Le tourisme médical est impliqué dans l’émergence des bactéries NDM-1 - La Semaine Vétérinaire n° 1416 du 10/09/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1416 du 10/09/2010

Santé publique. Antibiorésistance

Actualité

Auteur(s) : Florence Humbert

Ces bactéries, productrices de la New Delhi métallo-bêta-lactamase, sont résistantes à pratiquement tous les types d’antibiotiques.

Des souches d’entérobactéries dites “NDM-1” (pour New Delhi métallo-bêta-lactamase), hautement résistantes aux antibiotiques, ont été récemment retrouvées en Grande-Bretagne, en Belgique, au Canada, en Suède, aux Etats-Unis et en Australie chez des patients hospitalisés, pour la plupart, sur le sous-continent indien. Le seul cas répertorié en France date d’avril 2010 et concerne un patient français de retour après une hospitalisation en Inde. » Ce communiqué du ministère de la Santé du 18 août dernier fait suite à la médiatisation de l’émergence de ce type de bactéries, notamment dans la presse pendant le week-end du 15 août. Depuis, une seconde souche de bactérie multirésistante a été identifiée (le 20 août) chez une femme récemment transférée d’Inde en France.

Cette médiatisation française et internationale – pas un quotidien national ou régional, pas une radio ou un journal télévisé n’a raté l’information durant une période estivale creuse – a pour origine un article à la une du journal The Lancet(1) dans son édition électronique datée du 11 août. Personne ne peut dire si cette médiatisation aurait eu la même ampleur si cet article n’avait pas fait la une ou était entré en concurrence avec les autres news, par exemple celles sur la rentrée scolaire.

Les bactéries productrices de cette bêta-lactamase, codée par le gène NDM-1, sont résistantes à pratiquement tous les types d’antibiotiques, y compris les carbapénèmes habituellement réservés au traitement des infections multirésistantes, mais aussi à l’aztréonam (monobactames), antibiotiques de la famille des bêta-lactamines(2).

Le tourisme médical serait à l’origine des premiers isolements de ces gènes NDM-1 dans plusieurs pays industrialisés. La survie et l’adaptation des entérobactéries et leur propension à s’échanger du matériel génétique pourraient guider la suite de l’histoire.

La première bêta-lactamase est apparue il y a une cinquantaine d’années

Cette nouvelle émergence est l’occasion de retracer “l’histoire” des bêta-lactamases. Il y a cinquante ans apparaissait chez E. coli la première bêta-lactamase plasmidique (TEM-1) responsable de la résistance à l’amoxicilline, désormais présente dans le monde chez environ la moitié des E. coli.

Dans les années 80, les bêta-lactamases à spectre étendu (BLSE) sont apparues après l’utilisation de céphalosporines de troisième génération (C3G) : céfotaxime, ceftazidime. Elles peuvent dériver d’une pénicillinase de type SHV ou d’une pénicillinase de type TEM, mais dans les deux cas, le déterminant génétique est plasmidique et transférable par conjugaison.

Il y a maintenant schématiquement deux grands groupes de BLSE : les céfotaximases (TEM 3, SHV 2) et les ceftazidimases (TEM 5, TEM 24, SHV 24, SHV 25). Plus de cent soixante variants de TEM et 100 de SHV se sont répandus dans le monde depuis. Les espèces bactériennes Klebsiella pneumoniae et Enterobacter aerogenes sont les plus fréquemment impliquées.

Au cours des années 90, de nouvelles enzymes capables d’hydrolyser efficacement le céfotaxime et les CTX-M ont émergé. Ces enzymes sont codéespardes gènes qui dérivent de bactéries de l’environnement du genre Kluyvera. Les premières descriptions datent de 1989, mais leur diffusion mondiale n’est intervenue qu’en 1995. E. coli est le plus souvent impliquée, mais la diffusion des quatre-vingt quatre variants connus de CTX-M vers les autres espèces d’entérobactéries est en cours.Les bactériémies à E. coli résistantes aux C3G, essentiellement par BLSE, augmentent régulièrement dans presque tous les pays européens et représentent, en médecine humaine, de 5 à plus de 20 % des cas.

Diffusion de gènes codant pour des bêta-lactamases : une menace de santé publique

L’importance clinique des entérobactéries (E.coli en particulier) fait de l’apparition et de la diffusion de gènes codant pour des bêta-lactamases une menace de santé publique.

Les entérobactéries BLSE sont aussi présentes chez tous les types d’animaux (de rente, de compagnie, sauvages), aussi bien en portage chez l’animal sain, donc à l’abattoir, que chez l’animal malade. Parmi les facteurs d’acquisition possibles de BLSE par les bactéries, il faut citer l’usage vétérinaire de C3G (ceftiofur ou cefovecine). La proportion de souches résistantes aux C3G est encore faible (1 à 2 % chez les bovins, porcs ou volailles (réseau Resapath : www.onerba.org), mais les E. coli CTXM ont un succès épidémiologique croissant chez toutes les espèces animales.

Habituellement, le contrôle des entérobactéries BLSE impose à la fois de mettre en place des mesures visant à réduire la diffusion des entérobactéries BLSE et de leurs gènes de résistance à l’hôpital, dans la communauté et l’environnement, et de maîtriser la pression de sélection par les antibiotiques à l’hôpital, dans la communauté et dans le monde animal. Mais finalement, l’épidémiologie va au-delà des hôpitaux, des institutions médico-sociales (maisons de retraite et médicalisées, etc.), de la médecine de ville (communautaire), de la médecine vétérinaire, et même de la survie de ces gènes dans les stations d’épuration, puisqu’aujourd’hui, elle dépend aussi de pratiques de type “tourisme médical”.

Les bêta-lactamases

Les bêta-lactamases sont à l’origine du principal mécanisme de résistance aux bêta-lactamines chez les entérobactéries. Il est souvent associé à des résistances à d’autres familles d’antibiotiques, d’où une restriction des thérapeutiques possibles. Les bêta-lactamases sont des enzymes bactériennes capables de cliver le cycle bêta-lactame. Les bêta-lactamases à spectre étendu (BLSE) inactivent la plupart des bêta-lactamines à l’exception des céphamycines (dérivés apparentés aux céphalosporines) et des carbapénèmes. Les métallo-bêta-lactamases hydrolysent une variété de pénicillines et de céphalosporines, mais aussi les carbapénèmes, qui échappent aux bêta-lactamases les plus classiques (voir tableau). Ces métallo-bêta-lactamases sont, de surcroît, résistantes aux inhibiteurs de type acide clavulanique.

F. H.

POUR EN SAVOIR PLUS

• HCSP : « Recommandations relatives aux mesures à mettre en œuvre pour prévenir l’émergence des entérobactéries BLSE et lutter contre leur dissémination (2/2/2010) » : http://www.hcsp.fr/docspdf/avisrapports/hcspr20100202_enterobactBLSE.pdf

• J.-P. Euzéby : « Résistance bactérienne aux antibiotiques » : http://www.bacteriologie.net/generale/resistanceantibiotiques.html

• CDC MMWR (25/6/2010) : « Detection of Enterobacteriaceae Isolates Carrying Metallo-Beta-Lactamase », Etats-Unis, 2010 : http://www.cdc.gov/mmwr/preview/mmwrhtml/mm5924a5.htm

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