Les requins sont porteurs de bactéries multirésistantes

L’utilisation de plus en plus importante des antibiotiques, tant en médecine humaine que vétérinaire, en particulier pour le bétail et même en aquaculture, semble favoriser l’émergence de bactéries résistantes, voire multirésistantes. La situation est devenue problématique, notamment en milieu hospitalier. Or, c’est seulement depuis quelques années que l’on s’intéresse à la présence d’antibiorésistance dans le milieu naturel. Plusieurs études faisant cas de la faune sauvage ont détecté la présence de bactéries antibiorésistantes, voire de résidus d’antibiotiques chez certains animaux⁽¹⁾.

Récemment, une équipe américaine⁽²⁾ s’est penchée sur un groupe d’animaux encore peu étudié pour leur flore bactérienne, les poissons prédateurs, dont font partie les requins. Le long des côtes américaines, six sites d’études différents sont sélectionnés, au sein desquels plusieurs espèces sont échantillonnées. Parmi elles figurent le requin dormeur (Ginglymostoma cirratum), le requin bouledogue (Carcharhinus leucas), le requin bordé (Carcharhinus limbatus), le requin citron (Negaprion brevirostris), le requin tisserand (Carcharhinus brevipinna) et une espèce de poisson téléostéen. Pour chaque individu capturé, un échantillon cloacal est réalisé et analysé en laboratoire. Des bactéries résistantes sont retrouvées chez des poissons dans chacun des sites d’études et plusieurs individus présentent des bactéries multirésistantes.

Sachant que les requins sont des espèces longévives et à croissance lente, ils font de bonnes sentinelles vis-à-vis de la pollution de l’environnement. Cette étude montre l’existence d’antibiorésistance chez des poissons pélagiques et démersaux. Elle confirme ce qui était déjà soupçonné chez les mammifères marins, et montre que la proximité grandissante entre les espèces de la faune sauvage et les hommes, le tout sur fond de pollution des eaux, contribue à l’émergence d’organismes multirésistants qui risquent, un jour ou l’autre, de poser un grave problème de santé publique.

• (1) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1379-1380 en page 46.

• (2) J.K. Blackburn, M.A. Mitchell, M.-C. Holley Blackburn, A. Curtis et B.A. Thompson : « Evidence of antibiotic resistance in free-swimming, top-level marine predatory fishes », J. of Zoo and Wildlife Medicine, 2010, vol. 41, n° 1, pp. 7-16.