La recherche avicole vole dans les plumes de l’antibiorésistance - La Semaine Vétérinaire n° 1446 du 15/04/2011
La Semaine Vétérinaire n° 1446 du 15/04/2011

Congrès. Journées de la recherche avicole à Tours

Actualité

Auteur(s) : Nathalie Devos

Mécanisme de transmission et coût biologique d’une résistance ont notamment été étudiés.

Ce n’est pas un scoop : les volailles ne sont pas épargnées par le phénomène d’antibiorésistance et le sujet a fait l’objet de plusieurs communications lors des dernières Journées de la recherche avicole (JRA)(1) à Tours (Indre-et-Loire), les 29 et 30 mars derniers.

Pour exemple, en 2009, quarante-cinq laboratoires ont envoyé cinq mille neuf cent dix-neuf résultats d’antibiogrammes relatifs aux volailles à l’Agence française de sécurité sanitaire (Anses) dans le cadre du réseau Résapath, a indiqué Eric Jouy (Anses de Ploufragan). Les Escherichia coli isolés chez la dinde et dans l’espèce Gallus gallus (poulets de chair et poules pondeuses) ont représenté la majorité (68 %) de ceux réalisés chez les volailles.

Compte tenu de ces proportions, l’analyse des antibiogrammes s’est focalisée sur ces espèces. Ainsi, entre 2003 et 2009, les statistiques mettent en évidence une diminution de la proportion des E. coli sensibles à l’amoxicilline (56 % en 2003, versus 44 % en 2009) et au ceftiofur (C3G, 99,5 % versus 87,8 %) chez Gallus gallus. Les E. coli sensibles aux quinolones et aux fluoroquinolones ont également diminué. Il en est de même pour la dinde chez laquelle, par exemple, 81,9 % des E. coli étaient sensibles à l’acide oxolinique en 2003, au lieu de 64 % en 2009.

Les “vieux” antibiotiques sélectionnent des souches résistantes aux plus récents

Toujours concernant la colibacillose, une expérimentation présentée par Isabelle Kempf (Anses Ploufragan), dans le cadre du projet Evalu-FQ-Vol, a poursuivi l’objectif de comparer l’impact de quatre traitements sur la sensibilité aux antibiotiques des bactéries de la flore digestive du poulet.

Les volatiles sont d’abord inoculés, entre quatorze et seize jours d’âge, avec deux souches (minoritaires dans la flore) d’E. coli aviaires non pathogènes, mais résistants à la rifampicine et porteurs de gènes plasmidiques de résistance aux fluoroquinolones, aux céphalosporines, aux tétracyclines ou aux triméthoprime-sulfamides, ainsi qu’avec des souches de Campylobacter et d’Enterococcus faecium, sensibles ou résistantes. A vingt jours, les poulets reçoivent la souche pathogène O78K80 Goren. Le lendemain, ils sont traités par oxytétracycline (OTC), triméthoprime-sulfadiméthoxine (SXT), amoxicilline (AMX) ou enrofloxacine (ENR). Les fientes sont collectées avant, pendant et après les traitements. Les principaux résultats révèlent la sélection d’E. coli résistants, détectés dans la population bactérienne digestive majoritaire.

Les bactéries multirésistantes correspondent soit à celles inoculées, soit à des souches qui ont acquis l’un des plasmides de multirésistance (en particulier aux fluoroquinolones ou aux céphalosporines) via les bactéries inoculées (la majorité des E. coli multirésistants sont sensibles à la rifampicine). La multirésistance est observée pour les traitements par AMX, SXT et ENR, vraisemblablement en raison de la présence des gènes de résistance portés par le même plasmide. Le traitement à l’aide de “vieux” antibiotiques peut donc sélectionner des souches d’E. coli résistantes vis-à-vis de molécules plus récentes. Concernant Campylobacter, le traitement par ENR sélectionne rapidement et fortement des souches résistantes aux fluoroquinolones. En outre, dans le lot traité par AMX, les E. faecium résistants à l’ampicilline deviennent majoritaires.

La résistance aux macrolides : avantage ou inconvénient pour Campylobacter ?

Une autre étude originale, présentée par Salman Zeitouni (Anses de Ploufragan), s’est intéressée à Campylobacter, dont les volailles constituent un réservoir, et qui est la première cause bactérienne de gastro-entérites humaines en Europe. L’objectif de cette étude était de déterminer les conséquences sur la croissance in vitro et sur la colonisation et la diffusion chez le poulet de souches mutantes de C. coli et de C. jejuni résistantes aux macrolides (érythromycine), comparées aux mêmes souches sauvages sensibles. Les résultats montrent une moindre croissance in vitro, lors de culture en compétition, pour le mutant résistant que pour la souche sauvage chez les deux espèces bactériennes. Pour C. jejuni, après huit jours de croissance en coculture, le mutant résistant est même exclu par la souche sauvage.

In vivo, après l’analyse des titres fécaux chez des poulets coinfectés par les souches mutante et sensible, la souche mutante de C. jejuni paraît exclue par la souche sauvage quinze jours après l’infection expérimentale. En revanche, pour C. coli, aucune différence de colonisation n’est observée entre la souche sauvage sensible et le mutant résistant.

D’après ces résultats, la résistance aux antibiotiques, par mutations dans des gènes essentiels à la bactérie, constitue un avantage pour cette dernière lors de pression de sélection d’antibiotique, mais en son absence, les modifications du génome liées à la résistance peuvent devenir un fardeau. Elles réduisent la compétitivité (croissance, colonisation de l’hôte, etc.) de la souche mutante par rapport à la bactérie sensible. C’est “le coût biologique”. L’évaluer permet de prévoir l’évolution de la prévalence de la résistance lors de non-utilisation des antibiotiques, rappellent les auteurs.

  • (1) Manifestation organisée par l’Institut technique de l’aviculture (Itavi), l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) et l’Agence française de sécurité sanitaire (Anses), avec l’appui des branches françaises de la World’s Poultry Science Association (WPSA) et de la World Veterinary Poultry Association (WVPA).

Les JRA en chiffres

• 470 inscrits

• 5 séances plénières (avec 24 communications orales)

• 7 ateliers (avec 75 courtes communications)

• 49 posters

• Nouvelle édition tous les 2 ans.

N. D.
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