Conseil de l’Ordre et syndicat : même combat ? - La Semaine Vétérinaire n° 1441 du 11/03/2011
La Semaine Vétérinaire n° 1441 du 11/03/2011

Instances représentatives. Conflit d’intérêt

Actualité

Auteur(s) : Nicolas Fontenelle

Faute d’effectifs ou de motivation des candidats potentiels, certains praticiens sont à la fois élus de l’Ordre et du Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral.

Bonnet blanc et blanc bonnet », « ce sont toujours les mêmes têtes », « qui fait quoi », « tous dans le même panier de crabes… » Qui n’a jamais prêté l’oreille, dans une réunion ou un congrès, à ces petits commentaires mi-acerbes, mi-amusés, sur les représentants syndicaux et ordinaux présents ? Cela reste l’exception, certes.Mais nous l’avons suffisamment entendu au cours de ces derniers mois pour finir par poser franchement la question sur notre site Internet (voir graphique). Résultat, porter à la fois les couleurs du Conseil de l’Ordre et celles du Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL) ne va pas de soi pour celles et ceux qui nous ont répondu : il s’agirait même d’un conflit d’intérêt.

Selon l’Ordre, la moitié de ses élus adhéreraient ausyndicat.Selonnoscalculs,issusde l’Annuaire Roy, treize délégués départementaux du SNVEL figurent parmi les élus ordinaux. L’un deux siège même au conseil d’administration du syndicat. « Lorsqu’un élu d’un conseil régional ordinal (CRO) signe une tribune ou prend publiquement la parole alors qu’il est également responsable local du syndicat, les vétérinaires, voire les clients, peuvent légitimement se demander au nom de qui il parle et qui dicte, au fond, sa position », reconnaît Michel Baussier, président du Conseil supérieur de l’Ordre.

Si l’Ordre et le syndicat ont des positions divergentes, quelle attitude adopter ?

Les mêmes questions sont d’ailleurs susceptibles de se poser avec les membres d’autres organisations, comme l’Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie (Afvac) ou les Groupements techniques vétérinaires (GTV). Se couvrir d’une double casquette ne porte-t-il pas à confusion lors des négociations avec les instances locales (mairies, conseils généraux, directions des services vétérinaires, etc.) Qui parle Et si les positions officielles divergent entre l’Ordre et le syndicat sur un sujet précis, quelle attitude adopter

« Cette histoire de conflit d’intérêt est sans fondement, rétorque de son côté Pierre Buisson, président du SNVEL. Où serait l’enrichissement personnel, le pouvoir excessif acquis par la malhonnêteté La double casquette de certains confrères ne me pose pas de problème. Nos missions de proximité sont complémentaires. Les élus ordinaux et syndicaux rendent un service à la profession. On ne demande pas aux conseillers prud’homaux à quels syndicats ils sont inscrits. »

Mais le risque de confusion est bien là. L’Ordre en a fait la démonstration par l’absurde avec la cotisation ordinale “société”, à laquelle le syndicat s’est toujours opposé. Pour décider de la maintenir ou non, l’Ordre a fait voter individuellement l’ensemble de ses conseillers. Deux tiers s’y sont montrés favorables. La cotisation a donc été maintenue.Le syndicat a protesté, maisl’Ordreluia fait remarquer que, puisque la représentation syndicale est en proportion plus forte parmi les élus des conseils régionaux qu’au niveau national pour l’ensemble des vétérinaires, le SNVEL avait de fait entériné la cotisation “société”. Retors ? Peut-être. Mais, en tout cas, symptomatique.

La ligne qui sépare les deux instances est bel et bien poreuse

Au-delà de l’anecdote, la question de l’impartialité se pose lorsque la responsabilité ordinale se double d’une responsabilité syndicale. Sans revenir à l’interdiction, jadis, d’appartenir aux deux entités, Michel Baussier aimerait, à l’avenir, tendre vers une ligne de partage plus marquée. « Plus de séparation pour plus de transparence, avance-t-il. La liberté syndicale doit être respectée. Un élu ordinal peut parfaitement être syndiqué. Je l’étais moi-même avant de prendre la présidence de l’Ordre. Mais je considère qu’un élu ordinal, local ou national, ne peut occuper dans le même temps une responsabilité syndicale avec un pouvoir de décision. » Difficile de faire de ce principe une loi d’airain tellement il est ardu, dans certaines régions, de trouver suffisamment de candidats pour les deux institutions. Et c’est là que le bât blesse. Perte de confiance, crise d’identité, individualisme ? Les candidatures s’arrachent au forceps. « Nous avons tous des difficultés à trouver des candidats, remarque Pierre Buisson. Ce n’est pas nouveau. La profession est numériquement trop faible. Mais nous avons parfois d’agréables surprises. Les candidatures fleurissent là où on ne les attendait plus. Malgré tout, je crois que nous faisons beaucoup mieux qued’autres.Je me souviens avoir écrit à l’Ordre régional des pharmaciens et d’avoir reçu une réponse du syndicat ! En région, ils sont hébergés dans les mêmes locaux, c’est la confusion la plus totale. »

Cependant, la porosité des lignes entre les deux instances existe bel et bien. A tel point qu’il est possible de se demander parfois si l’Ordre et le syndicat ne jouent pas la même partition ou si l’un ne marche pas sur les plates-bandes de l’autre. Bref, la confusion des genres. « Le syndicat doit défendre les intérêts matériels de chaque vétérinaire, estime Michel Baussier. Il intervient, par exemple, dans la défense juridique d’un de ses membres, parfois même contre une décision que nous avons prise. Notre mission est tout à fait différente. Nous sommes au service de l’usager en assurant la qualité du service rendu. On peut également faire un partage des rôles entre l’économie et l’éthique. »

« Certes, il existe une certaine confusion dans l’esprit des confrères sur nos missions respectives, admet Pierre Buisson. Ils pensent parfois qu’en réglant leur cotisation ordinale, ils bénéficient d’une assistance juridique… Sur le fond, nous avons une approche économique, pratique des dossiers. Sur la radioprotection par exemple, l’Ordre s’intéresse à l’aspect législatif tandis que le syndicat se lance, lui, sur la formation des praticiens. Mais nous avons aussi des désaccords avec l’Ordre. Il y a eu, dans un passé récent, des conflits sur la délégation des actes, l’encadrement des auxiliaires vétérinaires ou la réforme des études. Pour autant, nous nous attachons à montrer une certaine unité. Nous gardons nos divergences pour nous. »

Ne pas faire de vagues, donc, afin de protéger l’image de la profession à l’extérieur. Formidable. Mais cette unité de façade et ces désaccords mis sous le boisseau finissent peut-être par donner, au sein de la profession, cette impression d’uniformité dont on sait, depuis le fabuliste Antoine Houdar de la Motte, qu’elle fait naître l’ennui. Et le désintérêt.

Ce qu’ils en disent

La double casquette est inévitable

Trop peu de vétérinaires s’engagent pour la profession. Dans notre département, il a été impossible d’arriver à trouver un confrère ou une consœur (en dépit d’un courrier et d’appels téléphoniques afin de motiver les troupes) pour que ce ne soit pas la même personne qui porte les deux casquettes. Car c’est dommageable pour la représentativité de la profession dans les différentes réunions avec le conseil général, la Société protectrice des animaux, les éleveurs, les services vétérinaires, etc. Pendant des années, Marc Herrou (du syndicat) et moi-même (de l’Ordre) avons fait tout notre possible pour représenter à deux la profession. Dans les réunions départementales (mairie, département, DSV de région, etc.), quand il y a deux représentants différents, l’écoute en face est meilleure. Quant au conflit d’intérêt, tout dépend de l’éthique du représentant, mais dans le cas de notre secteur, c’est sans problème avec Pierre Bonnemaison (délégué SNVEL des Pyrénées-Orientales) et membre du CRO.

Patrick Lossois

Ordre ou syndicat : à qui faire confiance ?

L’Ordre devrait garantir et faire respecter les valeurs fondamentales. Le syndicat devrait négocier l’avenir en douceur. Entre les deux s’articule le maillon des enseignants qui devrait soigner les nouvelles graines et les préparer àune profession qui, je l’estime, est grandiose. Mais comme detrop nombreux confrères, j’aisubi la vermine qui s’infiltre chez nous depuis quelques années, assistée par les Prud’hommes, et qui menace le caractère libéral de notre profession. Beaucoup de praticiens ont fermé leur porte et leur savoir aux jeunes qui les assimilent à de vulgaires patrons exploiteurs. Et que font ces instances qui nous gouvernent ? Voilà ce qu’elles ont fait dans un cas exemplaire : le Conseil supérieur de l’Ordre a désavoué la condamnation régionale d’un salarié qui avait planté son formateur aux Prud’hommes, et un représentant SNVEL l’a réembauché derrière. Alors, vers qui se tourner, en qui avoir confiance ? Notre profession est fragile, aucun de nous ne doit oublier ses valeurs, ses attaches, ses amis et ses ennemis, pour la faire évoluer.

Jean-Claude Jestin
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