Hémoparasitoses des bovins
Formation continue
RURALE
Auteur(s) : Karim Adjou
Anaplasma marginale est principalement présente en zone tropicale. Sa distribution se superpose à celle de ses vecteurs biologiques, les tiques de l’espèce Boophilus.
L’anaplasmose bovine est une hémoparasitose à déclaration obligatoire dans de nombreux pays. Elle est due à Anaplasma marginale. Cette rickettsie, exclusivement parasite des érythrocytes, est responsable de la majorité des maladies du bétail liées aux tiques dans le monde. Le corps élémentaire n’est pas à proprement parler intraérythrocytaire, puisqu’il est inclus dans une invagination vacuolaire parasitophore ouverte sur l’extérieur de l’hématie. Sa multiplication ne provoque donc pas une destruction directe des hématies. Les vacuoles qui contiennent le parasite sont majoritairement situées à la périphérie des hématies (80 à 90 %).
Dans les zones d’endémie, le passage transplacentaire d’Anaplasma marginale est fréquent. Il participe à l’installation de la prémunition chez les jeunes sujets. L’infection peut durer plusieurs années sans symptômes cliniques. Un animal infecté reste porteur toute sa vie.
Anaplasma marginale est principalement présente en zone tropicale, où sa distribution se superpose à celle de ses vecteurs biologiques, les tiques de l’espèce Boophilus. Sa répartition est néanmoins mondiale. Les tiques vectrices varient selon les régions : Boophilus, Dermacentor, Ixodes, Rhipicephalus, etc. La transmission mécanique d’Anaplasma marginale est possible via les diptères hématophages. Elle est souvent désignée dans certaines régions françaises par les éleveurs et les vétérinaires sous le terme de “piro blanche”. Elle se retrouve à l’état naturel chez la plupart des bovidés qui y sont sensibles. La chèvre et le mouton y sont réceptifs, mais peu sensibles, ainsi que certains cervidés, camélidés et antilopes.
Les trois stases de Boophilus peuvent se contaminer avec Anaplasma marginale au cours d’un repas sanguin prélevé sur un animal porteur. En revanche, il n’y a pas de transmission transovarienne de l’infection chez la tique. Malgré le cycle monoxène de Boophilus, deux explications président à la transmission de l’infection d’un bovin à l’autre par Boophilus. Tout d’abord, un faible nombre de tiques adultes non gorgées peuvent tomber accidentellement du pelage de leur hôte au cours de leur recherche d’un point de fixation. Ensuite, la transmission semble surtout être le fait des tiques mâles, qui sont susceptibles de changer d’hôte lors de leur recherche d’une partenaire sexuelle, ou des tiques gorgées décrochées mécaniquement de l’animal lors de ses déplacements. La transmission réalisée à la suite d’un changement d’hôte au cours d’une même stase est qualifiée d’intrastasiale.
Des quantités réduites de sang peuvent transmettre les bactéries. Les diptères hématophages sont donc capables d’assurer une transmission mécanique et répétitive. Pour que celle-cis’opère, il faut un temps bref entre l’arrêt du repas prélevé sur un bovin contaminé et le début du suivant pris sur un congénère sain. Ce mode de transmission est corrélé à plusieurs facteurs : une forte densité de bovins et de vecteurs, ainsi qu’une quantité suffisante de l’agent pathogène chez les animaux malades. A La Réunion, où ces conditions sont réunies, un important pullulement de diptères conduit à des épisodes d’anaplasmose clinique d’allure épidémique. Deux diptères y sont principalement incriminés dans la transmission mécanique d’Anaplasma marginale. Il s’agit de Stomoxys calcitrans et de Stomoxys nigra. La durée moyenne du repas sanguin quotidien est de sept minutes pour le premier et de deux minutes pour le second. Cela explique la multiplicité des piqûres possibles, en raison des réactions de défense du bovin qui interrompent fréquemment le repas sanguin.
L’incubation est de trois à quatre semaines en moyenne. Elle peut se prolonger jusqu’à dix semaines. La maladie est généralement décrite comme évoluant sur un mode subaigu. Dans ce cas, l’hyperthermie est le premier signe observé, et se maintient en dents de scie pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines. L’anémie est provoquée par une destruction des hématies. Elle est uniquement due à des phénomènes immunologiques, avec une coexistence d’anticorps antiparasitaires et d’auto-anticorps anti-érythrocytaires, et n’est pas liée à un éclatement lors de la sortie des parasites (comme pour Babesia). L’anémie observée est donc plus lente à s’installer, mais finalement plus grave et durable, et présente des hématocrites entre 10 et 20 %. L’ictère apparaît tardivement. Parmi les signes digestifs, l’atonie digestive et la constipation dominent. Tous ces symptômes conduisent peu à peu à la cachexie. A La Réunion, la maladie évolue souvent sous une forme aiguë et se manifeste principalement chez des vaches laitières qui sont de bonnes productrices ou des allaitantes de race pure (limousine, blonde d’Aquitaine). L’hyperthermie est alors marquée (supérieure à 41 °C) et s’accompagne d’une anémie et d’un ictère précoces. La mort de l’animal peut alors survenir en moins d’une journée.
A l’autopsie, le foie est brun jaune, hypertrophié et friable. La vésicule biliaire est distendue. Des pétéchies sont retrouvées sur toutes les séreuses. Une pâleur généralisée de la carcasse peut être masquée par l’ictère.
L’imidocarb (Carbesia®) est indiqué pour le traitement de l’anaplasmose, à dose élevée (4 à 5 mg/kg). Les tétracyclines (oxytétracycline) sont également conseillées, notamment en cas de suspicion, pendant plusieurs jours.
Un traitement symptomatique est ensuite mis en place selon les signes cliniques observés : anti-inflammatoires non stéroïdiens, hépatoprotecteurs, perfusions, ruminatifs, anti-anémiques (fer, vitamine B12). L’emploi des corticoïdes, grâce à leurs propriétés immunomodulatrices, se révèle souvent intéressant dans la gestion des anaplasmoses. La transfusion est réservée aux cas graves et peut être délicate en situation d’endémie, étant donné qu’il est indispensable de s’assurer, au préalable, que le donneur est indemne d’hémoparasitoses.
Christophe Jammes, praticien au Tampon (La Réunion).
Article rédigé d’après la conférence présentée lors du colloque sur les maladies vectorielles à Maisons-Alfort, le 1er avril 2009.
L’anaplasmose bovine désigne d’abord l’anémie provoquée par Anaplasma marginale, la “piro blanche” (elle est dite “blanche” car elle ne présente pas l’hémoglobinurie qui accompagne les babésioses).
Cependant, par extension de langage, le terme anaplasmose peut être employé pour l’ehrlichiose granulocytaire bovine. Son agent est Anaplasma (autrefois Ehrlichia) phagocytophilum. Il est présent dans les granulocytes et provoque un syndrome pseudo-grippal avec des avortements.
Stéphanie PadiolleauLa première enquête d’envergure sur les hémoparasitoses à La Réunion a été menée en 1994 dans le cadre du programme Poseidom : « Eradication des babésioses et de l’anaplasmose à La Réunion ». Les prévalences sérologiques mises en évidence étaient alors de 19 %, 28 % et 45 %, respectivement pour Anaplasma marginale, Babesia bovis et Babesia bigemina. Une nouvelle enquête, réalisée au début de l’année 2009, indique 20 % pour Anaplasma marginale et 32 % pour Babesia bigemina (données non publiées du Groupement régional de défense sanitaire du bétail de La Réunion). Certains animaux sont séropositifs vis-à-vis de deux, voire trois, de ces agents pathogènes. La situation épidémiologique de l’île est donc globalement instable vis-à-vis des hémoparasitoses, et présente de nombreuses disparités selon les différentes zones climatiques et la typologie des élevages.
Une analyse, réalisée en 2004 à partir de données relevées pendant cinq années (de 2000 à 2004), montre que les hémoparasitoses sont la première cause de mortalité des bovins sur l’île, avec 16,5 % des morts constatées. La répartition mensuelle de ces mortalités se superpose aux pics d’apparition des vecteurs (notamment les stomoxes).
En France, Anaplasma marginale est présente dans certaines zones et entre dans le diagnostic différentiel de la babésiose. En métropole, les vecteurs potentiels sont nombreux : Dermacentor marginatus et D. réticulatus, Ixodes ricinus, Rhipicephalus spp. Son importance clinique sur le territoire semble assez faible pour le moment, mais il est difficile à estimer en raison de la confusion possible avec les autres hémoparasitoses. Néanmoins, l’extension des affections transmises par les arthropodes vecteurs, due au réchauffement climatique, fait que l’anaplasmose bovine est considérée comme un risque réel en Europe.
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