Chiens dangereux
Gestion
LÉGISLATION
Auteur(s) : Vincent Coupry
La notion de danger grave et immédiat a été utilisée à de (trop) nombreuses reprises par des élus pour demander l’euthanasie de chiens catégorisés ou mordeurs.
La législation relative aux chiens dangereux, au sens large, est récente. Elle a suscité nombre de débats au sein de la profession vétérinaire. Les imprécisions de la loi sont nombreuses et donc sujettes à interprétation. Comme l’ont dit de nombreux confrères, seule la jurisprudence permettra de mieux cerner l’application qui en sera faite.
Cependant, les décisions qui font jurisprudence ne peuvent apparaître que plusieurs années après la parution d’une loi, en raison des délais judiciaires. Pourtant, quelques jugements récents, intervenus après la promulgation de la loi du 20 juin 2008, mais concernant des infractions antérieures, sont riches d’enseignements.
La première leçon à tirer de la jurisprudence actuelle est que les propriétaires négligents sont, la plupart du temps, poursuivis pour « maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement ». Un grand nombre de poursuites sont également engagées pour « mise en danger d’autrui (risque de mort ou d’infirmité) par violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence ».
Dans la plupart des cas, les condamnations ont lieu lorsqu’il y a eu une victime, humaine ou animale. Dans certaines situations, la simple “frayeur” d’un enfant peut aussi conduire à une condamnation.
Quant aux peines infligées en rapport avec le non-respect de la législation, elles sont souvent faibles, proportionnellement à celles inscrites dans la loi, avec des amendes de quelques centaines d’euros. Cependant, les sanctions sont souvent alourdies en regard des blessures infligées. La confiscation de l’animal est fréquente, mais pas systématique, et doit être justifiée.
La seconde cause fréquente de poursuites est la détention illégale de chiens catégorisés, en grande majorité par des personnes qui possèdent des condamnations inscrites sur le casier judiciaire. Dans tous les cas, celles-ci sont condamnées, y compris lorsque l’animal ne leur appartient pas (par exemple, une promenade avec le chien de la sœur), et ce dernier est confisqué. Les peines dépendent alors de l’infraction, mais aussi du passé judiciaire de la personne en cause.
Dans un registre différent, la notion de danger grave et immédiat a été utilisée à de nombreuses reprises par des maires pour demander l’euthanasie de chiens de catégorie ou mordeurs.
Dans la première, la cour d’appel de Bordeaux, le 30 mars 2010, considère « que l’autorité chargée de la police municipale ne saurait prescrire la mise à mort sans condition ni délai d’un animal qu’en vue de parer un danger grave et immédiat ; que, par conséquent, lorsqu’il ressort des circonstances [qu’à la date où] ladite autorité statue, que le danger présenté par l’animal n’est pas tel que seule sa mise à mort puisse le parer, il lui appartient de prescrire les mesures appropriées au gardien de l’animal et de n’ordonner l’euthanasie que dans le cas où les prescriptions alors énoncées n’auraient pas été observées ». La décision de la cour s’appuie sur l’avis du confrère désigné par la Direction des services vétérinaires de l’époque. Dans le cas en question, il s’agissait pourtant de deux bergers allemands mordeurs, donc d’une agression réelle.
Une seconde décision de cour d’appel, celle de Marseille en date du 8 juillet 2010, confirme cette approche. Elle annule un arrêté municipal d’euthanasie d’un pitbull, tenu attaché au fauteuil roulant de son propriétaire handicapé, mais ni muselé ni déclaré en mairie. Elle s’appuie pour cela sur les évaluations vétérinaires qui certifient que l’animal ne présente pas de « dangerosité particulière ». La cour insiste sur le fait que, « si l’absence de déclaration, de stérilisation et d’assurance révèle une méconnaissance par l’intéressé des obligations qui lui incombaient en tant que propriétaire d’un chien de première catégorie, elle ne caractérise pas, en elle-même, une situation de danger grave et immédiat pour les personnes et les animaux domestiques ». Malheureusement, dans ce cas, l’animal avait été euthanasié sans délai.
Alors que selon l’article L.211-11, paragraphe 2, un tel chien est réputé présenter un danger grave et immédiat, la cour considère qu’il s’agit d’une présomption simple, supportant la preuve du contraire, et non d’une présomption irréfragable. Les preuves en question sont, là encore, les certificats établis par des vétérinaires.
En la matière et dans les deux cas, les juges ont apprécié le danger in concreto, c’est-à-dire le risque réel présenté par le chien au moment de la demande d’euthanasie, et ont décidé en proportionnalité.
Dans une décision du 6 août 2008, le Conseil d’Etat considère que, lorsqu’il y a un doute émis par l’une des parties sur la réalité de l’infraction – dans le cas étudié, sur l’appartenance d’un chien à l’une des catégories –, le tribunal des référés se doit de suspendre un arrêté municipal de façon à laisser le temps à la justice de trancher sur le fond. D’autant plus si l’arrêté décide de l’euthanasie de l’animal, acte par définition irréversible.
Cependant, en septembre 2009, la cour d’appel de Metz retire le droit d’hébergement de son fils à un père, qui vit chez ses parents propriétaires d’un pitbull, avec comme seule raison que l’animal étant de première catégorie, sa présence « n’apparaît guère compatible avec celle d’un jeune enfant ; que cet animal est susceptible de constituer un danger pour l’enfant, la circonstance qu’il soit déclaré en mairie et assuré n’enlevant rien au caractère de dangerosité ». Il faut rappeler qu’à cette date, les évaluations comportementales existent depuis plus d’un an, mais il n’y est pas fait référence.
Au travers de ces quelques jurisprudences, nous voyons poindre, sans laxisme des tribunaux, un recadrage des pouvoirs des maires dans l’application de la loi. Si ces décisions avaient été utilisées plus tôt, il est probable qu’elles auraient sauvé la vie de nombre de chiens.
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