L’infection à Brachyspira spp. chez les volailles est une maladie émergente - La Semaine Vétérinaire n° 1439 du 25/02/2011
La Semaine Vétérinaire n° 1439 du 25/02/2011

Filière avicole

Formation continue

FILIÈRES

Auteur(s) : Karim Adjou*, Khaled Kaboudi**

En cas de performances insuffisantes reliées à un certain nombre d’observations sur les animaux, une brachyspirose peut être suspectée, notamment dans les élevages au sol.

En 1986, F.G. Davelaar et coll. isolent des brachyspires à partir de la muqueuse cæcale de poules pondeuses qui présentent une diarrhée. Ces auteurs réussissent à reproduire l’infection en inoculant ces brachyspires à des poulettes âgées de dix semaines. Un an plus tard, I.B. Griffiths et coll. (1987) décrivent les mêmes observations chez des poulettes en Grande-Bretagne. Depuis, l’isolement de brachyspires intestinaux est rapporté dans de nombreux pays du monde, notamment l’Australie, l’Angleterre, la France, les Etats-Unis, l’Italie, l’Iran, etc. Cela en fait une entité pathologique émergente ces dernières années.

Brachyspira pilosicoli peut survivre jusqu’à deux cent dix jours dans les fèces

Les volailles s’infectent principalement par la voie féco-orale. Toutefois, un ensemble de vecteurs contribuent à la dissémination de la maladie, comme les rongeurs, les mouches, les insectes, les oiseaux sauvages. En outre, le porc constitue une source potentielle de brachyspires pathogènes pour les volailles. Cela peut expliquer l’apparition de la maladie dans les poulaillers situés à proximité des porcheries.

Au niveau de l’élevage, la litière, l’eau, l’aliment et le matériel souillé par les fientes représentent également des sources potentielles de contamination. La résistance des brachyspires dans l’environnement n’est pas négligeable. Brachyspira pilosicoli peut survivre jusqu’à deux cent dix jours dans les fèces, ce qui explique en partie la recontamination des poules élevées au sol (D.E. Swyane et coll., 1992). De même, l’infection peut provenir des eaux stagnantes où Brachyspira pilosicoli résiste pendant deux mois à + 4 °C (S.L. Oxberry et coll., 1998).

Des symptômes peu spécifiques qui rendent le diagnostic clinique délicat

Après une période d’incubation variable (de quelques jours à trois semaines), les brachyspires sont à l’origine d’une infection subaiguë à chronique, dont les manifestations cliniques et lésionnelles restent peu spécifiques. Cela rend le diagnostic plutôt délicat, surtout en présence d’infections concomitantes.

La suspicion devient plus aisée lorsque plusieurs signes et lésions sont observés conjointement :

– une chute de ponte sans déformation de la coquille (entre 5 et 10 %, notamment en ce qui concerne B. pilosicoli et B. intermedia). Souvent, la courbe de ponte ne remonte pas significativement, comme cela est classiquement observé après un passage viral. Elle persiste en dessous du standard pendant plusieurs semaines, voire sur toute la durée de ponte en l’absence de traitement (D.G.S. Burch et coll., 2006, voir graphique). Une situation qui se complique d’autant plus que les brachyspires peuvent persister chez les poules infectées jusqu’à six à neuf mois (R.M. Dwars et coll., 1991) ;

– un taux anormal d’œufs souillés : les souillures ont lieu au moment du passage de l’œuf au niveau du cloaque ou via la litière humidifiée par les déjections. Une réduction de la taille des œufs est notée, au point que cela empêche leur éclosion. Par ailleurs, la diminution du taux de carotène, constatée lors d’infection par B. intermedia, influe sur la teinte du jaune des œufs qui prennent une couleur pâle ;

– des diarrhées avec des fientes liquides, mousseuses, et dont le taux de lipides apparaît nettement augmenté (R.M. Dwars et coll., 1991) ;

– un retard de croissance, remarquable chez les volatiles infectés dans l’élevage et même chez les poussins issus des œufs de reproducteurs atteints de brachyspirose (R.M. Dwars et coll., 1993) ;

– une diminution du poids vif associé à des signes de malabsorption intestinale et à une moindre efficacité de conversion alimentaire (augmentation de l’indice de consommation).

– un mauvais plumage avec un défaut d’emplumement.

– un retard de maturité sexuelle chez les poulettes futures pondeuses.

A l’autopsie, il y a peu ou pas de lésions. Les seules constatations se résument parfois à une pâleur de la carcasse et à une typhlite avec un contenu cæcal mousseux.

Au niveau environnemental, la litière est humide et dégradée.

La PCR est la plus discriminante pour rechercher et distinguer les brachyspires

L’isolement et l’identification des brachyspires se font à partir de différents types de prélèvements, dont les fientes (cæcales et/ou intestinales). Au laboratoire, plusieurs techniques sont envisageables.

L’observation microscopique par contraste de phase est un examen simple, mais qui ne permet pas de déterminer l’espèce bactérienne. Utilisée seule, la microscopie présente un intérêt limité, d’autant qu’il existe des espèces de brachyspires sans pouvoir pathogène reconnu et fréquemment retrouvées dans les cæcums des volailles, comme Brachyspira innocens.

La culture du germe est une technique bien maîtrisée. Malgré tout, elle nécessite des milieux spéciaux et reste longue (trois à cinq jours) et peu discriminante pour l’espèce. L’identification biochimique des bactéries peut faire appel à des galeries.

Les examens histopathologiques sont effectués sur des coupes de cæcums et mettent en évidence des brachyspires dans la lamina propria, entre les cellules épithéliales et/ou dans les cryptes. Cependant, il n’est pas possible de distinguer les espèces pathogènes des non pathogènes.

La réaction de polymérisation en chaîne (PCR) est l’un des meilleurs outils actuels. Alliant rapidité, sensibilité et spécificité pour mettre en évidence les espèces majeures, la PCR permet de les rechercher directement dans les fèces ou les écouvillonnages cloacaux, ce qui réduit le temps d’analyse de plusieurs jours à quelques heures. Il existe actuellement un test PCR triplex (Brachytest®) destiné à mettre en évidence spécifiquement les trois espèces de brachyspires les plus virulentes. Toutefois, une PCR simplifiée peut aussi être utilisée, mais elle est limitée à la recherche de B. pilosicoli et B. intermedia, les deux espèces les plus impliquées chez les poules. Sur des prélèvements de fientes, une étape de lavage est souvent nécessaire pour éliminer les inhibiteurs du matériel génétique bactérien, notamment l’acide urique mêlé aux fèces chez les oiseaux (N.D. Phillips et coll., 2006).

L’électrophorèse sur champ pulsé permet le typage des souches de Brachyspira spp. et l’étude de la diversité génétique entre les bactéries isolées chez les différentes espèces animales et chez l’homme (T. Rasback et coll., 2007).

La prévention des brachyspiroses est plus économique que leur traitement

Différentes molécules permettent de traiter les brachyspiroses, telles que l’oxytétracycline, la lincomycine, la spiramycine et la tiamuline. Cependant, le traitement reste limité (obligations réglementaires) par le choix restreint des molécules médicamenteuses utilisables, particulièrement chez les poules pondeuses dont les œufs sont destinés à la consommation humaine.

L’administration de la bacitracine zinc (100 ppm), associée ou non à un traitement par la tiamuline (25 mg/kg de poids vif) pendant cinq jours, permet la réduction de la colonisation intestinale par les brachyspires chez les pondeuses infectées expérimentalement par B. intermedia (D.J. Hampson et coll., 2002a). Ce même résultat peut être obtenu lorsque la bacitracine zinc est incorporée, avec des enzymes (Avizyme®1302), dans l’alimentation des poules pondeuses (D.J. Hampson et coll., 2002b).

Etant donné la résistance des brachyspires dans le milieu extérieur, la prévention des brachyspiroses passe par la qualité de la désinfection du bâtiment, des parcours et de l’eau d’abreuvement. Dans le système en cages, il est impératif de mettre en place un programme rigoureux de lutte radicale contre les mouches, dont la prolifération est plus importante que dans les autres systèmes.

En outre, M.M. Amin et coll. (2009) ont récemment mené un essai de vaccination à l’aide d’un autovaccin chez des poules pondeuses infectées expérimentalement par B. intermedia. Mais les résultats de cette vaccination ne sont guère encourageants.

  • Voir la bibliographie de cet article sur le site WK-Vet.fr, rubrique “Semaine Vétérinaire”, puis “Compléments d’article”.

L’agent pathogène

Les brachyspires sont des bactéries assimilées Gram négatif, hélicoïdales, anaérobies ou micro-aérophiles, non sporulées, extrêmement mobiles grâce à la présence de flagelles périplasmiques. Cela permet de les déceler à l’examen microscopique où elles apparaissent animées d’un mouvement ondulatoire continu (voir photo ci-contre). Plusieurs espèces sont pathogènes pour les oiseaux, d’autres dénuées de virulence. Brachyspira intermedia, Brachyspira pilosicoli et Brachyspira alvinipulli sont les plus pathogènes chez les volailles (voir tableau).

K. A. et K. K.
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