Ruminants. Colloque à l’école d’Alfort le 10 juin 2010
Actualité
Auteur(s) : Michel Bertrou
Les données sont insuffisantes pour faire de MAP l’agent causal de la maladie de Crohn.
La paratuberculose des ruminants, affection digestive due à Mycobacterium avium subsp paratuberculosis (MAP), est une maladie ancienne qui reste d’actualité. Désormais ubiquitaire, son évolution lente rend son contrôle toujours aussi difficile dans les élevages. L’impact éventuel de MAP sur la santé humaine continue également d’animer le débat scientifique. Un colloque consacré à cette maladie était organisé le 10 juin dernier à l’ENVA, à l’initiative de Jeanne Brugère-Picoux et de la chaire de pathologie du bétail et des animaux de basse-cour.
Notre confrère Gaël Gounot, qui exerce en Ille-et-Vilaine, est venu apporter son éclairage de praticien en insistant sur l’importance de l’affection subclinique. Les éleveurs ont du mal à comprendre ce portage insidieux qui domine aujourd’hui dans des troupeaux plus performants, et qui s’amplifie avec l’augmentation des échanges d’animaux et l’absorption des cheptels entre eux. En Bretagne, notre confrère estime qu’un quart des élevages ont au moins un animal positif vis-à-vis de MAP(1). Une étude, qui a porté sur soixante élevages laitiers de son département, a par ailleurs établi une prévalence intracheptel de plus de 11 %. « Tout concourt actuellement à ce que le vétérinaire traitants’implique davantage dans la lutte contre cette maladie », explique Gaël Gounot. Mais, précise-t-il, convaincre l’éleveur du bénéfice économique d’un plan de lutte (qui prend plusieurs années) reste difficile. Une étude rétrospective bretonne(2) sur la perte de production lors d’affection subclinique a cependant permis de chiffrer une chute de production laitière d’environ 5 % et un manque à gagner de 1 500 € par an (pour un troupeau de cinquante vaches), dus aux réformes anticipées.
Notre confrère Michael Collins, microbiologiste à l’université du Wisconsin, a fait état de plus de cent millions de dollars investis au cours de la dernière décennie pour le contrôle de la paratuberculose aux Etats-Unis (en formant notamment les vétérinaires et en les incitant à conduire des évaluations d’élevages). Mais, constate le spécialiste, en dépit des progrès effectués, la maladie continue de se diffuser (70 % des élevages laitiers américains seraient infectés). Cela s’explique, selon lui, par le fait que le coût du contrôle continue de dépasser les pertes liées à la maladie. Aussi suggère-t-il que ce contrôle ne soit plus uniquement supporté par le producteur, mais partagé avec l’industrie alimentaire et les consommateurs. Peut-être est-ce la raison pour laquelle le microbiologiste américain insiste autant sur le risque zoonotique de MAP. Le chercheur a pointé les travaux mettant en évidence MAP dans le lait, mais aussi dans la viande. « La viande hachée est sans conteste un facteur de risque », affirme Michael Collins. Il a également fait référence à des études qui ont démontré la présence de MAP chez des patients atteints de maladie de Crohn (une des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin). Pour le scientifique, ces travaux justifient l’application du principe de précaution : l’infection dans les troupeaux doit être prévenue, sa diffusion limitée, toutes les mesures d’hygiène nécessaires doivent être prises et les produits laitiers être pasteurisés (Michael Collins n’est pas américain pour rien).
L’intervention d’un des spécialistes français de la maladie de Crohn, le professeur Antoine Cortot, a permis de relativiser ce lien suggéré entre les deux affections, proches cliniquement. Assurément, MAP est présent dans la chaîne alimentaire, a confirmé le médecin, bien que ce soit en proportion peu infectante. Si l’ADN de MAP peut également être retrouvé chez les sujets atteints de la maladie de Crohn, les données actuelles ne permettent pourtant pas de faire de MAP l’agent causal de la maladie, insiste Antoine Cortot. Il n’existe aucune corrélation entre les deux affections. En Suède, pays où la prévalence de la paratuberculose est faible, l’incidence de la maladie de Crohn est l’une des plus élevées de la planète. Aucune association n’est également mise en évidence entre les populations exposées aux MAP (éleveurs, consommateurs de lait) et la maladie de Crohn.
Sa pathogénie apparaît en fait plus complexe que le schéma pasteurien classique. Elle dépend de susceptibilités génétiques, de facteurs déclenchants environnementaux (le tabagisme actif notamment) et de sollicitations antigéniques (par des bactéries, dont MAP est un candidat parmi d’autres). Si le rôle déclenchant de MAP dans la maladie ne peut être écarté, une étude australienne a en revanche démontré(3) que la mycobactérie ne joue aucun rôle dans son entretien.
(1) Avec au moins un de ces tests : Elisa, culture fécale, PCR ou par coloration de Ziehl-Neelsen.
(2) Etude conduite par l’école vétérinaire de Nantes, en collaboration avec l’Institut national de la recherche agronomique et les Groupements de défense sanitaire (sur des données de quatre départements bretons, de 1998 à 2007).
(3) Un traitement antibiotique au long cours ciblé sur MAP n’a eu aucune influence sur le taux de récidive de la maladie de Crohn.
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