Neurologie
Formation continue
ANIMAUX DE COMPAGNIE
Auteur(s) : Jean-Charles Vanier
Fonctions : ancien interne de médecine à VetAgro Sup, praticien à Bourg-lès-Valence (Drôme).
Les crises convulsives focales se caractérisent par l’absence de perte de conscience. Elles sont de plus en plus souvent diagnostiquées.
Un setter mâle de six ans est présenté à la consultation de neurologie de l’école de Lyon pour ataxie et troubles du comportement évoluant depuis un mois. Il est correctement vacciné et vermifugé. Il vit en chenil avec un accès au jardin avec deux chiennes. Il reçoit une alimentation industrielle sèche de moyenne gamme. Six mois auparavant, le chien a présenté une perte importante de l’audition, ce qui a motivé une consultation chez le vétérinaire traitant. Un hémogramme et un bilan biochimique sont réalisés et ne révèlent pas d’anomalies. Un traitement à base d’une suspension auriculaire antibiotique, fongicide et anti-inflammatoire, d’un antibiotique oral (sulfaméthoxypyridazine et triméthoprime) et de prednisolone est mis en place. En deux jours, les signes cliniques rétrocèdent. Mais à l’arrêt du traitement, le propriétaire constate une récidive.
Un mois avant la présentation du chien en consultation référée, lors d’une partie de chasse, le propriétaire observe une anomalie dans le comportement de son animal : celui-ci tourne sur lui-même une dizaine de fois vers la droite. Il ne présente pas de perte de conscience, mais ne répond plus à la voix et semble ne plus voir son maître. Puis il redevient normal, repart chasser pendant une dizaine de minutes, revient puis se bloque de nouveau. Le propriétaire décrit des mouvements de balancier de la tête dans toutes les directions. Une deuxième consultation chez le vétérinaire traitant permet de réaliser un bilan biochimique qui reste dans les normes. Un traitement à base de prednisolone est mis en place pendant six jours.
Lors de la consultation référée, l’animal est réactif, son état d’hydratation est normal. Il est normotherme. Aucune adénomégalie n’est notée. Les muqueuses sont congestionnées. L’auscultation cardio-pulmonaire est dans les normes. La palpation abdominale est souple et ne révèle pas d’anomalie. L’état de vigilance est normal, de même que la démarche. Les réactions posturales et les réflexes médullaires sont normaux. L’examen des nerfs crâniens est correct.
Le tableau clinique est celui d’un setter de six ans, avec des antécédents de trouble de l’audition, qui a présenté deux crises d’ataxie associées à des oscillations de la tête, ainsi que des troubles de la vigilance. La première hypothèse diagnostique est celle de crises convulsives partielles complexes, primaires (idiopathiques) ou secondaires, d’origine extracrânienne (hypoglycémie induite par l’effort, insulinome) ou intracrânienne (tumeur ou encéphalite). La seconde hypothèse est celle d’un trouble vestibulaire paroxystique.
Des examens complémentaires sont réalisés pour infirmer ou confirmer les hypothèses. Le bilan biochimique n’indique qu’une discrète élévation du taux d’alanine aminotransférase (140 UI/l), compatible avec la corticothérapie. L’ionogramme et l’hémogramme sont dans les normes. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) montre une lésion modérée hyperintense en T1 et iso-intense à hyperintense en T2, localisée sous le ventricule droit, peu délimitée et qui ne prend pas le produit de contraste. Ces images sont compatibles avec une atteinte inflammatoire discrète. Pour explorer l’inflammation notée sur l’IRM, une ponction du liquide céphalo-rachidien est réalisée quatre jours après l’arrêt des corticoïdes. Les résultats ne présentent pas d’anomalies. L’examen du fond d’œil est normal, ainsi que les potentiels évoqués auditifs. Le diagnostic est donc en faveur de crises convulsives partielles complexes idiopathiques.
Il est décidé de ne pas traiter et de surveiller l’évolution de l’animal. Si des signes réapparaissent, une ponction de liquide céphalo-rachidien sera effectuée de nouveau avant la mise en place d’un traitement.
Une crise convulsive correspond à un dysfonctionnement paroxystique, soudain et transitoire du cerveau, qui génère un trouble du comportement chez l’animal. L’épilepsie correspond à des crises convulsives récurrentes.
Deux catégories de crises sont distinguées. Les premières, les crises convulsives généralisées, sont les plus fréquentes. Elles se caractérisent par une perte de conscience et des troubles moteurs symétriques bilatéraux (crises tonico-cloniques, altération de contraction/relaxation du tonus des extenseurs, décubitus). Elles sont souvent associées à une altération comportementale avant la crise (plusieurs minutes à quelques secondes) appelée phase d’aura ou préictale, et à une phase postictale dans les heures qui suivent la crise (ataxie, troubles respiratoires, fatigue, etc.).
Dans notre cas, il s’agit de la seconde catégorie, les crises convulsives partielles (ou focales), caractérisées par l’absence de perte de conscience. Elles sont moins fréquentes, mais de plus en plus souvent diagnostiquées. Les lésions concernent un seul hémisphère cérébral et les symptômes sont unilatéraux (contractions d’une babine controlatérale à la lésion, par exemple). Les crises partielles peuvent se généraliser. Elles sont subdivisées en crise partielle simple (dysfonctionnement localisé, mouvements involontaires d’une extrémité, par exemple) et en crise partielle complexe (crise psychomotrice). Cette dernière est caractérisée, comme dans ce cas, par une altération de la conscience (chien qui ne répond pas aux stimulations extérieures) et un comportement bizarre stéréotypé (mouvements répétitifs comme tourner en rond ou “gober des mouches”).
Lors de suspicion d’une crise convulsive, une démarche diagnostique rigoureuse est nécessaire. L’âge et la race sont importants. Dans ce cas, un chien de race de grande taille, jeune adulte, fait d’abord privilégier une origine idiopathique ou une cause réactionnelle (encéphalite, par exemple). A l’inverse, un chien de race toy, âgé de moins de six mois, oriente vers une origine congénitale intracrânienne (hydrocéphalie, par exemple) et un chien âgé vers un processus tumoral.
Le nombre, la fréquence et la durée des crises influent également sur le diagnostic différentiel. Des crises soudaines et fréquentes indiquent plutôt une cause toxique, vasculaire, métabolique, infectieuse ou tumorale, alors que des crises chroniques et intermittentes, sans anomalie neurologique dans l’intervalle, orientent vers une épilepsie idiopathique.
L’examen clinique général et neurologique est essentiel. Il convient de rechercher des maladies systémiques (maladie de Carré, par exemple) ou des signes d’atteinte cérébrale (troubles du comportement, de la vigilance, déficit proprioceptif, anomalie des nerfs crâniens, etc.). Dans tous les cas, il est conseillé de réaliser un bilan sanguin pour exclure les principaux troubles métaboliques et les origines toxiques.
Hormis les causes les plus fréquentes (voir tableau), d’autres origines sont parfois à envisager, comme une hyperlipémie (fréquente chez le schnauzer), une hyperviscosité sanguine, une insuffisance rénale chronique, un déséquilibre acido-basique, une hypoxie ou une hyperthermie. Selon l’anamnèse, l’examen clinique et l’orientation diagnostique, les examens complémentaires (radiographie thoracique, échographie abdominale, IRM, ponction du liquide céphalo-rachidien +/- PCR) sont réalisés pour exclure une origine intracrânienne ou extracrânienne. Lorsqu’aucune cause n’est mise en évidence, il s’agit d’épilepsie idiopathique.
Lors d’épilepsie primaire, le traitement est mis en place si plus d’une crise mensuelle est observée ou si les épisodes sont violents et/ou longs. Il doit être précoce et permanent. Plus les crises commencent tôt dans la vie du chien, plus il est difficile de contrôler l’épilepsie avec un traitement médical. Plus le traitement est précoce, meilleure est la réponse.
Lors d’épilepsie primaire, les crises arrivent à intervalle régulier, mais leur fréquence et leur amplitude augmentent. Le traitement est initié avec le phénobarbital en monothérapie (2,5 mg/kg, deux fois par jour). Un contrôle est réalisé deux à trois semaines plus tard ou après tout changement de dose. Les critères cliniques (fréquence, nombre, durée et gravité des crises) sont les plus importants. Si le traitement n’est pas satisfaisant, la dose est augmentée de 20 %, sans dépasser 7 mg/kg deux fois par jour.
La gardénalémie peut être contrôlée à ce moment, mais ce n’est pas une obligation. Il est nécessaire de réaliser une biochimie (acides biliaires, albumine, électrophorèse des protéines) lors des contrôles, car le phénobarbital est hépatotoxique à forte dose. Les transaminases (PAL, Alat) ne sont jamais dosées, car les valeurs sont toujours élevées. Lorsque l’animal est réfractaire (seuil toxique à la gardénalémie), du bromure de potassium est ajouté en bithérapie à 40 mg/kg/j. Une dose de charge (300 à 400 mg/kg/j pendant trois jours) est parfois nécessaire. 80 % des chiens répondent bien à cette approche.
Lors d’absence de contrôle en bithérapie, plusieurs solutions existent. L’emploi de lévétiracétam (Keppra®(1)), à raison de 5 à 20 mg/kg deux fois par jour, est intéressant en trithérapie (peu d’effets secondaires et élimination rénale). L’utilisation de gabapentine (Neurontin®(1)), à raison de 10 à 30 mg/kg trois fois par jour, ou encore de zonisamide (Zonegran®(1)), à la dose de 5 à 10 mg/kg deux fois par jour, permet de remplacer par la suite le lévétiracétam en cas d’échec. Si les crises ne sont alors pas contrôlées, le diagnostic doit être remis en question.
(1) Pharmacopée humaine.
Voir aussi La Semaine Vétérinaire n° 1355-1356 du 10/4/2009 en page 38 : « Le lévétiracétam est adapté lors de bithérapie chez le chat et de trithérapie chez le chien. »
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