Cancérologie
Formation continue
ANIMAUX DE COMPAGNIE
Auteur(s) : Gwenaël Outters
Le bilan d’extension est désormais incontournable, en vue d’une exérèse carcinologique et en raison du caractère métastatique avéré.
En quelques années, l’approche et la prise en charge du fibrosarcome chez le chat ont changé, en lien avec l’évolution des connaissances épidémiologiques et cliniques de cette tumeur. Pauline de Fornel-Thibaud et Antoine Hidalgo ont fait le point sur les actualités relatives à cette tumeur, à l’occasion du dernier congrès de la Fecava.
Avant les années 90, les fibrosarcomes, d’apparition post-traumatique, représentaient un cinquième des tumeurs cutanées du chat. Par la suite, la vaccination a fait naître un nouveau type de fibrosarcome, dit “postvaccinal”. Ainsi, depuis les années 90, le fibrosarcome, qui représente 12 à 41 % des tumeurs félines, toucherait ainsi un à trois individus sur dix mille. Dans les années 2000, cette incidence a chuté à 0,6 chat pour dix mille, en relation probable avec la modification des campagnes de vaccination et des vaccins eux-mêmes.
Aujourd’hui, les facteurs de risque, avec certainement des sensibilités spécifiques, ne sont toujours pas identifiés. Il est toutefois admis que l’origine des fibrosarcomes est liée à un traumatisme – l’injection vaccinale est considérée comme un traumatisme sous-cutané – avec localement une inflammation persistante et une modification de facteurs de croissance (qui pourraient ainsi être des cibles thérapeutiques). Au sein de ces tissus, il peut également exister des perturbations lymphocytaires, en interleukines 2 et en métalloprotéinases.
« Le bilan d’extension locale est incontournable pour une prise en charge efficace du fibrosarcome félin, dont l’agressivité in situ (extension aux tissus sous-jacents) est importante, d’autant plus lors de récidives », prévient notre consœur Pauline de Fornel-Thibaud. Si la palpation garde une place majeure (estimation de la taille de la tumeur et rapport aux tissus adjacents), les examens complémentaires fournissent de précieuses informations quant à l’envahissement local. La radiographie et l’échographie sont peu informatives, à la différence de l’imagerie par résonance magnétique (IRM) et du scanner. L’IRM offre une meilleure capacité de délimitation de la tumeur par rapport aux structures musculaires adjacentes, mais le scanner permet dans un même temps un bilan d’extension à distance, en particulier pulmonaire. Ces examens sont particulièrement justifiés pour les tumeurs de grande taille, peu ou pas mobilisables. Il n’est cependant pas rare d’observer des infiltrations profondes, pour des tumeurs de petite taille, qui paraissent mobilisables à la palpation. Les résultats de l’IRM ou du scanner permettent de planifier l’intervention selon les marges chirurgicales nécessaires et d’en fixer les objectifs : exérèse complète ou chirurgie palliative. Ces examens offrent également la possibilité d’identifier une extension intracavitaire de la tumeur ou des lésions osseuses associées et de planifier la radiothérapie (choix de la technique et de la dosimétrie).
Il a longtemps été admis que les fibrosarcomes métastasaient peu et tardivement et que seule l’agressivité locale était le souci du vétérinaire. Toutefois, la littérature fait état de métastases dans 6 à 25 % des cas, une fréquence qui pourrait en réalité être plus élevée, étant donné que ces résultats sont obtenus d’après des clichés radiographiques du thorax. Or, ces derniers ne permettent de détecter que les métastases d’une taille supérieure à 7 mm. Selon l’expérience de notre consœur, une augmentation de l’incidence des métastases pulmonaires dans les cas de fibrosarcome félin est notée. Elle peut traduire une amélioration des techniques d’imagerie ou une majoration de l’agressivité de cette tumeur.
Le principal écueil persistant de la prise en charge thérapeutique du fibrosarcome est son taux de récidive : lors d’intervention chirurgicale seule, seulement 35 % des animaux n’ont pas récidivé à un an et 10 % à deux ans. La motivation des propriétaires – diminuée d’autant par les informations erronées qu’ils peuvent se procurer, notamment sur l’Internet –, ainsi que la disponibilité des moyens de traitement seront les principaux freins à la prise en charge thérapeutique. L’exérèse large (comme pour tout sarcome des tissus mous) et la radiothérapie sont les deux axes complémentaires du traitement. Des techniques chirurgicales de reconstruction, à l’aide de lambeaux cutanés ou de grilles synthétiques, sont actuellement bien décrites et pratiquées en routine. Les marges doivent être de 2 cm au minimum dans tous les plans. Par exemple, dans le cas des lésions interscapulaires, l’exérèse des muscles trapèzes sous-jacents améliore le pronostic. Les scapulectomies partielles ou les résections de paroi thoracique ou abdominale sont actuellement pratiquées sans appréhension.
L’intérêt de la radiothérapie dans le traitement du fibrosarcome se confirme(1). Les médianes de survies obtenues à la suite d’un traitement de radiothérapie en complément d’une exérèse large sont d’une quarantaine de mois. Des techniques de curiethérapie interstitielle, avec implantation de fils d’iridium ou de cathéters de transit d’une source d’iridium, ont été mises au point. Ces traitements présentent l’avantage d’être beaucoup plus courts par rapport à ceux de radiothérapie externe qui imposent des séances multiples étalées sur plusieurs semaines. En effet, ils consistent, pour la curiethérapie à haut débit de dose utilisée actuellement en France, à faire transiter directement la source d’iridium à l’intérieur du tissu et à appliquer localement de fortes doses. Pour ces techniques, il est nécessaire d’implanter des cathéters de transit lors de l’intervention chirurgicale ou dans les jours qui suivent l’exérèse, afin de faire ensuite transiter la source d’iridium. La dosimétrie permet, sur un scanner postopératoire, d’adapter la dose délivrée au volume à traiter. Le principal écueil est leur disponibilité. Des complications de radiodermite ou d’ulcères et de déhiscences de suture, qui peuvent mettre du temps à cicatriser, sont parfois observées.
La place de la chimiothérapie est encore à l’étude. Le carboplatine n’a pas démontré son efficacité. La doxorubicine a prouvé son intérêt in vitro, mais les résultats sont à précisercliniquement,d’autant qu’elle est radiosensibilisante et augmente ainsi les effets secondaires de la radiothérapie. La chimiothérapie semble vouloir trouver sa place en complément d’une chirurgie large quand la radiothérapie n’est pas possible. Elle est probablement utile lors de la présence de métastases ou dans certains sous-types particuliers (fibrohistiocytomes malins). Les indications exactes restent à préciser. A l’avenir, l’utilisation de thérapies ciblées pourrait se révéler intéressante, en bloquant des voies de signalisation de la croissance tumorale.
Concernant les stratégies de prévention, il est aujourd’hui établi qu’il n’existe pas de facteur de risque évident avec les vaccins actuels. « Les discussions qui concernent la modification du site d’injection apparaissent finalement sans fin », a indiqué Antoine Hidalgo.
Deux points semblent utiles à retenir. D’une part, les zones riches en graisse restent à éviter, car les panniculites sont plus fréquentes lors de cytostéatonécrose. Ainsi, la zone interscapulaire, riche en tissu adipeux, sera probablement proscrite à terme. D’autre part, dans l’étude épidémiologique de Kass(2), la température d’injection semble avoir une incidence. Les vaccins ne devraient pas être injectés à leur sortie du réfrigérateur.
Même s’il est plus aisé et de meilleur pronostic d’amputer un chat atteint d’un fibrosarcome sur la face externe de la cuisse, certains individus présentent des fibrosarcomes multiples. Le recours à des injections intramusculaires ne constitue pas une stratégie protectrice : elles n’empêchent pas le développement de fibrosarcomes, voire retardent le diagnostic et obligent à une intervention plus délabrante.
Quant à la possibilité de réviser les campagnes de vaccination, notre confrère nous laisse seuls juges, en consultant par nous-mêmes la littérature et les travaux des spécialistes. Le ratio bénéfice/risque penche, à l’heure actuelle, en faveur de la vaccination systématique, en tout cas pour les animaux qui vivent à l’extérieur. Si des transpondeurs ont été retrouvés à l’intérieur de fibrosarcomes, ces cas restent cependant exceptionnels et sont à mettre en parallèle avec le caractère post-traumatique de ces tumeurs. L’incidence de ce genre d’événements est quasiment nulle et, à l’heure actuelle, rien ne remet en cause la politique d’identification. Toutefois, il paraît logique de rester vigilant. Les injections des formes retard génèrent des inflammations plus marquées et sont décrites comme une cause possible de fibrosarcome. Il revient au vétérinaire d’apprécier la balance bénéfice/risque lors de ces pratiques, de les limiter drastiquement et d’éviter la zone interscapulaire.
(1) C. Eckstein et coll. : « A retrospective analysis of radiation therapy for the treatment of feline vaccine-associated sarcoma », Vet. Comp. Oncol., 2009, vol. 7, n° 1, pp. 54-68.
(2) P.H. Kass et coll. : « Multicenter case-control study of risk factors associated with development of vaccine-associated sarcomas in cats », J. Am. Vet. Med. Assoc., 2003, vol. 223, n° 9, pp. 1 283-1 292.
Pauline de Fornel-Thibaud, praticienne au centre de cancérologie de Maisons-Alfort (Val-de-Marne).
Antoine Hidalgo, praticien à Oncovet, à Villeneuve-d’Ascq (Nord).
Article rédigé d’après les conférences « Fibrosarcome et bilan d’extension » et « Traitements du fibrosarcome », présentées au congrès de la Fecava 2009, à Lille.
Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »
L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.
En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire
Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.
Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.
Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire