Justice ordinale. Compte rendu d’audience
Actualité
Auteur(s) : Nicolas Fontenelle
Le 7 septembre, la chambre supérieure de discipline examinait une nouvelle affaire de BSE non conforme.
Les pratiques d’une société d’exercice libéral à responsabilité limitée (Selarl) bourguignonne, volontiers qualifiée de “sulfureuse”, étaient, une fois de plus, examinées lors de la séance matinale de la chambre supérieure de discipline, ce mardi 7 septembre. Et comme lors des précédents débats (voir encadré), le bilan sanitaire d’élevage (BSE), le protocole de soins, mais aussi la partialité des conseillers ordinaux étaient au cœur des discussions. L’un des vétérinaires associés de cette clinique, le Dr X, a été relaxé en première instance par la chambre de discipline du conseil régional ordinal (CRO) de Bourgogne. Il ne doit sa présence devant la chambre supérieure qu’à l’appel du président du CRO. En septembre 2008, la Direction des services vétérinaires (DSV) du Haut-Rhin, reproche au Dr X la rédaction de BSE et de protocoles de soins non conformes dans des élevages de poules et de lapins. Selon la DSV, « les documents établis masquent la délivrance de médicaments illicites ». Il est notamment reproché au Dr X d’avoir inscrit dans son BSE la présence de cages dans l’élevage avicole, alors que celui-ci était en plein air, ce qui suppose qu’il ne l’a pas visité. Autres griefs retenus : avoir intitulé son BSE pour l’élevage de lapins “vaches laitières” et avoir inscrit des temps d’attente erronés pour certains antibiotiques qui figurent dans les protocoles de soins, par ailleurs beaucoup trop chargés en médicaments.
La DSV transmet le dossier au CRO de Bourgogne qui, finalement, relaxe le Dr X. Car sur le fond, il répond aux critiques, expliquant que les fautes qu’on lui reproche relèvent d’erreurs matérielles. « Il y avait bien écrit “vaches laitières” sur le BSE de l’élevage de lapins, reconnaît-il, mais son contenu est destiné aux lapins. Le décret prescription-délivrance venait juste d’être publié, aucun formulaire spécifique n’était établi. » Les cages dans l’élevage de poules ? Le nettoyage en cours des mangeoires par pulvérisation l’a induit en erreur. Le président du CRO de Bourgogne fait appel de la relaxe car, estime-t-il, « c’est le cas patent de déviance que dénonce la télévision en ce moment. Le vétérinaire fait un BSE, mais n’intervient pas régulièrement dans l’élevage. Les documents sont réalisés avec désinvolture, le protocole de soins est un catalogue de médicaments ». Le Dr X se défend, arguant qu’il a bel et bien réalisé une visite d’élevage à la demande des éleveurs. « Le vétérinaire traitant n’a pas les compétences. L’élevage aviaire comprend 13 500 poules. En quatre ans, je n’ai délivré qu’un seul antibiotique pour 70 € et entre 800 et 1 000 € de vermifuges. Où est la déviance ? ».
Le défenseur du Dr X fait valoir que la procédure est entachée de nullité en raison de l’inimitié manifestée par le conseiller ordinal rapporteur de l’affaire qui, quelque temps auparavant, a publié sur un forum professionnel un message désignant le Dr X et ses associés comme « des gros bras de l’affairisme ». Il estime également que le fait que le président du CRO interjette l’appel contre la décision de sa propre chambre de discipline est contraire au Code rural. Enfin, il rappelle, sur le fond, que le BSE liste les affections qui ont touché l’élevage dans les douze derniers mois et que le protocole de soins doit inclure celles qui ont atteint les animaux sans limite chronologique. Décision le 27 octobre.
Mi-juin, nous présentions trois affaires examinées par la chambre supérieure de discipline*. Voici les décisions rendues le 8 juillet dernier.
• Dans une première affaire, le président du CRO de Bourgogne faisait appel d’une décision de relaxe du Dr M, gérant d’une Selarl bourguignonne. Selon lui, les conseillers ordinaux n’ont pas mesuré l’enjeu du dossier dans lequel le Dr M était poursuivi pour rédaction non conforme d’un BSE et d’un protocole de soins, et incitation à l’utilisation abusive de médicaments. Pour le président du CRO, il s’agissait d’une infraction caractérisée au décret prescription-délivrance. Il dénonçait un exercice sans diagnostic et une démarche mercantile liée au colisage. A l’audience, l’avocat du Dr M a plaidé à la fois l’irrecevabilité de la plainte (au motif qu’un président de CRO ne peut faire appel des décisions de sa propre chambre de discipline) et la nullité de la poursuite, faisant valoir que le rapporteur de l’affaire avait tenu des propos diffamant à l’encontre de son client sur un forum Internet. La chambre supérieure repousse les arguments de l’avocat, mais confirme la relaxe. Elle considère « qu’en raison de la nouveauté de la réglementation appliquée, les divergences d’appréciation qui pouvaient être faites du décret du 24 avril 2007 (prescription-délivrance – Ndlr) ne pouvaient fonder une poursuite disciplinaire pour non-conformité des bilans sanitaires d’élevage et protocoles de soins établis le 2 janvier 2008 ».
• Dans une seconde affaire, la même Selarl bourguignonne faisait appel d’une décision de trois mois d’interdiction d’exercice prise à son encontre pour avoir notamment réalisé des prescriptions sans visite préalable et avoir établi des ordonnances non conformes. Sans se pencher sur le fond de l’affaire, la chambre supérieure annule la décision de la chambre régionale de Bourgogne, puisque la poursuite ne vise que la société et non « l’un quelconque des associés ».
• Le Dr Y avait été déclaré coupable par la chambre de discipline de Poitou-Charentes d’avoir cédé, de son propre aveu, environ 28 500 doses de vaccins BVT8 à des éleveurs pour qu’ils vaccinent eux-mêmes leurs bêtes. Elle avait déclaré à son encontre six mois d’interdiction d’exercice, dont trois mois avec sursis. La chambre supérieure maintient la décision, mais élargit la période de sursis à cinq mois.
• Le Dr Z faisait appel d’une décision de la chambre de discipline du CRO de Champagne-Ardenne le condamnant à une suspension d’exercice de trois ans, dont un an avec sursis, pour avoir prescrit en juin 2008 du Dexaphénylarthrite® pour un élevage d’ovins. Un médicament strictement interdit chez les animaux et qui n’a plus d’AMM depuis 2007. Le vétérinaire reconnaissant les faits, son avocat avait plaidé la nullité du jugement, invoquant le fait que le président du CRO, le plaignant, et le rapporteur, qui a instruit l’affaire, ont participé au délibéré. La chambre supérieure ne répond pas et sursoit à statuer jusqu’à l’issue de la procédure pénale engagée par ailleurs contre le Dr Z.
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