Infection à Bordetella bronchiseptica
Formation continue
ANIMAUX DE COMPAGNIE
Auteur(s) : Agnès Faessel
Cette affection canine n’est pas uniquement reliée à la vie en collectivité, mais également à la simple proximité de congénères.
L’appellation “toux de chenil” est inadaptée à l’épidémiologie de la maladie, qui concerne les chiens ayant des contacts réguliers avec des congénères, et pas seulement ceux qui vivent en collectivité. Il apparaît plus approprié de la nommer trachéobronchite infectieuse canine, comme le font les Anglo-Saxons, qui l’ont baptisée canine infectious tracheobronchitis. Cette nouvelle appellation devrait favoriser son diagnostic et sa prévention. Car si la toux de chenil est bien connue des éleveurs, des pensions et des refuges, elle l’est beaucoup moins des propriétaires. Elle est aussi trop souvent négligée dans le diagnostic différentiel du vétérinaire confronté à un cas de toux chez un chien adulte, par exemple.
Pour mieux appréhender la maladie, le laboratoire Intervet a réuni autour d’une table ronde des experts et des praticiens. L’étiologie, l’épidémiologie et le contrôle de cette trachéobronchite infectieuse du chien ont été discutés.
Si des incertitudes subsistent sur l’étiopathologie de la maladie, il est reconnu que Bordetella bronchiseptica en est l’agent primaire et principal. « Dans cette affection, à l’image d’autres complexes respiratoires infectieux, les bactéries étaient supposées intervenir comme des agents de surinfection virale, reconnaît Séverine Boullier (ENV de Toulouse). Il est désormais admis que Bordetella bronchiseptica est ici un agent infectieux primaire, et d’importance majeure. » L’étiologie n’en associe pas moins d’autres agents infectieux (notamment des virus, dont le para-influenza canin). La maladie est également favorisée par des facteurs environnementaux et individuels (le stress, l’humidité et la température extérieures, une baisse des défenses immunitaires, etc.).
B. bronchiseptica est une bactérie Gram négatif, extracellulaire, mobile grâce à son flagelle, qui autorise une colonisation profonde du tractus respiratoire. Trois adhésines lui permettent de se fixer à l’épithélium cilié, mais ce sont les toxines qu’elle excrète qui sont à l’origine des symptômes cliniques et des mécanismes immunomodulateurs lui permettant d’échapper aux défenses immunitaires de l’hôte (inhibition des activités bactéricides des granulocytes neutrophiles, modification du profil de la réponse immunitaire initiée par les cellules dendritiques). La fonction de phagocytose des macrophages n’est pas activée. Au contraire, ceux-ci deviennent sensibles à l’infection, offrant à la bactérie devenue intracellulaire la possibilité de survivre et de se multiplier à bas bruit. L’infection devient chronique. La modulation de la réponse immunitaire spécifique favorise également les infections virales, qui provoquent des formes compliquées (infections profondes mucopurulentes). Même si l’inverse demeure possible, il apparaît évident qu’une vaccination contre le virus para-influenza canin ne permet pas de protéger le chien contre la trachéobronchite infectieuse, mais plutôt contre la surinfection virale.
A ce jour, l’importance de la forme intracellulaire de B. bronchiseptica est méconnue, tant sur l’aspect de la persistance de l’infection que concernant son éventuelle implication dans la pathogénie de la maladie. Des infections de longue durée (jusqu’à soixante-dix jours) sont décrites. L’existence de porteurs sains est possible, mais non démontrée. En pratique, cette évolution de l’infection vers la chronicité se manifeste par des symptômes moins marqués, mais elle n’empêche pas le diagnostic étiologique (par polymerase chain reaction ou culture bactérienne). Ce dernier, rarement effectué, est souvent réservé aux formes compliquées ou prolongées.
Le plus souvent, le diagnostic est établi à partir des observations cliniques et du contexte épidémiologique. Cliniquement, la trachéobronchite infectieuse se manifeste par une toux forte, sèche et quinteuse. Alarmante pour le propriétaire, elle motive rapidement la consultation vétérinaire. Elle peut être associée à une dysorexie et à des expectorations.
La bactérie est présente dans les excrétions nasales. Elle se transmet aisément entre chiens par contact direct (son éventuelle transmission indirecte est scientifiquement possible, mais non démontrée). Elle est donc souvent associée aux collectivités (élevages, refuges, meutes, etc.) ou aux rassemblements canins (expositions, concours, chasse). Mais le contact occasionnel avec un animal infecté suffit à la contamination. Jean-Luc Cadoré(VetAgro Sup) mentionne ainsi les épizooties annuelles observées chez les chiens des étudiants vétérinaires qui partagent le campus de l’école de Lyon. D’après une étude réalisée auprès de cent praticiens français, 60 % des cas concernent des chiens qui vivent hors d’une collectivité, dont un tiers sont “tout venant”, en contact avec des congénères lors de leurs sorties (étude Stéthos, 2010). Des épizooties “de quartier” sont ainsi rapportées : un premier chien infecté contamine celui du voisin, puis l’infection atteint progressivement les congénères environnants qui fréquentent les mêmes trottoirs. Les chiens sont sensibles à la maladie à tout âge, mais les chiots présentent souvent une symptomatologie plus grave.
« Emprisonnés par l’appellation “toux de chenil” » , les praticiens reconnaissent qu’ils n’envisagent pas l’hypothèse d’une trachéobronchite infectieuse chez un chien de particulier, adulte, qui ne sort qu’en promenade. « La maladie est sans doute sous-diagnostiquée. »
Chez le chien, il n’existe pas de protocole standard pour traiter la trachéobronchite infectieuse. En pratique, le traitement usuel fait appel aux antibiotiques (amoxicilline/acide clavulanique, céfalexine, doxycycline, éventuellement des quinolones en seconde intention), parfois associés à des anti-inflammatoires (plutôt des corticoïdes). L’usage d’antitussifs et l’aérosolthérapie ne sont pas courants.
Les signes cliniques persistent fréquemment plusieurs semaines, même après l’instauration du traitement. L’antibiothérapie est ainsi prescrite sur de longues durées, « au moins durant trois semaines, plus une semaine après l’arrêt des symptômes », selon l’expérience des participants. Un schéma qui paraît difficile à respecter par le propriétaire, et coûteux.
La maladie peut en outre évoluer vers une forme compliquée, avec atteinte pulmonaire profonde et risque de mortalité. En cas d’évolution favorable, le chien pourrait demeurer une source de contamination pour ses congénères (en raison de la persistance de la bactérie sous forme intracellulaire). L’existence d’un portage sain est suspectée, mais non évaluée à ce jour.
Pour prévenir l’infection, les mesures d’hygiène se limitent à éviter les contacts entre chiens. La vaccination constitue la mesure la plus efficace, à condition de cibler l’agent principal de la maladie : Bordetella bronchiseptica. « Il ne faut pas cocher la case “toux de chenil” sur le carnet de santé si le chien reçoit uniquement un vaccin combiné CHPPi, recommande Pétra Rouch-Buck (ENV de Toulouse). On ne peut laisser croire au propriétaire que son chien est protégé en le vaccinant contre le virus para-influenza seul ! »
La vaccination n’est pas difficile à accepter par le maître, dès lors que la maladie et ses risques lui sont présentés. D’après une étude menée auprès de trois cent vingt propriétaires de chiens, 50 % se déclarent très intéressés par la vaccination, après une présentation de la maladie, voire se disent prêts à la faire réaliser (étude Stéthos, 2010). Ces personnes sont particulièrement sensibles à l’éventualité de troubles cliniques graves ou gênants pour leur chien, et au risque de contagion. Le système respiratoire est jugé comme vital et son atteinte inquiète. La durée et le coût du traitement sont également des arguments en faveur de la vaccination. « Le prix du vaccin n’est pas un facteur de refus », affirme Pétra Rouch-Buck. Son observation se confirme dans l’étude, qui montre qu’un surcoût de 20 € est accepté par 75 % des sondés.
Aujourd’hui, le marché de la vaccination contre la trachéobronchite infectieuse est dominé par les vaccins administrés par voie intranasale, qui représentent les deux tiers des ventes.
Selon les participants de la table ronde, tous les chiens ne présentent pas le même risque d’infection. La vaccination est plutôt destinée à ceux qui ont des contacts réguliers, mais pas forcément fréquents, avec des congénères (exposition, séjour en pension, chasse, cours d’éducation ou d’agility, promenades à l’extérieur, etc.) ou qui voyagent, en raison du stress occasionné et des rencontres possibles avec des animaux de statut sanitaire inconnu. Au service de médecine préventive de l’école de Toulouse, toute consultation débute par le recueil de données épidémiologiques et médicales, fondé sur un questionnaire standardisé qui permet de déterminer les risques auxquels le chien est confronté. Les conseils de prévention et le protocole de vaccination sont individualisés. « Cette démarche est valorisante pour le vétérinaire et répond aux attentes des clients, explique Pétra Rouch-Buck. Selon notre consœur, environ un tiers des chiens présentés en consultation méritent une vaccination contre la trachéobronchite infectieuse canine. Et pour Séverine Boullier, la vaccination pourrait même être systématisée chez le chiot.
Dans sa communication grand public, Intervet parle de coqueluche du chien. Chez l’homme, en effet, l’agent de la coqueluche est une autre bordetelle : Bordetella pertussis. Son tropisme est strictement humain et, après l’infection, le tableau clinique évolue suivant trois phases :
– catarrhale (durant sept à quatorze jours) ;
– paroxysmique (deux à huit semaines) avec des complications possibles ;
– convalescence (au moins deux semaines). Après la guérison bactérienne, des séquelles subsistent parfois, augmentant la gravité des affections respiratoires à venir. La coqueluche peut aussi être fatale. Il n’existe pas de portage chronique.
D’un point de vue clinique, les deux maladies présentent des similarités qui autorisent leur comparaison. Internet espère que la sensibilisation des propriétaires de chiens sera plus efficace en parlant de coqueluche du chien, plutôt que de trachéobronchite infectieuse.
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