Académie vétérinaire. Séance thématique du 7 octobre
Actualité
Auteur(s) : Michel Bertrou
De nombreux neurophysiologistes restent réticents à parler de conscience animale.
Une goutte de jus de citron tombe sur une huître. Elle se rétracte. A-t-elle eu mal ? L’huître n’a pas de cerveau, peut-elle avoir conscience de la douleur ? Qu’est-ce que la conscience ? Est-il justifié de parler de conscience animale ?
Le 7 octobre dernier, l’Académie vétérinaire a eu la bonne idée d’aborder le sujet délicat de la douleur, encore peu abordé en France, lors de la première des deux séances thématiques qu’elle consacre à ce thème(1). Elle a fait appel, pour cela, à un éminent neurophysiologiste, Pierre Buser, membre de l’Académie des sciences. Ce spécialiste du comportement et des fonctions cognitives – il a beaucoup travaillé sur les fonctions cérébrales des carnivores et des primates – est également l’auteur de L’Inconscient aux mille visages(2).
Le scientifique a d’abord rappelé l’évolution des mentalités sur cette question. Au début de sa carrière, en 1947, il n’était pas question de dire qu’un animal “faisait attention” ou “voulait” faire quelque chose. Cela a changé à partir des années 60. La psychologie expérimentale reste cependant marquée par le béhaviourisme et son abord de l’animal « comme une mécanique fermée, une boîte noire avec des stimuli et des réponses ». Encore aujourd’hui, beaucoup de neurophysiologistes parlent de vigilance et persistent à éviter le terme de conscience. « Faire le choix de prendre en compte l’existence de la conscience, c’est faire un saut, un saut difficile. Mais pour progresser, il n’est pas impossible ni interdit de considérer qu’au-delà de la vigilance, il existe des états conscients, même chez l’animal », a expliqué Pierre Buser, dont la longue carrière n’a pas entamé la vivacité d’esprit.
La conscience humaine est généralement divisée en conscience phénoménale (concernant les domaines sensoriels, ceux de la perception) et conscience opératoire (qui a trait aux actions). Selon le scientifique, la perception est une construction mentale (à partir des données sensorielles) et ne peut en aucun cas être identifiée à la sensation. De même, l’émotion reste un terme ambigu, car elle associe un élément nerveux autonome à une donnée du vécu subjectif.
Dans une perspective phylogénétique, Pierre Buser distingue différents niveaux de conscience (voir schéma). Tout le règne animal est doté, comme l’homme, d’instances réactionnelles, non conscientes et automatiques. La réaction à la douleur en est un exemple. Au-dessus apparaît la conscience, en deux niveaux. L’instance conscientielle primaire constitue la base du vécu subjectif de nos sensations, et nous la partageons avec beaucoup d’animaux. Le niveau supérieur, qui n’existe en principe que chez l’homme, est appelé l’instance métaconscientielle. Elle désigne la conscience de soi, autrement dit la conscience d’être conscient. Si cette dernière présidait au langage, la communication non verbale pourrait exister dès la mise en jeu de la conscience primaire. Ce schéma général « n’est qu’une hypothèse », a souligné Pierre Buser, qui la soutient cependant, avec d’autres chercheurs.
La question de l’existence de la métaconscience chez l’animal continue d’ailleurs d’animer la communauté des psychologues et des philosophes. Depuis une vingtaine d’années, deux tests nourrissent ces débats. Le premier, le test du miroir, consiste à placer l’animal devant son reflet en lui ayant préalablement marqué une paupière. Alors que le chien, le chat ou le macaque ne réagissent pas, les bonobos, les chimpanzés, les orangs-outans – mais aussi, semble-t-il, certains dauphins et les éléphants – cherchent à retirer la tache, ce qui montre une certaine forme de reconnaissance de soi. Le second test, appelé “théorie de l’esprit” et initié à la fin des années 70 chez les bonobos, montre que ces derniers peuvent avoir parfaitement conscience des intentions d’un congénère ou de l’opérateur.
En conclusion de son exposé, Pierre Buser est revenu à la question de la douleur. En supposant que la conscience primaire (celle du vécu subjectif) se soit développée à un certain moment de la phylogenèse (à partir d’un groupe animal encore indéterminé), la perception consciente de la douleur commencerait, selon lui, à compter de ce stade-là. « C’est aussi une pure hypothèse, je ne vais pas vous le démontrer, a expliqué le fringant nonagénaire, mais à partir de là, nous n’avons plus le droit de dire que si le chat n’a pas conscience de lui-même, il ne souffre pas. »
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