Quand et comment effectuer une transfusion sanguine chez un bovin - La Semaine Vétérinaire n° 1448 du 29/04/2011
La Semaine Vétérinaire n° 1448 du 29/04/2011

Geste technique

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Karim Adjou

Transfuser un bovin s’envisage lors de perte sanguine importante. Le choix du donneur et la surveillance du receveur sont des points essentiels de la réussite.

Il ne faut pas espérer combler toutes les pertes sanguines d’un animal au moyen d’une transfusion. Un déficit aigu de 20 à 25 % du volume sanguin entraîne d’importants signes cliniques de tachycardie et de faiblesse. La transfusion d’une quantité équivalente à 20 ou 40 % de la perte est souvent suffisante pour fournir les globules rouges et les facteurs de coagulation nécessaires à la stabilisation de l’animal, avant que la moelle osseuse n’enclenche le mécanisme de régénération.

Plusieurs critères déterminent la décision de transfuser

Lors de perte sanguine aiguë ou suraiguë, il est difficile de se fier seulement à l’hématocrite pour justifier une transfusion. En effet, il s’écoule parfois jusqu’à douze heures avant que le liquide extravasculaire ne regagne le compartiment intravasculaire pour créer l’effet de dilution des globules rouges qui restent.

Dans tous les cas, la nécessité d’une transfusion est à évaluer avec l’ensemble du tableau clinique de l’animal. L’anamnèse est la première étape. La perte sanguine est-elle récente ou chronique ? L’hémorragie est-elle contrôlée (ligature d’un vaisseau, par exemple) ou incontrôlable (ulcère de caillette, notamment) ? Lors d’anémies hémolytiques ou d’origines obscures, l’anamnèse peut ne pas être d’une grande utilité.

L’examen clinique constituera ensuite un élément clé de la prise de décision. La fréquence cardiaque est un paramètre important. Une tachycardie équivalente à une hausse de 30 à 50 % de la fréquence normale sera indicatrice de la nécessité de transfuser. Concrètement, tout rythme cardiaque supérieur à 100 ou 110 battements par minute, associé à une suspicion de perte sanguine, doit constituer un facteur décisif. D’autres données sont à considérer : un animal faible ou léthargique, des extrémités froides, un temps de remplissage capillaire augmenté ou une absence de rumination. La détérioration des paramètres cliniques dans le temps est à prendre au sérieux.

En outre, les analyses sanguines contribuent à la prise de décision. Il convient d’évaluer avec précaution un hématocrite inférieur à 20 %. Associé à une perte sanguine aiguë et à un examen clinique altéré, un hématocrite de 18 à 20 % justifie la nécessité de transfuser, tandis qu’un animal qui subit une déplétion graduelle de sa masse érythrocytaire peut supporter un hématocrite de 7 à 12 % sans avoir besoin de soins d’urgence. Généralement, lors de perte aiguë, un hématocrite inférieur à 12 % est un indicateur absolu de transfusion sanguine. Un hématocrite entre 12 et 20 % est à appréhender selon sa réévaluation dans le temps, l’état de l’animal et la capacité à contrôler le saignement. Lorsque des signes de régénération des globules rouges sont présents à l’analyse du frottis sanguin (présence de réticulocytes), l’hémorragie n’est pas aiguë et, à moins que l’animal ne saigne toujours, envisager une transfusion semble inutile.

En condition de terrain, le choix du donneur s’effectue selon des critères simplifiés

Plusieurs paramètres déterminent le choix de l’animal donneur. Une vache en bonne santé, qui n’est pas en production, est à privilégier. Le donneur doit être préalablement testé pour plusieurs maladies transmissibles par voie sanguine, telles que la maladie des muqueuses (BVD), la leucose enzootique bovine, la néosporose, la fièvre catarrhale ovine, le virus de la rhinotrachéite infectieuse bovine ou encore la fièvre Q. Si les conditions le permettent, une vache négative pour l’antigène J sur ses globules rouges est préférée afin de minimiser le risque de réaction en cas de transfusion à une bête positive.

En revanche, en situation de terrain, le choix du donneur s’effectue selon des critères simplifiés. Lors d’une première transfusion, le risque de réaction anaphylactique indésirable du receveur est faible. Ainsi, il n’est généralement pas obligatoire de procéder à un test de compatibilité préalable entre le donneur et le receveur. Cependant, si le même animal nécessite d’autres transfusions, en particulier si celles-ci sont espacées de plus de soixante-douze heures, le risque augmente à cause de la production d’anticorps dirigés contre les antigènes des globules rouges. Etant donné que les érythrocytes bovins agglutinent peu dans la saline, ce qui est pratiqué lors de test de compatibilité de routine, il convient d’analyser l’hémolyse en présence du complément afin de détecter les éventuelles mauvaises combinaisons d’animaux.

Concrètement, une vache de forte corpulence et docile est à choisir. Le niveau de production ne doit pas être trop élevé, ce qui exclut les animaux en fin de gestation ou qui viennent de mettre bas. Lorsque c’est possible, une vache destinée à la réforme et en bonne santé peut être sélectionnée. Les femelles en fin de lactation et gravides de six à sept mois sont également de bonnes candidates. Si des informations de santé sont disponibles, le choix se porte sur un animal indemne des maladies contrôlées dans le troupeau.

La proportion de sang à remplacer varie selon la sévérité des conséquences cliniques

La quantité de sang requise se mesure selon les paramètres cliniques de la receveuse et l’hématocrite sanguin, s’il est disponible. En considérant qu’une perte de 10 % du volume de sang entraîne peu ou pas de signes cliniques, qu’une perte de 20 % déclenche des manifestations cliniques visibles et qu’un déficit de 35 % génère des signes de choc, il est possible d’évaluer la quantité de sang perdue. Cette dernière peut aussi se calculer en tenant compte de l’hématocrite. Ainsi, une vache de 500 kg dont l’hématocrite passe de 32 % à 12 % perd environ 25 l de sang (le volume de sang total équivaut à 8 % du poids vif).

La proportion de sang à remplacer varie, elle aussi, selon la sévérité des conséquences cliniques. Si une hémorragie n’est pas sous contrôle ou que l’animal est en état de choc, une proportion qui va jusqu’à 40 à 50 % de la perte peut être envisagée. Sinon, 20 à 30 % du volume perdu suffiront en principe à maintenir l’animal jusqu’à ce que la moelle osseuse commence à régénérer les globules rouges (soit généralement 5 à 7 l).

Prélever tous les mois jusqu’à 10 à 15 ml de sang par kilo chez une vache qui n’est ni en production ni en gestation est possible. Il est prudent d’adapter la quantité extraite selon le niveau de résultat et les espoirs de l’éleveur concernant cet animal. Généralement, un bovin de bonne corpulence qui n’est pas en production intensive est en mesure de donner entre 4 et 6 l de sang, sans conséquence remarquable sur ses paramètres zootechniques.

En cas de réaction indésirable, la transfusion doit cesser

Les risques d’effets indésirables lors d’une première transfusion sont faibles. Toutefois, il importe de surveiller les paramètres vitaux de l’animal, au moins au début de l’acte. Deux méthodes peuvent être employées.La première consiste à injecter 200 ml du sang de la vache donneuse à la receveuse. Si aucune réaction anormale ne survient dans les dix à quinze minutes, la transfusion peut avoir lieu. Dans la seconde technique, la transfusion débute avec un débit faible, de l’ordre de 5 ml/kg/h pour quinze à vingt minutes, avant d’augmenter jusqu’à 20 ml/kg/h pour le reste de la transfusion si aucune réaction n’est notée.

Les signes d’effets indésirables sont plus fréquents chez les jeunes animaux et les vaches gravides. Ils incluent l’urticaire, la tachypnée et la dyspnée, la tachycardie, les trépidations, l’œdème, les tremblements musculaires, la salivation, l’hématurie et le collapsus. D’autres manifestations peuvent également survenir. L’administration trop rapide de fluide, quel qu’il soit, peut entraîner des signes de surcharge cardiovasculaire.

En cas de réaction indésirable, la transfusion doit cesser. Si les manifestations cliniques sont importantes, de l’épinéphrine est administrée. Si elle est indispensable, la transfusion peut être reprise, sous haute surveillance et à un débit réduit, après la disparition des signes cliniques. Un antipyrétique administré avant le traitement diminuerait les risques de réaction fébrile.

BIBLIOGRAPHIE

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CONFÉRENCIÈRE

Anne-Marie Bélanger, professeur de la faculté de médecine vétérinaire de Saint-Hyacinthe, au Québec (Canada).

Article rédigé d’après une conférence présentée le 1er avril 2009 à l’école vétérinaire d’Alfort.

Avant la récolte

Pour 5 l de sang, il faut mettre dans le contenant 16 à 20 g de citrate de sodium (anticoagulant à la réaction réversible), 400 ml d’eau stérile et 100 ml de dextrose (optionnel lors d’usage immédiat du sang recueilli) avant de commencer la récolte.

K.A.
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