Transfusion sanguine
Formation continue
ÉQUIDÉS
Auteur(s) : Gwenola Touzot-Jourde
Les autres facteurs à prendre en compte sont la présence d’une maladie concomitante et le niveau de compensation de l’organisme face à l’anémie.
Les indications principales de la transfusion de sang total chez le cheval et le poulain sont l’hémolyse aiguë ou subaiguë ou l’hémorragie massive. Plus rarement, les phénomènes d’hémolyse et d’hémorragie chroniques, ou encore une hématopoïèse diminuée, justifient la mise en œuvre d’une transfusion.
Les affections pour lesquelles unetransfusion sanguine peut se révéler nécessaire comprennent l’isoérythrolyse néonatale, les anémies hémolytiques auto-immunes, l’intoxication à la feuille d’érable rouge rencontrée dans le nord-est des Etats-Unis, les hémorragies secondaires à une mycose des poches gutturales, à une thrombocytopénie, à la rupture d’un gros vaisseau ou d’un organe (traumatique ou chirurgicale).
Dans certaines situations, comme les interventions sur les cavités nasales et les sinus pour lesquelles une perte de sang massive fait partie des complications les plus courantes, l’éventualité d’une transfusion et son organisation technique doivent être envisagées avant le début de l’acte chirurgical. En cas d’anémie chronique, le suivi clinique rapproché du cheval permet de prévoir la nécessité d’une intervention et de la préparer. La décision de la transfusion s’est principalement fondée sur la valeur de l’hématocrite par le passé, mais force est de constater qu’il n’existe pas de valeur “critique” de l’hématocrite susceptible de déclencher irrémédiablement la nécessité de transfuser. Lors de maladies chroniques hémolytiques ou hémorragiques, de nombreux paramètres sont pris en compte :
– les signes cliniques (état général, paramètres cardiovasculaires et respiratoires, etc.) ;
– l’origine du processus de perte des globules rouges ;
– les analyses de laboratoire ;
– l’équilibre entre apport et demande en oxygène de l’animal ;
– la durée du processus pathologique ;
– la présence d’autres affections, qui réduisent les possibilités de compensation de l’anémie et de diminution de la capacité à transporter et à délivrer de l’oxygène aux cellules (maladies respiratoires et cardiaques, chocs).
Un hématocrite inférieur à 14 % ou une concentration en hémoglobine de moins de 5 g/dl sont jugés insuffisants pour assurer une oxygénation tissulaire adéquate, sauf si la demande en oxygène est diminuée dans le cas de l’hypothermie. Lors de l’apparition progressive d’une anémie sur plusieurs jours (deux à cinq au minimum), la transfusion est jugée nécessaire lorsque l’hématocrite de l’animal euvolémique passe en dessous de 12 % chez l’adulte et de 15 % chez le poulain. Associées à l’état clinique, les analyses de laboratoire, qui visent à mettre en évidence l’existence ou non d’un métabolisme anaérobique, sont d’une aide précieuse dans la prise de décision chez les animaux euvolémiques. Toutefois, elles sont moins fiables lors de la présence, en sus de l’anémie, de choc, de réponse inflammatoire systémique ou de maladies cardiopulmonaires. Les analyses comprennent la mesure des lactates sanguins, du trou anionique plasmatique, de la pression partielle en oxygène veineuse mixte (dans l’artère pulmonaire) dans l’absolu, et veineuse jugulaire dans la pratique, du pH et de l’excès de base du sang veineux (voir encadré ci-dessous).
Artificiellement, au cours d’une hémorragie massive, l’hématocrite est maintenu par contraction splénique et vasoconstriction périphérique (diminution du compartiment vasculaire). Pendant ce laps de temps, l’eau interstitielle et intracellulaire est progressivement redistribuée vers le compartiment intravasculaire pour compenser l’hypovolémie. Une fois le volume circulant rétabli, les globules rouges et les protéines restantes s’en trouvent dilués, ce qui entraîne la chute de leur valeur. Lorsqu’une fluidothérapie est instaurée pour traiter l’hypovolémie, l’hématocrite et les protéines totales baissent en général plus rapidement.
La décision de transfuser un cheval vigile repose sur la présence de signes de choc hypovolémique fréquence cardiaque élevée qui ne répond pas bien à la fluidothérapie, pression artérielle systolique inférieure à 70 mmHg, hémorragie continue et incontrôlable, lactate plasmatique élevé. Lorsqu’il s’agit d’un cheval sous anesthésie générale (voir photo), il est admis qu’environ 20 % du volume sanguin peut être perdu avant d’envisager la transfusion (voir tableau). Il faut alors pouvoir quantifier la perte de sang. Le respect de cette règle est toutefois à assouplir selon la stabilité cardiovasculaire du cheval pendant l’anesthésie. Les autres facteurs à prendre en compte sont la présence d’une maladie concomitante, qui diminue les capacités de compensation du système cardiovasculaire et respiratoire face à l’anémie soudaine, et l’impact estimé de l’anémie sur la capacité du cheval à se relever. Ainsi, la décision d’administrer une transfusion de sang total à un cheval anémié repose sur des signes cliniques et le suivi de leur évolution au cours du temps, des examens sanguins qui viennent renseigner sur le niveau de compensation de l’organisme face à l’anémie, ainsi qu’une évaluation du contexte du développement de l’anémie (affection aiguë ou chronique, anesthésie générale, maladies concomitantes).
Thomas Divers, DVM, Dacvim, Dacvecc.
Article tiré de la conférence « Use of plasma and whole blood in equine practice », présentée lors du congrès 2010 de la Società italiana veterinari per equini (Sive) à Carrara (Italie).
• Gwenola Touzot-Jourde : « Le point sur les liquides de perfusion », PVE n° 164, octobre 2009.
• Valérie Picandet : « Les affections immunitaires chez le cheval et leur diagnostic », PVE n° 153, janvier 2007.
• Le lactate est la forme ionisée de l’acide lactique. La présence d’un métabolisme anaérobique conduit à une surproduction de lactate qui peut entraîner une augmentation de la lactatémie (valeur normale sur cheval au repos inférieure à 2 mmol/l).
• Le trou anionique plasmatique est égal à la différence entre la concentration plasmatique des cations principaux (sodium et potassium) et la somme des principaux anions mesurés (chlore et bicarbonate) : trou anionique = [Na+] + [K+]) - ([Cl-] + [HCO3-]). Le trou anionique normal est compris entre 12 et 18 mmol/l (meq/l) chez le cheval.
Son augmentation est presque toujours secondaire à une hausse de la concentration des anions indosés au cours d’une acidose métabolique par l’accumulation de différents anions tels que le lactate. Pus rarement, elle peut être due à l’élévation de la concentration plasmatique d’albumine en raison d’une hémoconcentration chez un sujet hypovolémique.
• L’analyse des gaz sanguins permet de déterminer le pH sanguin. Une acidose métabolique, par exemple consécutive à un métabolisme anaérobique, se repère à un pH bas (moins de 7,25 ou 7,3) accompagné d’un excès de base (BE) négatif. Dans l’équilibre acido-basique sanguin, l’excès de base est une variable indépendante qui reflète le statut métabolique (sans interférence d’origine respiratoire) et correspond à la concentration de base titrable lorsque le sang est titré avec une base forte ou un acide fort jusqu’à atteindre un pH du plasma de 7,4, à une pression partielle en dioxyde de carbone (pCO2) de 40 mmHg (5,3 kPa), à 37 °C et à la saturation réelle en oxygène.
• La pression partielle mixte veineuse en oxygène (pvO2) correspond à ce qui reste d’oxygène quand tous les tissus perfusés ont puisé l’oxygène, c’est-à-dire au niveau de l’artère pulmonaire après que tout le sang veineux est retourné au cœur. Si la valeur de la pression partielle en oxygène est anormalement basse, cela signifie que plus d’oxygène qu’à la normale a été extrait du sang artériel et qu’il existe un déséquilibre entre apport et demande en oxygène des tissus. La valeur normale de la pvO2 est de 40 à 45 mmHg (5,33 à 599 kPa). Lorsque les tissus sont bien perfusés, comme dans le cas d’un cheval anémié mais euvolémique, la pression partielle en oxygène prise au niveau de la jugulaire, sans faire de compression, est assez proche de la pvO2, ce qui rend faisable l’analyse de ce paramètre en pratique courante. En revanche, dès que l’hématose ne se fait pas normalement (problème pulmonaire) ou que la perfusion tissulaire est anormale (choc, maladie cardiaque), cette correspondance n’existe plus et rend cette mesure à partir du sang jugulaire moins informative dans la prise de décision de transfuser.
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