Un projet de route menace la biodiversité du Serengeti

Le parc national africain du Serengeti couvre 1,5 million d’hectares, au nord de la Tanzanie. Malgré son importance pour l’écosystème et son inscription au patrimoine mondial de l’Unesco, la construction d’une route de plus de 100 km, au milieu du parc, est en projet. Elle isolerait sa partie nord, dans laquelle se trouve la rivière Mara, une importante ressource en eau pour les ongulés migrateurs pendant la saison sèche. La mobilisation face à cette perspective est mondiale. En plus de l’implication d’organismes tels que le World Wide Fund ou la Wildlife Conservation Society, des chercheurs ont manifesté leur désaccord en publiant une tribune dans la revue Nature⁽¹⁾.

La fragmentation des habitats est la principale cause de disparition de la biodiversité, et cette route va dans ce sens. Les simulations destinées à anticiper la réaction des animaux sauvages face à cette perturbation sont inquiétantes. Certaines suggèrent que la population des gnous pourrait tomber sous les 300 000 individus, au lieu du 1,3 million actuel. Or ces animaux modèlent le paysage en broutant, en piétinant et en déféquant. Une chute brutale de leur effectif serait une catastrophe pour le maintien de l’écosystème, par la non-consommation d’une large proportion de plantes herbacées. Cela pourrait entraîner des feux sur près de 80 % du parc tous les ans. De plus, la route ne sera pas sous la juridiction du parc national, ce qui favorisera le braconnage. Elle sera également à l’origine de collisions entre des véhicules et des animaux.

Un autre tracé est proposé qui préserverait l’intégrité du parc

L’option proposée par les scientifiques consiste à construire une route au niveau de la limite sud, sans jamais passer à l’intérieur du parc. Elle connecterait aussi Arusha au lac Victoria, et ferait seulement 50 km de plus, pour un coût moindre, car elle croiserait moins de relief. De plus, contrairement au projet initial, elle désenclaverait une zone rurale, au sud du parc, qui ne tirerait aucun bénéficie du tracé nord. La Tanzanie est un pays en développement, mais plus de 95 % de sa population vit avec un revenu de moins de 2 $ par jour. L’amélioration des conditions de vie de cette population passe par le développement des infrastructures, comme l’a fait remarquer le président tanzanien Jakaya Kikwete. Mais il doit se faire dans le respect des personnes et des ressources existantes. Or, le tourisme orchestré autour des animaux sauvages est une pierre angulaire de l’économie tanzanienne.

• (1) A.P. Dobson, M. Borner, A. Sinclair : « Road will ruin Serengeti », Nature, 16/9/2010, vol. 467, pp. 272-273.