Pathologie de la reproduction chez la chienne
Formation continue
ANIMAUX DE COMPAGNIE
Auteur(s) : Emmanuel Fontaine*, Alain Fontbonne**
Fonctions :
*Centre de reproduction canine assistée (Cerca), service de reproduction animale de l’école d’Alfort
**Centre de reproduction canine assistée (Cerca), service de reproduction animale de l’école d’Alfort
Pyomètre et hyperplasie glandulo-kystique peuvent être efficacement traités par l’aglépristone. Cependant, des récidives apparaissent dans 20 % des cas.
Si des protocoles pour traiter médicalement les affections utérines chez la chienne existent et ont prouvé leur efficacité, force est de constater que peu de vétérinaires se tournent vers ces alternatives. Pourtant, leur intérêt est bien réel, notamment pour les chiennes reproductrices. Une étude récente, menée au sein du service de reproduction de l’école d’Alfort, éclaire cet aspect souvent ignoré(1).
Chez la chienne, pyomètre et hyperplasie glandulo-kystique de l’utérus sont deux affections courantes. Une fois le diagnostic établi, l’ovario-hystérectomie est le plus souvent proposée. Cependant, la chirurgie, même si elle reste le traitement de choix, ne représente pas l’unique solution. Des alternatives médicales existent.
En France, les protocoles les plus courants utilisent l’aglépristone (Alizine®), à l’action antiprogestérone. Même si la pathogénie de ces affections utérines est encore mal comprise, il est aujourd’hui admis que leur origine est liée à l’influence de la progestérone pendant les deux mois qui suivent les chaleurs de l’animal. Ces protocoles médicaux existent depuis maintenant près d’une dizaine d’années (voir schéma ci-dessus) et pourtant, peu de confrères les considèrent comme une alternative valable. Si les critiques concernant leur efficacité n’ont plus lieu d’être – plus de 95 % des animaux traités présentent une guérison clinique si le protocole est correctement appliqué –, le problème du risque de récidive, lui, est bien réel et ne doit pas être éludé. Le retour de l’imprégnation progestéronique après les chaleurs qui suivent le traitement favorise en effet ce phénomène. Certaines études avancent même jusqu’à 20 % d’individus affectés.
Si une guérison clinique peut être obtenue, certains confrères estiment que les séquelles de l’affection utérine au niveau de l’endomètre sont telles que la fertilité s’en trouve fortement affectée. Qu’en est-il vraiment ?
Jusqu’à maintenant, la bibliographie n’apportait que peu d’éléments. Si, en 2003, K. Trasch et coll.(2) obtiennent environ 83 % de chiennes gestantes après un traitement médical à l’aglépristone (cinq chiennes sur six), en 2008, P. Jurka et son équipe(3) ne parviennent qu’à 33 % de gestations (huit sur vingt-quatre). De plus, quid de la prolificité ? Là aussi, aucune donnée claire n’était jusqu’alors apportée. Le but de notre étude, menée chez des reproductrices qui ont présenté une affection utérine gérée médicalement par l’aglépristone, a donc été de documenter, de façon exhaustive, les paramètres de fertilité des chiennes ainsi traitées.
Vingt-quatre chiennes reproductrices, présentées pour pyomètre (vingt-deux) ou hyperplasie glandulo-kystique (deux), reçoivent un traitement médical à base d’aglépristone. L’efficacité du traitement est évaluée et, aux chaleurs suivantes, elles sont remises à la reproduction. Un suivi de chaleur (dosages quantitatifs de progestérone) est systématiquement réalisé pour déterminer le moment de l’ovulation et les jours de mise à la reproduction, que celle-ci se déroule par saillie naturelle ou insémination artificielle. Les paramètres de fertilité (taux de fertilité, nombre de chiots par portée) sont ensuite évalués, ainsi que l’effet de facteurs susceptibles d’entraîner une variation dans la réponse au traitement : format de l’animal, âge, mode de fécondation (voir tableaux et graphique).
Le traitement se révèle efficace dans 95,8 % des cas (vingt-trois cas sur vingt-quatre), avec 79,2 % de chiennes gestantes (dix-neuf sur vingt-quatre) et une moyenne de 4,5 ± 3,6 chiots (un à onze). 30 % de ces chiennes ont donné naissance à une portée de plus de six chiots.
Si la fertilité est confirmée, la taille des portées semble cependant varier selon le gabarit de l’animal. Ainsi, les chiennes de race de taille géante (plus de 40 kg à l’âge adulte) présentent, de façon significative, des portées plus petites que les autres. Cette variable reste cependant sujette à caution, en raison du faible nombre d’individus de ce type inclus dans l’étude. Des données sur une plus large échelle restent nécessaires pour confirmer cette tendance.
P. Jurka et coll. (2008) évoquaient un effet potentiel de l’âge des individus sur la fertilité. Dans leur étude, en effet, aucune chienne de plus de cinq ans n’était gestante à la suite du traitement médical. Notre analyse n’a cependant rien fait ressortir de tel : les chiennes de plus de cinq ans ont présenté une fertilité comparable à celle des plus jeunes. Les animaux inséminés ont donné des portées de taille plus importante que ceux saillis naturellement. L’explication pourrait résider dans l’observation de la qualité de la semence. En effet, face à une semence de mauvaise qualité, le vétérinaire pourra alors choisir de réaliser une insémination intra-utérine, afin d’augmenter les résultats de fertilité.
Chez 20,8 % des chiennes (cinq sur vingt-quatre), les affections utérines ont récidivé. Aucune n’était gestante, ce qui semble confirmer que la gestation jouerait un rôle protecteur vis-à-vis du développement des affections utérines et qu’elle serait le meilleur remède pour prévenir efficacement une récidive. Dès les chaleurs qui suivent le traitement, la mise à la reproduction devrait donc être impérative.
La mauvaise détermination du moment de l’ovulation reste la première cause d’infertilité chez la chienne. Un suivi de chaleur s’impose donc pour déterminer le meilleur moment de mise à la reproduction. De plus, il convient d’instaurer un monitoring utérin rigoureux. Une échographie, une fois par semaine jusqu’au diagnostic de gestation, est nécessaire pour détecter précocement les anomalies utérines qui pourraient survenir. Cela permettrait, le cas échéant, de prendre rapidement les mesures de rigueur afin d’éviter toute évolution délétère pour l’animal.
(1) E. Fontaine, G. Bassu, X. Levy, A. Fontbonne : « Fertility after medical treatment of uterine disorders in the bitch : a retrospective study on 24 cases », Proceedings of the 6th annual Symposium of Evssar, 2009, Wroclaw (Pologne).
(2) K. Trasch, A. Wehrend, H. Bostedt : « Follow-up examinations of bitches after conservative treatment of pyometra with the antigestagen aglepristone », 2003, J. Vet. Med. A Physiol. Pathol. Clin. Med., vol. 50, n° 7, pp. 375-379.
(3) P. Jurka, A. Max., K. Hawrynska, M. Snochowski : « Age-related pregnancy results and further examination of bitches after aglepristone treatment of pyometra », Reprod. Domest. Anim., 2008, Epub ahead of print.
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