L’évolution de l’élevage allaitant d’ici à 2015 est liée à celle de l’élevage laitier - La Semaine Vétérinaire n° 1426 du 19/11/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1426 du 19/11/2010

Contexte agricole

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Serge Trouillet

Un économiste analyse le marché français pour prévoir la conjoncture des années à venir. L’évolution de l’élevage laitier et les restructurations auront une grande influence.

Le contexte dans lequel évolue l’élevage bovin allaitant français n’a rien de la stabilité rassurante. La volatilité des prix, tant sur les charges que sur les produits, est forte. Les marchés s’ouvrent davantage, conduisant à une pression concurrentielle exacerbée de la part des pays producteurs de viande bovine, et les incertitudes sur l’évolution de la réforme de la PAC après 2013 ne sont pas levées. A cela s’ajoute un mouvement de fond d’accélération des exigences sociétales, tandis que les éleveurs s’interrogent eux-mêmes sur leurs conditions de travail.

Qu’en sera-t-il de leur profession à l’horizon 2015, de ses forces et de ses faiblesses face au changement de contexte agricole C’est l’objet de l’étude(1) menée par Christophe Perrot, économiste à l’Institut de l’élevage, qui en a présenté les premiers résultats lors du Sommet de l’élevage, le 6 octobre dernier, à Clermont-Ferrand.

Une filiation évidente entre les exploitations de demain et celles d’aujourd’hui

Dans un contexte aussi mouvant, il peut paraître aléatoire de se risquer à concevoir un scénario tendanciel pour les années à venir. Sauf à rappeler que les exploitations allaitantes françaises ont des caractéristiques fortes, qui peuvent être résumées par une intensité capitalistique particulièrement élevée, laquelle explique la relative inertie des trajectoires d’exploitation. En effet, il n’est pas facile de créer ex nihilo un élevage de soixante vaches allaitantes ! Il faut du terrain, des capitaux, etc. Il y a donc une filiation évidente entre les exploitations de demain et celles d’aujourd’hui. L’économiste, bien entendu, ne manque pas de s’interroger sur les possibilités d’inflexion de ce scénario par l’introduction de facteurs nouveaux, qui pourraient discriminer les évolutions des différentes zones.

En toile de fond, la situation économique, depuis 2006 et surtout 2007, est assez difficile pour les exploitations spécialisées en bovins viande. Depuis ces années, en effet, leur revenu a sérieusement diminué. D’un côté, le produit brut d’exploitation subit l’érosion des prix de vente et des aides, ainsi que les effets sur la production de la fièvre catarrhale ovine. De l’autre, les charges s’envolent. Les importants investissements que les éleveurs ont réalisés pour améliorer les conditions d’élevage et de travail, de même que pour répondre aux exigences sociétales et réglementaires, se traduisent par une explosion des charges fixes : + 70 % pour les amortissements (+ 70 % pour les remboursements d’emprunt) et + 45 % pour les frais financiers sur la période de 2002 à 2008. L’augmentation des consommations intermédiaires (+ 34 % par vache allaitante) sur cette période contribue à dégrader la production de valeur ajoutée, qui se réduit comme une peau de chagrin. Les gains de productivité du travail sont moins rapides, environ 3 % par an, le cheptel moyen des exploitations spécialisées passant de cinquante à soixante vaches de 2002 à 2008 (selon le Réseau d’information comptable agricole, le Rica).

Forte diversité dans le secteur allaitant, mais une tendance à la concentration

Les secteurs laitier et allaitant ne sont pas dans la même dynamique. Le premier a fait l’objet d’une politique structurelle spécifique, qui a favorisé la cessation d’activité des petites exploitations et encouragé un modèle familial de taille moyenne, aujourd’hui majoritaire parmi les 88 000 exploitations laitières. Par ailleurs, cette restructuration s’effectue à guichet fermé, et ce sera sans doute toujours le cas au-delà de 2014.

Le secteur allaitant présente, quant à lui, une forte diversité. Les petits élevages, de moins de cinq vaches allaitantes, représentent 8 % de l’ensemble. Ce nombre régresse rapidement en raison notamment de leur difficulté à se conformer aux exigences réglementaires. Les effectifs de cinq à dix-neuf vaches allaitantes se trouvent dans les petites exploitations ou les élevages laitiers. La moitié des éleveurs constituent le noyau dur de la profession : ce sont des exploitations sans atelier lait, éventuellement diversifiées avec des cultures, mais dont l’élevage est fortement polarisé sur l’activité allaitante de plus de vingt vaches. Au sein des 128 000 détenteurs de vaches allaitantes, ce noyau dur représente 61 000 exploitations (48 %), mais concentre 78 % du cheptel, avec plus de quarante vaches pour 80 % d’entre eux. Cette concentration n’a fait que se renforcer puisqu’elle n’était que de 58 % en 1988 (voir graphique 1 en p. 42), avec une croissance forte avant 2000 qui s’est divisée par deux sur la période suivante. Le cheptel moyen des exploitations spécialisées est ainsi passé de 41,7 à 53,2 vaches entre 1990 et 1997 (+ 11,5), et de 55,8 à 61,8 entre 2000 et 2007 (+ 6).

Des restructurations du secteur laitier à plusieurs vitesses

Concernant le nombre d’exploitations, la restructuration tendancielle est toujours forte dans le secteur laitier. De 200 000 en 1990, il pourrait ne plus y en avoir qu’entre 55 000 et 60 000 à l’horizon 2015, soit l’ordre de grandeur des exploitations du secteur allaitant (plus de vingt vaches) qui, lui, se stabilise en raison des reconversions lait-viande (voir graphique 2 en p. 42). Cela pourrait même continuer si la conjoncture lait se dégrade.

Pour autant, cette approche globale masque une forte diversité des trajectoires au sein de ce noyau dur. Il est ouvert, avec des flux sortants et entrants, même si les petits élevages, faute de capitaux et de foncier disponibles, ne peuvent y accéder. La reconversion de 3 900 élevages laitiers de 2000 à 2007, avec quarante-cinq vaches allaitantes en moyenne, compense 40 % des arrêts et abandons d’exploitations en 2000. Cela crée un apport nouveau et explique la faible diminution apparente du nombre d’exploitations du noyau dur (- 0,8 % par an).

Mais, même au sein des élevages pérennes de ce noyau dur, une diversité croissante des trajectoires peut être observée. 10 % ont une croissance supérieure à vingt-cinq vaches allaitantes sur 2000 à 2007, 25 % une croissance supérieure à douze vaches. L’évolution moyenne est de six vaches allaitantes, et de trois vaches en médiane, mais une proportion significative d’exploitations (18 %) ont choisi de décapitaliser ou de désintensifier, avec une baisse de 10 % du cheptel moyen.

Une pyramide des âges marquée par un déficit des jeunes

Dans les exploitations allaitantes de plus de vingt vaches, le taux de départs précoces est à peine inférieur à celui du secteur laitier. En revanche, les fins de carrière sont, sans surprise, plus longues, la production en allaitant permettant de poursuivre l’activité à des âges plus avancés. Les chocs démographiques du futur naîtront de la décroissance des installations depuis 1990 pour les exploitations allaitantes, et de l’effondrement violent de celles du secteur laitier depuis 1997, la stratégie de préretraite-installation de la politique agricole commune (PAC) de 1992 ayant permis de les doper jusqu’alors dans ce secteur. Au vu de la pyramide des âges des chefs d’exploitation dans les deux secteurs, le plus inquiétant, c’est le déficit des jeunes, qui se crée rapidement. Il aboutira, en 2015, à une courbe déséquilibrée, avec une bosse à des âges élevés (voir graphique 3, pour le secteur allaitant). Les cessations d’activité seront alors reprises par des éleveurs qui sont au début de la pyramide, c’est-à-dire beaucoup moins nombreux : cela pourrait générer une attente d’agrandissement qui pourrait être forte, voire modifier les rapports cédants/repreneurs, ou ouvrir de nouvelles opportunités pour les politiques d’installation (plus diverses à l’avenir que les transmissions actuelles, à 80 % familiales).

Ces changements démographiques peuvent être résumés par l’évolution du pourcentage d’éleveurs de moins de quarante ans et de plus de cinquante ans dans les deux secteurs, laitier et allaitant. En 1990, la proportion des éleveurs âgés était élevée. Une politique offensive de préretraite a eu des effets spectaculaires dans le secteur laitier, avec en 2000 une population historiquement jeune, constituée de 40 % de chefs d’exploitation de moins de quarante ans. Mais l’effort d’installation n’a pas été maintenu et, depuis 2000, ce pourcentage diminue rapidement dans les deux secteurs (28 % en lait et 24 % en viande, en 2007). Compte tenu de la dynamique passée des installations, cette tendance ne peut que se poursuivre.

Une inconnue : un scénario défavorable au lait, qui doperait les reconversions

Ainsi, dans le scénario tendanciel, sur la période de 2007 à 2014, l’importance prévisible des nouvelles reconversions lait-viande sur le nombre d’exploitations est confirmée. Leur diminution devrait se situer autour de 1,7 % par an, au lieu de 0,8 % par an de 2000 à 2007. Après des gains de productivité annuels de 3,4 % de 1990 à 1997, divisés de moitié sur 2000-2007, la période de 2007 à 2014 devrait être davantage marquée par le vieillissement des chefs d’exploitation que par une restructuration massive. Les disponibilités pour la croissance resteront modérées, avec des exploitations moyennes qui affichent cependant de belles dimensions : soixante-cinq vaches allaitantes en moyenne pour l’ensemble des élevages du noyau dur, soixante-neuf pour ceux spécialisés et 81 pour le Nord et le Massif central. La concentration relative du cheptel pourrait donc se poursuivre au profit du noyau dur, passé de 58 % en 1988 à 78 % en 2007. Dans certaines zones, comme le bassin charolais-limousin, ce type d’exploitations gère déjà 93 % du cheptel. La plus grosse inconnue pourrait être l’impact d’un scénario défavorable au lait, qui doperait les reconversions lait-viande. La reconversion de tout ou partie des 500 000 ha de surface toujours en herbe (STH) utilisés aujourd’hui par les exploitations laitières pourrait permettre au cheptel allaitant de croître de plusieurs centaines de milliers de têtes.

Une nouvelle politique offensive d’installation à l’horizon 2015 ?

De ses premières investigations, Christophe Perrot retient que nous sommes face à une progression de la vague démographique créée par la chute du niveau des installations au cours des années 90. Cela se traduira d’abord par un vieillissement rapide et important de la population des chefs d’exploitation, mais avec finalement une disponibilité assez limitée pour l’agrandissement, sauf si certains élevages décapitalisent avant la retraite. Le déséquilibre, pense-t-il, est surtout pour l’après 2014, entre les chefs d’exploitation sur le départ et les éleveurs en place candidats à l’agrandissement, qui seront beaucoup moins nombreux. Cela pourrait ouvrir une page blanche pour une nouvelle politique d’installation, avec des choix d’intensité comparable à ceux des années 90. L’impact des reconversions lait-viande pourra, bien entendu, complexifier cette perspective, notamment dans les régions concernées.

  • (1) Avec le soutien de France AgriMer.

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur