Le divorce entre l’élevage et la société est à désamorcer par les acteurs concernés

La société a globalement une opinion défavorable vis-à-vis de l’élevage, alimentée par une transcription souvent trop simpliste de certains termes et chiffres rarement expliqués », a souligné Caroline Guinot, du Centre d’informations des viandes (CIV), lors du colloque⁽¹⁾ organisé par les étudiants ingénieurs zootechniciens de l’INP-Ensat⁽²⁾, le 17 février dernier à Castanet-Tolosan (Haute-Garonne).

Lors de cette journée, les discussions étaient centrées sur les divergences constatées entre le secteur de l’élevage et la société, de plus en plus exigeante en termes de santé nutritionnelle, de bien-être animal et d’environnement. L’une des raisons se situerait dans la représentation qu’elle se fait de l’élevage : « A travers des flashs, nous véhiculons des idées chargées émotionnellement pour faire passer un message collectif qui, bien souvent, n’a rien à voir avec le métier d’éleveur ou la filière », a expliqué Eric Ancellin, éleveur de porcs. C’est le cas de l’élevage intensif qui, en France, a une forte connotation négative, à tel point que ce terme est moins, voire plus du tout employé dans certaines filières.

La viande est un secteur particulièrement menacé par les évolutions sociétales

Grâce à un film sans parole produit et réalisé par les élèves de l’INP-Ensat dans des élevages régionaux avicoles, bovins et porcins, les participants ont pu mesurer que, selon le montage (choix des images et de la bande-son), les représentations des pratiques d’élevages peuvent être totalement opposées, et l’interprétation qu’en fait le spectateur biaisée.

Par ailleurs, l’image de l’élevage dans les médias est surtout présente au moment des crises économiques ou sanitaires. La viande est un secteur particulièrement touché par ces dernières, et il est menacé par les évolutions sociétales. « Actuellement, la consommation de viande n’est pas “tendance”, notamment dans la classe supérieure qui en consomme significativement moins souvent que la classe populaire, avec un risque de diffusion de cette désaffection par un effet d’imitation », a rapporté pour sa part Geneviève Cazes-Valette, professeur à l’Ecole supérieure de commerce (ESC) de Toulouse.

La grande distribution régit la communication selon ses propres intérêts

Les approches explicatives de leurs pratiques et la multiplication des contacts avec le public, par le biais de la vente directe ou des fermes ouvertes, témoignent des efforts consentis par les éleveurs pour se rapprocher des consommateurs et faire évoluer les idées reçues. Mais ils ne sont pas en position de force. Les rênes de la filière agroalimentaire sont tenues par la distribution, qui régit la communication selon ses propres intérêts. Les éleveurs sont marginalisés non seulement par la société, mais aussi par le secteur agroalimentaire dont ils constituent néanmoins la base.

« Il faut également tenir compte de l’érosion du budget alimentaire », a rappelé Pierre Sans, professeur de productions animales-économie à l’école de Toulouse. Certaines dépenses telles que les abonnements téléphoniques ou Internet, deviennent pour certains “incontournables”, aux dépens du budget “nourriture”, même dans les ménages modestes. Or la réponse à la demande sociétale pour des systèmes d’élevage plus durables a un coût pour l’éleveur, qui devrait être répercuté sur le prix final. Mais le consommateur est-il prêt à cet effort pécuniaire ?

Il ressort de cette journée que de nombreux acteurs des filières animales travaillent à désamorcer l’éventualité d’un divorce entre élevage et société.

• (1) « Colloque élevage et société : un divorce amorcé ? »

• INP : Institut national polytechnique de Toulouse. Ensat : Ecole nationale supérieure agronomique de Toulouse.