Endocrinologie comparée
Formation continue
ANIMAUX DE COMPAGNIE
Auteur(s) : Eva Baty
Les deux espèces présentent des différences dans la pathogénie, l’expression clinique, le diagnostic et le traitement de cette dysendocrinie.
Le diabète sucré, qui correspond à un état d’hyperglycémie chronique, est une dysendocrinie fréquente chez le chien et le chat. Son incidence est estimée à dix à vingt cas pour dix mille chiens et chats confondus. Par analogie avec la médecine humaine, deux types de diabète sont distingués chez le chien et le chat : les diabètes primaires (non liés à une autre maladie préexistante) et les secondaires (consécutifs à une autre affection ou à l’administration de médicaments hyperglycémiants).
Chez le chien, il existe une part d’ombre concernant les mécanismes incriminés dans la survenue des diabètes sucrés primaires. Les formes juvéniles, rares, sont la conséquence d’une hypoplasie des îlots de Langerhans. Un cas d’insulinite (destruction auto-immune) est décrit. Les formes adultes, majoritaires, sont rapprochées du diabète de type1 de l’homme, car un défaut de sécrétion insulinique (diabète insulinonécessitant) est noté lors du diagnostic. Pourtant, contrairement à la forme humaine, l’implication d’auto-anticorps “anti-cellules bêta” n’est pas prouvée. Une origine génétique est également suspectée sur la base de prédispositions raciales et de formes familiales, notamment chez le spitz loup. Les formes adultes sont donc probablement multifactorielles, mais tout reste à prouver.
Chez le chat, les formes juvéniles par hypoplasie des îlots de Langerhans sont rares elles aussi. La physiopathologie du diabète sucré primaire du chat adulte apparaît, à l’inverse du chien, proche du diabète de type 2 chez l’homme, et comprend des facteurs de risque identifiés (sédentarité, obésité, prédispositions génétiques, sécrétion d’amyline à l’origine des dépôts amyloïdes pancréatiques). Au moment de la découverte du diabète, un défaut de sécrétion insulinique et une insulinorésistance coexistent chez le chat. La particularité majeure du chat diabétique, sans équivalence chez le chien, est la glucotoxicité (baisse des capacités de sécrétions de l’insuline par les îlots de Langerhans) lors d’hyperglycémie chronique. Cette baisse de sécrétion est réversible dans un premier temps, puis elle devient irréversible. Le clinicien ne dispose d’aucun moyen de déterminer, au moment du diagnostic, quelle est la part de “cellules endormies” et d’estimer les capacités de récupération de sécrétion en insuline. « Il est judicieux d’annoncer aux propriétaires 30 à 50 % de chance de rémission sous traitement », indique Dan Rosenberg. Cette particularité explique les difficultés rencontrées pour équilibrer un diabète chez le chat.
Si, sur certains points, les diabètes sucrés du chien et du chat sont éloignés, il en existe d’autres sur lesquels ils se rapprochent. Ainsi, de nombreuses affections communes aux deux espèces peuvent être à l’origine d’un diabète sucré. Il s’agit des atteintes pancréatiques tumorales et inflammatoires (notamment les pancréatites chroniques chez le chien), des dysendocrinies (syndrome de Cushing, acromégalie), de l’obésité et de l’action de certains médicaments (corticoïdes, progestagènes, acétate de mégestrol). La prévalence de ces affections les différencie : si le syndrome de Cushing est fréquent chez le chien, il est rare chez le chat.
L’acromégalie est, quant à elle, une cause non négligeable de diabète sucré chez le félin. Elle intervient également chez la chienne en période postœstrale. Ainsi, il n’est pas rare que le diagnostic de diabète sucré soit établi dans les semaines qui suivent les chaleurs. En effet, à la suite de celles-ci, la progestéronémie augmente et entraîne une sécrétion ectopique d’hormone de croissance par le tissu mammaire. Cette sécrétion est responsable d’une insulinorésistance qui précipite ou qui déclenche l’apparition du diabète. Chez le chat, l’acromégalie est la conséquence d’un adénome hypophysaire. Elle affecte de préférence le chat mâle âgé. Il n’y a pas de sécrétion ectopique par le tissu mammaire. Par conséquent, la stérilisation est à effectuer rapidement chez la chienne diabétique, après quinze jours de traitement insulinique. A l’inverse, elle ne présente aucun intérêt dans le traitement du diabète sucré chez la chatte ou le chat diabétique.
Si l’expression clinique du diabète sucré chez le chien est caractéristique, elle n’est pas toujours aussi évidente chez le chat. Le chien diabétique présente quasi systématiquement une polyuro-polydipsie, avec une polyphagie souvent associée à un amaigrissement. Une obésité est possible dans les formes plus débutantes. L’anorexie accompagne presque exclusivement le diabète compliqué du chien.
Chez le chat diabétique, la polyuro-polydipsie n’est observée que dans trois cas sur quatre environ, et l’anorexie accompagne, autant que la polyphagie, le diabète non compliqué.
De façon commune aux deux espèces, l’hypertension artérielle et les glomérulopathies sont rares lors de diabète sucré. Si les infections urinaires et l’acidocétose sont des complications partagées par les deux espèces, il en est d’autres qui ne sont l’apanage que du chien ou du chat. Ainsi, l’apparition d’une cataracte diabétique est négligeable chez le félin, alors qu’elle est fréquente chez le chien. La plantigradie des membres postérieurs, voire des quatre pattes, est une caractéristique du chat diabétique (le premier signe d’appel est une difficulté à sauter). En revanche, les neuropathies diabétiques sont exceptionnelles chez le chien. La surcharge hépatique qui accompagne le diabète prédispose le chat au déclenchement d’une lipidose.
Par ailleurs, l’expression clinique du diabète sucré peut s’étoffer des signes cliniques de l’affection causale. Là encore, le chat et le chien trouvent certaines singularités d’expression clinique : si le syndrome de Cushing est une cause de diabète commune aux deux espèces, il présente la particularité de se manifester chez le chat par une fragilité cutanée “spectaculaire”.
L’acromégalie chez cet animal entraîne une croissance accélérée des griffes, un élargissement de la face, un prognathisme, une organomégalie abdominale (foie, rate, reins, etc.), une cardiomyopathie hypertrophique, une prise de poids, des troubles nerveux, etc. Chez le chien, les modifications morphologiques sont en général plus subtiles (élargissement de l’espace interdentaire, macroglossie, élargissement de la face).
Enfin, les pancréatites du chat sont souvent d’expression clinique moins spectaculaire que chez le chien. Rappelons que, chez le chat diabétique, les dépôts pancréatiques d’amyline génèrent probablement une hétérogénéité de l’aspect du parenchyme pancréatique, parfois difficile à distinguer des images pancréatiques collectées lors de pancréatite.
Dans le cadre d’une expression clinique évocatrice, si la découverte d’une hyperglycémie associée à une glycosurie est suffisante pour conclure à un diabète sucré chez le chien, elle l’est moins chez le chat. En effet, ce dernier a la particularité de présenter des hyperglycémies de stress qui s’accompagnent parfois d’une glycosurie transitoire. Le dosage de la fructosamine permet alors d’apprécier le caractère chronique ou non de l’hyperglycémie. Contrairement au chien, cet examen apparaît souvent incontournable dans le diagnostic de certitude du diabète sucré félin.
Pour les deux espèces, d’éventuelles complications, ainsi qu’une cause dans les cas où le diabète est d’emblée suspecté d’être secondaire, sont à rechercher.
Le traitement repose sur des mesures hygiéniques et une thérapeutique hypoglycémiante chez les deux espèces. L’objectif n’est pas l’atteinte de l’euglycémie, mais la disparition des signes cliniques, en limitant les épisodes d’hypoglycémie et la survenue de complications à long terme. Rappelons le caractère incontournable de la stérilisation chez la chienne diabétique.
Chez le chien, un régime alimentaire à haute teneur en fibres est conseillé, sous réserve d’un indice de poids corporel encore correct. Chez le chat, il n’y a pas de consensus concernant le choix, en première intention, d’une alimentation riche en fibres ou d’une alimentation riche en protéines et à teneur en hydrates de carbone basse. Certains animaux semblent mieux répondre à l’une ou l’autre de ces deux stratégies alimentaires. Cependant, il n’existe pas, à la connaissance des conférenciers, de facteur pronostique individuel permettant d’anticiper cette réponse. Chez le chien, le repas est administré à heure fixe. Une alimentation continue est souvent incontournable chez le chat et n’obère pas l’efficacité du traitement.
L’insulinothérapie est le traitement de choix du diabète chez les deux espèces. Conformément aux principes de la cascade de prescription, l’habitude est de recourir en première intention à deux injections quotidiennes d’insuline d’action prolongée porcine (0,25 à 0,5 UI/kg, deux fois par jour chez le chien et 0,25 à 0,7 UI/kg deux fois par jour chez le chat) et d’en évaluer la réponse clinique et pharmacocinétique (courbe de glycémie) après une imprégnation d’au moins une semaine.
Une fois la réponse clinique et biologique jugée convenable, des contrôles cliniques et biologiques, tous les trois mois chez le chien et tous les mois chez le chat, sont envisagés.
La glucotoxicité chez le chat rend les contrôles réguliers indispensables et nécessite de nombreux ajustements de doses, contrairement au chien. L’objectif est de détecter une diminution des besoins en insuline avant le stade de l’hypoglycémie clinique.
L’utilisation des hypoglycémiants oraux est envisageable chez le chat. L’utilisation du glipizide est relativement bien documentée dans cette espèce. « Néanmoins, son usage large ne saurait être recommandé, car il n’est efficace que dans un tiers des cas », indiquent les conférenciers.
Dan Rosenberg, Ghita Benchekroun maîtres de conférences en médecine interne à l’école vétérinaire d’Alfort.
Article rédigé d’après la conférence « Diabète sucré canin et félin : similitudes et dissemblances », présentée aux ateliers du Sud-Est de l’Afvac consacrés à l’endocrinologie, à Grasse, en octobre 2010.
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