Les chauves-souris constitueraient la principale source d’exposition au virus Ebola - La Semaine Vétérinaire n° 1433 du 14/01/2011
La Semaine Vétérinaire n° 1433 du 14/01/2011

Virologie

Formation continue

FAUNE SAUVAGE ET NAC

Auteur(s) : Stéphanie Bourgeois

L’homme s’infecterait via l’ingestion de fruits contaminés par la salive de mégachiroptères.

Depuis la découverte d’Ebola en 1976, quatre épidémies ont été décrites au Gabon. Parmi les cinq espèces connues de ce virus, la souche Zaïre (Zebov) est réputée la plus virulente (jusqu’à 90 % de mortalité lors des épidémies de fièvres hémorragiques) chez l’homme. La recherche progresse afin d’identifier le cycle naturel du virus, dont le réservoir semble se trouver dans les forêts tropicales d’Afrique.

Une étude du Centre international de recherches médicales de Franceville (CIRMF) au Gabon apporte de nouvelles informations sur la circulation du virus Ebola et sa pathogénicité chez l’homme(1). Une vaste enquête sérologique, menée entre 2005 et 2008 à travers tout le pays, a révélé qu’une grande partie de la population gabonaise possédait des anticorps spécifiques du Zebov. La séroprévalence était de 15,4 % pour l’ensemble des Gabonais, mais c’est dans les régions forestières que le taux était le plus élevé : 19,4 % en moyenne, et jusqu’à 33 % dans certains villages. Ces résultats sont d’autant plus surprenants que l’étude a été réalisée sur des personnes sans antécédents de symptômes évocateurs d’Ebola et dans des zones où aucune épidémie n’a été recensée. Le taux de mortalité lié au Zebov semble donc surestimé et le virus pourrait provoquer des symptômes modérés, voire un portage asymptomatique beaucoup plus répandu que les chercheurs ne l’imaginaient.

Les villageois sont en contact avec le virus via des fruits contaminés par les chauves-souris

Les personnes qui présentent une immunité ont été en contact avec le virus. L’absence d’épidémies antérieures et le faible nombre de survivants lorsque l’une d’entre elles se déclare suggèrent que la contamination a eu lieu par contact avec des animaux infectés, plutôt que par transmission interhumaine. De plus, les particules virales sont surtout excrétées dans le sang, les selles et les vomissures des malades en phase aiguë. Il est donc peu probable qu’une contagion d’homme à homme se produise lors de portage asymptomatique.

L’enquête socio-démographique n’a pas révélé de variation liée à l’âge, au sexe, à l’activité de chasse ou de dépeçage, ni à la possession d’animaux sauvages. En l’absence de facteur de risque identifié, ces taux de prévalence élevés peuvent être expliqués par une source commune de contamination à proximité des villages. Les grands singes sont connus pour être naturellement infectés par le virus Ebola, mais la promiscuité est faible avec ces primates qui vivent au cœur de la forêt, sauf pour les chasseurs, qui ne présentaient pas des taux d’anticorps plus élevés que le reste de la population. Au contraire, les chauves-souris, notamment les mégachiroptères, sont répandues et nombreuses dans les arbres fruitiers situés aux abords des villages. De précédentes études ont montré que certaines espèces sont largement porteuses du virus et constitueraient probablement le réservoir de la maladie(2).

Ainsi, ces résultats suggèrent que les villageois sont en contact avec le virus lorsqu’ils manipulent des fruits contaminés par la salive de chauves-souris. Cette voie de propagation a également été évoquée en Asie pour les virus Nipah et Hendra, dont la structure, caractéristique de l’ordre des mononégavirales, est similaire à celle du virus Ebola. Les chauves-souris représenteraient donc la principale source d’exposition au virus Ebola en Afrique centrale, bien plus fréquente qu’une contamination par l’intermédiaire des grands singes.

La circulation du virus est effective dans l’ensemble des zones forestières

Une enquête sérologique a été menée simultanément sur plus de deux mille chauves-souris capturées entre 2003 et 2008 dans quatre régions gabonaises, en collaboration avec l’Institut de recherche pour le développement (IRD)(1). La séroprévalence moyenne était de 4 à 5 % dans toutes les régions étudiées, ce qui signifie que le virus circule dans l’ensemble du pays. Cinq espèces de mégachiroptères présentaient des anticorps spécifiques du Zebov, avec des taux particulièrement élevés chez l’hypsignathe (Hypsignathus monstrosus, 7 %) et la roussette d’Egypte (Rousettus aegyptiacus, 8 %).

L’étude a également mis en évidence une forte séroprévalence (7 %) des anticorps spécifiques du virus Marburg chez la roussette égyptienne. Celui-ci forme, avec les cinq espèces d’Ebolavirus, la famille des Filoviridés, responsables de fièvres hémorragiques chez les primates et l’homme. Bien qu’il n’y ait jamais eu d’épidémie enregistrée au Gabon, ces résultats montrent que le virus circule dans le pays.Il constitue donc un risque potentiel pour la santé humaine.

La roussette égyptienne possède des anticorps spécifiques des deux virus. Elle serait par conséquent impliquée dans leur cycle naturel. Cette espèce présente la particularité de nicher dans des grottes, contrairement aux autres mégachiroptères qui le font dans les arbres, où les contacts interspécifiques sont fréquents. Il y aurait donc deux biotopes écologiques différents pour les Filoviridés en Afrique centrale : la distribution du virus Marburg serait liée à l’écologie de la roussette égyptienne et à la présence de grottes, tandis que la distribution des espèces réservoirs du Zebov serait étendue à l’ensemble des zones forestières.

  • (1) P. Becquart et coll. : « High prevalence of both humoral and cellular immunity to Zaire ebolavirus among rural populations in Gabon «, PlOs One, 2010, vol. 5, n° 2, e9126.

  • (2) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1326 du 12/9/2008, p. 56.

  • (3) X. Pourrut et coll. : « Large scale serological survey show cocirculation of Ebola and Marburg viruses in bat population of Gabon and high seropositivity of both viruses in Rousettus aegyptiacus species «, BMC Infectious Diseases, 2009, vol. 9, p. 159.

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur