Une colibacillose et une carence en vitamine E déciment 25 % d’un lot de veaux de boucherie - La Semaine Vétérinaire n° 1446 du 15/04/2011
La Semaine Vétérinaire n° 1446 du 15/04/2011

Cas clinique

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Lorenza Richard

Le traitement instauré pour traiter la première affection s’est révélé être un facteur aggravant pour la seconde. La mortalité, brutale, s’est accompagnée de signes cliniques frustes.

Des symptômes respiratoires sont détectés dans un élevage de veaux de boucherie au cours de la semaine qui suit l’arrivée de deux cent quatre-vingts jeunes bovins mâles de race montbéliarde. Ils sont âgés de quinze à vingt-cinq jours et pèsent en moyenne 55 kg. Le lot est assez homogène et réparti dans quatre parcs équipés de distributeurs automatiques de lait, sans identification. En plus de la prophylaxie appliquée à la mise en place des veaux (voir tableau), un traitement collectif à la gentamycine 4 % (trois jours, par voie intramusculaire) est administré en raison d’une fièvre des transports légèrement différée.

Douze jours après l’arrivée des animaux, l’éleveur a l’impression que le problème respiratoire récidive. Il arrête l’oxytétracycline à 50 % et traite le lot avec de la doxycycline (Ronaxan® 20 %), prescrite dans le cadre du protocole de soins pour un syndrome respiratoire collectif. Le lendemain, quatre veaux (parmi les plus gros) meurent subitement après la prise de lait. De ce fait, et compte tenu qu’aucune amélioration des symptômes n’est observée, l’éleveur arrête la doxycycline. Un vétérinaire en charge de l’élevage suspecte une affection digestive et prescrit de la colistine buvable (Acticoli B®, 5 à 10 ml par veau, selon la taille de l’animal). Dans la nuit, quinze bovins meurent de façon subite, sans signe précurseur, sinon une légère diarrhée ou de la polypnée. Débute alors le week-end, un moment où le recours au laboratoire d’analyses est impossible. L’examen nécropsique pratiqué par le vétérinaire de garde ne révèle aucune lésion significative. Les hypothèses de colibacillose et d’intoxication d’origine alimentaire sont donc évoquées.

Le traitement à la colistine est maintenu. S’y ajoute une couverture d’antibiotiques injectables pour des cas individuels (danofloxacine, cefquinome). L’éleveur abreuve ses veaux uniquement avec du réhydratant. La mortalité s’accroît durant le week-end.

Soixante-cinq veaux succombent en trois jours

Dès le lundi, seizième jour après l’arrivée des animaux, tous les vétérinaires en charge de l’élevage sont présents. Les veaux sont maigres et affamés. Des nécroses du myocarde et des entérites congestives ou hémorragiques sont observées lors d’autopsies. Le traitement à la colistine est arrêté. Le lait reconstitué est de nouveau distribué, ainsi qu’une supplémentation en vitamine E et sélénium et en ferments (Biomos®). De la tylosine (Tylan buvable®, 1 g par veau et par jour) est ajoutée au lait. La mortalité cesse dès le lendemain.

Le bilan s’élève à soixante-cinq veaux morts et quinze animaux sans valeur économique (car ils sont affectés de séquelles graves : amaigrissement prononcé, détresse respiratoire sévère, apathie, etc.).

Les analyses sanguines, réalisées chez quatre bovins qui présentent une diarrhée et sur deux autres sans signe clinique, mettent en évidence un stress oxydant en raison d’une augmentation des superoxydes dismutases (SOD) chez les quatre premiers (valeurs comprises entre 4 378 et 4 950 U/g Hb pour des normales inférieures à 2 500). Aucun autre paramètre n’est significatif à l’exception, pour tous les veaux, d’une carence en vitamine E (valeurs de 0,9, 0,6 ou inférieures à 0,5 µg/ml ; les normes sont comprises entre 7 et 16 µg/ml).

Tous les examens bactériologiques effectués sur les organes des animaux autopsiés sont négatifs, sans doute en raison des différents antibiotiques administrés aux veaux.

Au cours de la semaine suivante, des prélèvements de contenu intestinal, analysés dans deux laboratoires différents, révèlent la présence de nombreux E.coli résistants à quasiment tous les antibiotiques, sauf ceftiofur, cefquinome (et amoxicilline + acide clavulanique et spectinomycine pour certains).

Une mortalité massive due à une succession de circonstances aggravantes

Pour Thierry Lorent, praticien à Malestroy (Morbihan)(1), les faits qui ont généré cette mortalité massive peuvent être reconstitués ainsi.

Premièrement, le lot est jeune et a subi un transport de plus de vingt-quatre heures. Le stress et la fatigue favorisent l’installation d’une infection. De plus, les manipulations pour administrer les différents traitements du programme de prophylaxie ont aggravé le stress et certainement contribué à diminuer les réserves en antioxydants (vitamine E et sélénium) des bêtes. Ensuite, l’éleveur a commis involontairement une erreur de distribution de la doxycycline (problème de calibrage du distributeur automatique de lait). Un surdosage déclenche un stress oxydatif violent à l’origine de problèmes aigus, tels que de l’hypocalcémie et des troubles cardio-vasculaires avec une dégénérescence rénale et hépatique. Cela expliquerait les morts brutales des plus gros veaux après l’absorption du lait, dues à un choc cardiogénique (myocardite nécrosante).

L’arrivée du week-end est un facteur supplémentaire, car un diagnostic étiologique n’a pu être établi rapidement.

En outre, devant l’hypothèse d’une intoxication alimentaire, la diète prolongée, instaurée par l’éleveur qui n’a distribué que du réhydratant durant plus de vingt-quatre heures, a certainement provoqué une hypoglycémie et un ralentissement du transit chez de nombreux animaux. La colibacillose s’est sûrement développée sur ce terrain favorable. Le traitement par la colistine a été inutile, les souches isolées étant résistantes à tous les antibiotiques administrés jusqu’alors. Ces soins successifs ont cependant sélectionné une souche de colibacille toxinogène (les lésions des organes abdominaux des veaux morts en dernier le démontrent), qui a joué un rôle décalé dans le temps par rapport aux premières mortalités.

Plusieurs circonstances relèvent de la malchance. Le traitement à la doxycycline n’était peut-être pas justifié, mais l’éleveur, consciencieux, a voulu anticiper le retour d’un problème respiratoire dans son élevage et l’erreur de dosage est involontaire. L’utilisation de la colistine n’était pas une faute, car celle-ci a déjà prouvé son efficacité dans les épidémies de colibacillose auxquelles sont confrontés les veaux en phase de démarrage. Le germe étant résistant à cet antibiotique, un antibiogramme aurait orienté vers un traitement par une céphalosporine de troisième ou quatrième génération, mais l’arrivée du week-end n’a pas permis sa réalisation.

  • (1) Notre confrère a présenté ce cas clinique lors des journées nationales des Groupements techniques vétérinaires (GTV) à Lille, en mai 2010.

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