Les éleveurs laitiers exploitent-ils au mieux les comptages de cellules somatiques ?

La notion de comptage des cellules somatiques (CCS) donne matière à réflexion. « Les cellules somatiques sont à la fois amies et ennemies », souligne en guise d’entrée en matière Ynte Hein Schukken, enseignant à l’université américaine de Cornell, lors de la réunion du 17 septembre dernier organisée à Bruxelles à l’initiative de Pfizer. Il en faut, car ce sont des éléments cruciaux du système immunitaire, mais pas trop. Quatre-vingt-quinze pour cent des animaux en bonne santé ont un comptage inférieur à 100 000 cellules somatiques par millilitre (CS/ml). Un comptage de 200 000 CS/ml est universellement considéré comme la valeur seuil, distinguant une vache infectée et une vache saine. « Bien utiliser l’outil diagnostique qu’est le CCS », est le conseil donné par Francis Sérieys, directeur de la Filière blanche à Rennes. A chaque type d’analyse, son utilité. Le pire est d’utiliser le CCS uniquement pour décider de jeter ou non le lait, ou pour échapper aux pénalités. Francis Sérieys recommande d’utiliser le CCS à des fins diagnostiques biens précises, aussi bien au niveau individuel qu’à celui du troupeau. Des CCS interprétés avec soin sont utiles pour prendre des mesures correctives appropriées. Les évaluations individuelles permettent d’identifier des cas d’infections persistantes par des agents pathogènes majeurs. Le choix du seuil doit être guidé par les objectifs poursuivis. Il faut équilibrer la sensibilité et la spécificité de l’indicateur CCS, c’est-à-dire son aptitude à éviter, respectivement, les faux négatifs et les faux positifs. « Un seuil moins élevé améliore la sensibilité du test, un seuil plus élevé en améliore la spécificité », clarifie l’expert anglais Andrew Biggs. Un seuil fixé à 100 000 CS/ml peut s’utiliser pour sélectionner les animaux à traiter en tarissement, alors qu’une valeur de 800 000 CS/ml sera employée pour décider de réformer. Andrew Biggs note également que l’éleveur laitier devrait identifier plus rapidement les vaches dont les CCS moyens sont compris entre 200 000 et 500 000 CS/ml, avant qu’il ne soit trop tard pour les traiter.

Le suivi des CCS à l’échelle du troupeau entier permet d’évaluer la prévalence de vaches infectée, de suivre la “santé du pis” de l’élevage au cours du temps et de décider des stratégies de contrôle.

Le lait est un produit commercial et Bruxelles exige un comptage mensuel

Le CCS sur lait de tank donne une mauvaise estimation de la prévalence de mammites au sein du troupeau. Le lait de tank est testé en vue de déterminer la qualité du produit commercial. L’Union européenne exige un comptage mensuel. Aucun lait ayant un CCS excédant 400 000 CS/ml ne peut être commercialisé. Mais « il est envisageable de définir des seuils de cellules somatiques différents en fonction de la finalité de la matière première », suggère Francis Sérieys. L’importance d’un CCS bas est évoquée par Marco Nocetti, directeur des services techniques du Consorzio del Formaggio Parmigiano-Reggiano. Il souligne qu’en 2009 les producteurs de parmesan ont dû jeter des quantités excessives de roues de fromage, du fait de la qualité insuffisante de la matière première. L’introduction de systèmes d’assurance qualité, avec « procédures standard » à l’appui, est préconisée par Ynte Hein Schukken. En effet, Bruxelles ne décide pas seulement du prix du lait, mais fixe également des standards élevés pour le reste du monde. Le temps où la centrifugeuse était utilisée pour diminuer le nombre de cellules somatiques dans le lait est révolu.

Le tarissement est une période à risque pour les mammites

Jusqu’à 60 % des nouvelles infections se contractent pendant le tarissement (voir encadré). « La période de tarissement est une période de choix pour le traitement stratégique des mammites subcliniques, mais cette approche a quand même ses limites », précise Marion Tischer, conférencière allemande. Les tubes composés d’antibiotiques, associés éventuellement à un produit formant bouchon dans le trayon (type Orbeseal®) pour en augmenter l’efficacité, semblent indispensables pour améliorer la santé du pis. En effet, 97 % des infections sont associées à cette voie de contamination. Encore faut-il ne pas oublier d’inclure dans le plan stratégique du traitement lors du tarissement de bonnes conditions d’hygiène des locaux et une alimentation correcte en respectant le ratio matières grasses/ protéines. Ce plan doit prévoir l’identification de l’agent pathogène, l’antibiogramme, l’utilisation de la bonne concentration en antibiotique ainsi que le respect des concentrations minimales inhibitrices et du temps d’exposition. Il faut aussi se souvenir que certains agents pathogènes se traitent pendant la lactation (par exemple Streptococcus agalactiae et canis et les nouvelles infections à Staphylococcus aureus). Le tarissement est le moment idéal pour traiter Streptococcus uberis ainsi que Staphylococcus aureus chez des vaches qui présentent un ou deux quartiers infectés.