  • 7 – L. Bouhanna et L. Liscoët : « Membrane conjonctivale épicornéenne : traitement original », Point Vétérinaire, 2009, vol. 40, n° 299, pp. 37-40.
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