Antibiotiques et homéopathie ont une efficacité comparable pour des affections sans gravité

Le traitement actuel des mammites comporte majoritairement une antibiothérapie. L’usage des antibiotiques est cependant de plus en plus controversé avec le développement de l’élevage biologique (sans oublier la fréquence croissante des résistances). En effet, la réglementation européenne impose aux “éleveurs bio” trois traitements par molécule de synthèse au maximum au cours d’une même lactation. Par conséquent, l’homéopathie, la phytothérapie et l’aromathérapie voient parallèlement leur utilisation en élevage augmenter. Mais qu’en est-il de leur efficacité ?

Il est souvent reproché à l’homéopathie son manque d’essais cliniques randomisés. Des chercheurs allemands se sont penchés sur le sujet. Entre mai 2003 et octobre 2005, ils ont comparé un protocole thérapeutique fondé sur l’homéopathie à un autre, plus classique, utilisant une antibiothérapie. Leur étude⁽¹⁾ porte sur une population de cent trente-six vaches laitières atteintes de mammites mineures et modérées causées par des germes de l’environnement, soit cent quarante-sept quartiers affectés. Des essais cliniques randomisés ont été mis en place en accord avec les exigences de l’European Agency for the Evaluation of Medicinal Products (Emea, 2003). Les mammites cliniques mineures et modérées retenues pour ce travail sont définies comme telles : atteintes inflammatoires avec ou sans modification de la qualité macroscopique du lait. Une préétude a été réalisée pour connaître les statuts bactériologiques de chaque vache. Une bactériologie positive est notée pour quatre-vingt-onze des cent quarante-sept mammites. Les germes majoritaires sont des streptocoques à esculine positive (42 %), des staphylocoques à coagulase négative (21 %) et E. coli (18 %). Les vaches qui présentent une ou plusieurs mammites associées à une hyperthermie, à une chute de production, à des signes systémiques, à des lésions du trayon, ou infectées par des germes pathogènes contagieux sont systématiquement exclues de l’étude.

L’abandon du traitement antibiotique a été nécessaire pour 15 % des vaches

Trois lots de vaches sont déterminés de manière aléatoire. Le premier est traité par homéopathie (cinquante-huit mammites), le deuxième par antibiothérapie (quarante-huit mammites) et le dernier, groupe témoin (quarante-trois mammites), reçoit un placebo.

Différents points sont étudiés : l’état général, celui du quartier affecté après la traite (avec un score de 0 à 10 pour mesurer l’inflammation) et les sécrétions lactées (note de 0 à 6). Un contrôle de la production laitière et un décompte des cellules somatiques mensuels sont également effectués.

Le traitement homéopathique consiste en l’application de la théorie des semblables de Hahnemann. Il est adapté à chaque bovin et fondé en premier sur l’anamnèse (avec la prise en compte de tous les signes antérieurs de maladie, le comportement ainsi que le climat rapportés par l’éleveur) et, dans un second temps, sur l’évolution clinique. Phytolacca decandra, Bryonia alba, Pulstilla pratensis et Mercuris solubilis (aux dilutions D6 et D12) sont majoritairement utilisées. L’antibiothérapie est raisonnée et adaptée au prélèvement bactériologique réalisé au cours de la préétude. Le traitement de base est la cloxacilline par voie intramammaire, ou une autre molécule de première intention si les germes identifiés ne sont pas sensibles ou s’ils sont résistants à la cloxacilline. En deuxième intention, un antibiotique à large spectre (cefquinome le plus souvent) est administré.

Un cross-over est mis en place entre les trois groupes. Les vaches qui ne répondent pas à l’homéopathie rejoignent le lot antibiothérapie, et inversement pour celles dont l’antibiothérapie reste sans effet (mais seulement si la bactériologie initiale est négative). Au cours de l’étude, 26,5 % des vaches changent de section. Cinq jours après le début du traitement, 46,5 % des bêtes du lot placebo ont quitté le groupe. En revanche, seulement 20,7 % des bovins qui reçoivent un traitement homéopathique et 15,2 % des animaux placés sous traitement allopathique bénéficient d’un cross-over.

Même si les résultats sont comparables, des nuances restent notables

Les résultats des deux protocoles thérapeutiques mettent en évidence des taux de guérison comparables et une réduction du nombre de cellules somatiques significative par rapport au groupe placebo (p < 0,01). Les mammites bactériennes traitées par homéopathie présentent des taux de guérison incontestablement différents de ceux du lot placebo sur le long terme (p = 0,03, au jour 56). Des nuances sont à relever : l’antibiothérapie permettrait une meilleure réduction de la floculation du lait et une diminution nette de la quantité de germes, contrairement à l’homéopathie qui constituerait une “thérapie de régulation”, mise en place sur le long terme et qui stimulerait l’activité immunitaire sans réduire directement la taille de la population bactérienne.

L’efficacité du traitement par homéopathie peut être considérée comme similaire à celle de l’antibiothérapie dans le cas particulier de ce type de mammites. Il convient néanmoins de noter que la mise en œuvre d’une telle thérapeutique nécessite une bonne analyse des données de l’anamnèse pour être adaptée et active. Cela est moins fondamental lors de l’utilisation des antibiotiques dont le choix est déterminé soit par l’épidémiologie connue de l’élevage, soit via un examen bactériologique.

• (1) C. Werner, A. Sobiraj, A. Sundrum : « Efficacy of homeopathic and antibiotic treatment strategies in cases of mild and moderate bovine clinical mastitis », Journal of Dairy Research, 2010, vol. 77, pp. 460-467.