Les systèmes de surveillance de mortalité des abeilles de l’Union font preuve de faiblesse - La Semaine Vétérinaire n° 1408 du 04/06/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1408 du 04/06/2010

Filière apicole

Formation continue

FILIÈRES

Auteur(s) : Marie-Pierre Chauzat*, Marion Debin**, Pascal Hendrikx***

Les données collectées sont insuffisamment harmonisées pour procéder à des comparaisons entre les pays, selon une étude coordonnée par l’Afssa qui souligne la marge de progression possible dans ce domaine.

L’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) a conduit pendant un an, de décembre 2008 à novembre 2009, une étude européenne portant sur les pertes de colonies d’abeilles et sur les systèmes de surveillance afférents au sein de l’Union. Elle fait suite à un appel à projet proposé par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa), remporté par l’agence. Pour le mener à bien, l’Afssa a associé sept instituts européens dans un consortium.

Un questionnaire standardisé pour l’analyse des réseaux de surveillance (“Snat” en anglais) a été développé afin d’évaluer les programmes de surveillance en place dans les vingt-sept Etats membres. Quelques pays ont rempli plusieurs Snat, alors que deux (l’Irlande et le Portugal) n’ont pas mis de système de surveillance en place (donc aucun Snat n’a pu être rempli). Un pays (la Roumanie) n’a pas répondu à la requête de l’Afssa (voir carte).

De plus, un examen détaillé de la littérature scientifique et de la littérature “grise” (articles parus dans des revues nationales, non scientifiques) portant sur les causes des pertes de colonies a été mené et les articles évalués.

Seuls six pays ont des protocoles de surveillance considérés comme valides

Le questionnaire standardisé pour l’analyse des réseaux de surveillance proposait quarante critères d’évaluation. 80 % des systèmes de surveillance n’ont pas satisfait à la moitié de ces critères : un très bon système opérationnel (Angleterre et pays de Galles), quatre bons systèmes (Danemark, Allemagne, Estonie et Luxembourg), douze systèmes insuffisants, et huit mauvais systèmes.

Ce niveau, qui peut être globalement qualifié de bas, rend compte de la grande marge d’amélioration possible dans la plupart des systèmes de surveillance européens. En ce qui concerne les protocoles de surveillance, dix-huit pays ont déclaré qu’ils avaient mis en place des procédures actives. Parmi ceux-ci, seuls six (Allemagne, Danemark, Finlande, Angleterre et pays de Galles, Italie, Suède) peuvent être considérés comme des systèmes capables de produire des données réellement représentatives des pertes de colonies effectives dans les pays concernés.

Ce projet a également permis de montrer que les systèmes de surveillance des pertes de colonies d’abeilles en Europe se distinguent par une grande variété d’approches et de méthodes de collecte des informations.

L’absence d’indicateurs épidémiologiques communs est mise en évidence

Le taux de mortalité des colonies au niveau européen est d’environ 10 %. Une augmentation de ce dernier a été constatée dans certains pays, principalement au cours des années 2003 et 2008.

Toutefois, le “taux global de perte de colonies” en sortie d’hivernage était le seul indicateur commun utilisé par l’ensemble des systèmes de surveillance. C’est pourquoi d’autres aspects des pertes de colonies d’abeilles, tels que les mortalités estivales, n’ont pu être étudiés au cours de ce projet.

Les analyses temporelles et géographiques ont montré une variabilité importante dans les pertes de colonies. Cependant, il est difficile d’interpréter ces tendances, compte tenu des différentes modalités d’obtention de ces données.

Cette analyse a en outre clairement mis en évidence l’absence d’indicateurs épidémiologiques communs fondés sur des populations comparables. Il apparaît nettement que les systèmes existants de collecte des données ne sont pas assez robustes pour procéder à des comparaisons entre les pays européens, ni pour élaborer des tendances au niveau communautaire.

Pour remédier à cela, un groupe de travail sur le suivi des colonies devrait être créé à l’échelon européen afin d’harmoniser les systèmes de surveillance. Ce groupe pourrait aussi être responsable de la réalisation et du suivi de la collecte des données européennes, de leur gestion et de leur interprétation.

Un consensus sur l’origine multifactorielle des pertes de colonies est trouvé

De son côté, l’examen de la littérature qui concerne les facteurs de risque et causaux impliqués dans les pertes de colonies montre qu’ils doivent être considérés comme des instantanés correspondant à l’opinion de la communauté scientifique à un moment t.

Un consensus a toutefois été trouvé parmi les scientifiques, aussi bien au niveau européen qu’américain, sur l’origine multifactorielle des pertes de colonies : une combinaison de facteurs agissent ensemble et plusieurs agissent en des lieux et à des époques différents. Les facteurs impliqués sont les pratiques apicoles et d’élevage (nourrissement, transhumance et traitement des maladies notamment), les facteurs environnementaux (climat et biodiversité des ressources alimentaires par exemple), les agressions chimiques (pesticides) ou biologiques (Varroa, Nosema) qui, ensemble, génèrent du stress et affaiblissent les systèmes de défense des abeilles, ce qui permet aux agents pathogènes et aux parasites de tuer la colonie (un ou plusieurs parasites ou virus peuvent agir de concert).

Des questions demeurent sur la séquence des événements qui conduisent à la mortalité des colonies et des études futures devraient être conçues et réalisées pour étudier ce point particulier.

Il existe de nombreuses incohérences dans la manière de définir les “pertes de colonies”. Dans la littérature, il est possible de trouver jusqu’à dix-sept définitions différentes du CCD (colony collapse disorder). Cela signifie que les cas rapportés ne se réfèrent pas toujours au même phénomène, aboutissant à beaucoup de confusion quand il s’agit d’expliquer l’origine de ce qui a été constaté sur le terrain. La pathologie décrite est variée, car les auteurs utilisent des descriptions similaires dans des circonstances différentes. Une étude devrait être menée pour catégoriser clairement les pertes de colonies observées sur le terrain. Elle devra être étroitement reliée au renforcement des systèmes de surveillance.

De fortes concentrations de pesticides ont rarement été identifiées et corrélées avec les pertes de colonies du type du CCD aux Etats-Unis et des mortalités hivernales en Europe. Cependant, de rares épisodes aigus d’intoxications aux pesticides sont décrits pendant la période de production, et sont donc clairement différents du CCD et des mortalités hivernales. La question des possibles effets synergiques de plusieurs pesticides ou les effets de l’exposition chronique à des doses sublétales de pesticides reste ouverte et nécessite la mise en place d’études plus approfondies. Les agents biologiques, tels que les parasites, les virus ou les bactéries, agissant seuls ou à plusieurs, ont été identifiés comme des facteurs importants dans les pertes de colonies. Cependant, un manque de connaissances sur les mécanismes exacts et/ou sur les interactions impliquées est noté. Même si l’origine multifactorielle des pertes de colonies est largement reconnue, le rôle respectif de chacun des facteurs en tant que facteur de risque ou agent causal reste inconnu, et aucune hiérarchie de la menace représentée par chacun n’a pu être établie. Ces sujets demandent à être approfondis en utilisant des études épidémiologiques appropriées (études cas-témoin et longitudinales).

Extraits des 20 recommandations du projet

• Mettre en place un réseau européen pérenne effectuant la coordination de la surveillance des pertes de colonies, afin d’initier et de mettre en œuvre des programmes de suivi.

• Favoriser au niveau européen la standardisation des systèmes de surveillance, la collecte des données et développer des indicateurs de performance communs.

• Elaborer des exemples de bonnes pratiques déjà présentes dans certains pays concernant les maladies à déclaration obligatoire.

• Conduire des études spécifiques fondées sur des travaux déjà existants afin d’améliorer les connaissances et la compréhension des facteurs qui affectent la santé des abeilles, par exemple le stress généré par les agents pathogènes, les pesticides, les facteurs environnementaux et technologiques et leurs interactions. Utiliser des suivis épidémiologiques appropriés tels que des études cas-témoins ou des études longitudinales.

• Créer une équipe de coordination européenne. Ce point est crucial : cette équipe, pérenne, devra permettre la conduite de programmes de surveillance efficaces à un échelon européen.

M.-P. C
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