Il est possible de traiter lors de métastases postchirurgicales - La Semaine Vétérinaire n° 1442 du 18/03/2011
La Semaine Vétérinaire n° 1442 du 18/03/2011

Tumeurs mammaires chez la chatte et la chienne

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Gwenaël Outters

Lors d’extension pulmonaire, l’adriblastine est proposée. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens anti-cox2 et la phytothérapie peuvent être utilisés comme adjuvants.

Les tumeurs mammaires de la chienne et de la chatte diffèrent en termes de caractéristiques histologiques, de drainage lymphatique, de comportement biologique et de sensibilité à la chimiothérapie. La littérature rapporte une incidence de 41 à 63 % de tumeurs malignes chez la chienne. D’après les analyses effectuées par Patrick Devauchelle et Cécile Soyer (centre de cancérologie de Maisons-Alfort), les tumeurs mammaires canines sont malignes dans 65 % des cas. Chez la chienne, plusieurs nodules peuvent être présents sur la même chaîne. La taille de la tumeur ne présage pas de sa malignité.

La chimiothérapie adjuvante est conseillée dans 23 % des cas chez la chienne

Le grading histologique des carcinomes mammaires, établi par Scarff et Bloom(1) (voir schéma), et relayé par Marie Lagadic et Mercedes Estrada(2), propose un taux de survie postopératoire selon des caractères histologiques (différenciation cellulaire, anaplasie et nombre de mitoses) et selon la présence d’emboles (voir tableaux). En l’absence actuelle de données statistiques, de fortes présomptions cliniques indiquent la chimiothérapie pour les carcinomes de grades II et III (23 % des tumeurs mammaires de la chienne).

La diminution de l’expression des récepteurs hormonaux (proportionnelle à l’agressivité de la tumeur) et la surexpression du récepteur HER-2(3) (en cours d’évaluation chez la chienne et la chatte) sont des facteurs pronostiques qui peuvent être apportés par l’histologie.

Le ganglion inguinal est systématiquement retiré lors de la chirurgie et analysé

Chez la chatte, les tumeurs mammaires sont malignes dans 85 à 93 % des cas (dont 80 % à haut grade de malignité). Elles sont plus adhérentes et plus ulcérées que chez la chienne. Fréquemment, des emboles, voire des métastases lymphatiques ou cutanées, sont déjà présents au moment du diagnostic. Ces tumeurs présentent peu ou pas de récepteurs hormonaux et une surexpression du récepteur HER-2 reste à valider.

Chez la chienne, 70 % des tumeurs mammaires concernent les dernières mamelles. Les antérieures sont drainées par le ganglion axillaire et les postérieures par le ganglion inguinal. L’exérèse du ganglion axillaire n’est réalisée que s’il est hypertrophié. En revanche, le ganglion inguinal est systématiquement retiré et envoyé à l’histologie. Son analyse apporte une forte valeur pronostique. Chez la chatte, le drainage lymphatique n’est pas clairement établi. Les métastases ganglionnaires se situent généralement au niveau axillaire, sus-sternal, inguinal ou iliaque médial.

L’évolution biologique est différente selon les espèces. Chez la chienne, les récidives sont rares après une chirurgie correcte. Le risque métastasique est de 23 % et les métastases pulmonaires prennent plutôt un aspect en lâcher de ballons. En revanche, le risque métastasique est élevé chez la chatte et les métastases pulmonaires sont plutôt milliaires ou sur le nœud lymphatique sus-sternal.

La chirurgie est le premier geste lors de métastase ganglionnaire

Les métastases ganglionnaires sont nécessairement axillaires, puisque le ganglion inguinal a été ôté lors de la mastectomie. Un cliché pulmonaire élimine les autres causes d’adénomégalie (lymphome, métastases d’autre origine). La prise en charge consiste en l’exérèse (après un examen soigneux du tissu mammaire résiduel) et en l’analyse histologique du ganglion. Une irradiation du creux axillaire peut être proposée. La conduite est identique chez les femelles des deux espèces, même si l’apparition de métastases ganglionnaires est plus péjorative chez la chatte.

Une chimiothérapie peut être proposée lors de métastases à distance

Chez la chienne, les métastases pulmonaires apparaissent dans les six à vingt-quatre mois postopératoires lors de haut grade de malignité. L’évolution des formes nodulaires est plutôt lente et bien tolérée, à l’inverse des formes milliaires, qui sont rapidement dyspnéiques. L’évolution clinique est parfois désolidarisée de l’évolution radiologique : la radiographie ne doit pas être un motif d’euthanasie à elle seule. Un traitement de deuxième ligne, associé à un suivi pour en évaluer l’efficacité, peut être proposé.

L’adriblastine en six séances est le traitement classique. Le carboplatine est utilisé lors de contre-indication cardiaque. Les données actuelles, qui sont peu nombreuses et concernent de faibles effectifs, indiquent des survies de trois ans. L’adriblastine présente chez la chienne une toxicité cardiaque cumulative, tandis que chez la chatte elle présente une toxicité rénale cumulative. Chez cet animal, le carboplatine provoque une neutropénie plus importante que chez la chienne.

Chez la chatte, les métastases sont essentiellement pulmonaires sous forme milliaire. Leur évolution est rapide et elles sont fréquemment associées à des épanchements pleuraux. Les métastases cutanées peuvent être découvertes lors de la tonte préchirurgicale : elles contre-indiquent alors la chirurgie. Une étude(4) sur quatorze chattes présentant des métastases pulmonaires, et ayant reçu dela doxorubicine et du cyclophosphamide, montre une réponse positive dans 50 % des cas et une médiane de survie de trois mois. Chez cet animal, il est donc urgent de traiter en première ligne et de proposer des chimiothérapies rapidement. A l’avenir, la surexpression des récepteurs HER-2 pourrait ouvrir la voie des thérapies ciblées comme en médecine humaine.

Les carcinomes inflammatoires (envahissement métastatique du derme par voie lymphatique) ont une évolution extrêmement rapide et s’accompagnent d’œdème et de douleur. La chirurgie est alors absolument contre-indiquée. La cytoponction cutanée met en évidence des cellules épithéliales mammaires dans l’épaisseur de la peau. Le traitement est symptomatique : anti-inflammatoiresstéroïdiens(AINS)ounon, coxibs et/ou opiacés ou assimilés.

Coxibs et phytothérapie peuvent être proposés comme traitement adjuvant

Des récepteurs cox-2 ont été identifiés dans des tissus mammaires tumoraux (absents des tissus sains) chez les femelles des deux espèces. Ces observations justifieraient l’utilisation d’AINS anti-cox-2 en traitement palliatif, voire préventif, lors de tumeurs mammaires. De plus, la prise en charge de la douleur, en préservant les défenses de l’organisme, fait partie de la gestion thérapeutique. En phytothérapie, Viscum Album fermenté a prouvé, in vitro et chez la souris, une efficacité sur la neoangiogenèse, et éventuellement un rôle cytolytique et immunomodulateur. Il peut être utilisé sur les tumeurs mammaires de la chienne en première ligne, seul ou en soutien à la chimiothérapie.

L’apparition de métastases postopératoires ne doit pas fatalement décourager. Les traitements adjuvants sont privilégiés en première intention, car ils sont plus efficaces. Une chirurgie carcinologique, assortie d’un retrait systématique du ganglion inguinal et d’une vérification du drainage lymphatique, limite les rechutes. Le diagnostic de récidive ou d’extension métastasique et la mise en place précoce d’un traitement de deuxième intention sont permis grâce à un suivi postopératoire régulier (tous les trois mois). L’efficacité des traitements instaurés en deuxième ligne est réévaluée régulièrement par le biais de l’imagerie (scanner).

  • (1) H.J.G. Bloom et W.W. Richardson : « Histological grading and prognosis in breast cancer », Brit. J. Cancer, 1977, vol. 11, pp. 359-366.

  • (2) M. Lagadic et coll.: « Tumeurs mammaires de la chienne : critères du pronostic histologique et intérêt du grading », Rec. Med. Vet., 1990, vol. 166, n° 11, pp. 1 035-1 042.

  • (3) HER : Human Epidermal Growth factor Receptor.

  • (4) G.N. Mauldin, R.E. Matus et coll.: « Efficacy and toxicity of doxorubicin and cyclophosphamide used in the treatment of selected malignant tumors in 23 cats », JVIM, 1988, vol. 2, pp. 60-65.

CONFÉRENCIÈRE

Cécile Soyer, consultante en cancérologie à Paris.

Article rédigé d’après la conférence « Apparition de métastases après exérèse de tumeurs mammaires : plus rien à proposer ? », présentée lors du congrès de l’Afvac, décembre 2010, à Paris.

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