Les anti-inflammatoires non stéroïdiens anticox-2 ouvrent des perspectives en oncologie

Une partie du programme du septième symposium européen Pain Management⁽¹⁾, intitulé « Classic and novel uses of coxibs in veterinary medicine », était consacrée à l’utilisation des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), en particulier des anticyclooxygénases de type2 (anticox-2) en oncologie.

Josep Pastor, professeur à l’université de Barcelone et diplomate de l’European College of Veterinary Clinical Pathology, a expliqué comment les AINS s’inscrivent dans la gestion de la douleur chez le chien atteint de cancer. Environ 25 % des patients humains qui souffrent de ce type d’affection présentent une douleur au moment du diagnostic. Ce chiffre est évalué à 50 % chez l’espèce canine. Afin d’objectiver un contrôle efficace d’une souffrance chronique, les cancérologues utilisent des scores de douleur et de qualité de vie.

Certaines tumeurs engendrent des douleurs plus vives que d’autres (une tumeur osseuse comparée à une tumeur cutanée non inflammatoire et non ulcérée, par exemple). Le meilleur moyen de lutter contre une douleur générée par un cancer consiste à retirer celui-ci. Lorsqu’un traitement d’emblée curatif est impossible, le recours à différentes molécules permet d’améliorer la qualité de vie de l’animal. Les AINS sont les médicaments les plus souvent utilisés dans ce cadre chez le chien et le chat (même si c’est plus délicat chez cette espèce).

Depuis quelques années, le tramadol est également fréquemment administré en oncologie chez l’homme et les carnivores domestiques. L’association de cette molécule avec un AINS procure une meilleure analgésie. D’autres options, telles que l’anesthésie locale, la kétamine, la gabapentine, les antidépresseurs tricycliques, les biphosphonates, les corticoïdes et les anticonvulsivants sont susceptibles d’aider à contrôler une douleur chronique et potentialisent l’action d’autres analgésiques. Par ailleurs, les thérapies alternatives (stimulations électriques, massages, acupuncture, hydrothérapie, etc.) sont de plus en plus utilisées.

Les anticox-2, des molécules de thérapie ciblée

Plusieurs conférenciers ont démontré l’intérêt des anticox-2, en tant que thérapeutique ciblée, dans le traitement du cancer lui-même. Il existe deux isoformes de la cyclooxygénase (cox) : la cox-1 et la cox-2. Ces isoenzymes sont impliquées dans la synthèse des prostaglandines. La cox-1 est exprimée physiologiquement dans de nombreux tissus sains et joue un rôle majeur dans la protection de la muqueuse gastrique, le contrôle de l’agrégation plaquettaire et la fonction rénale.

La cox-2 est normalement peu présente dans les tissus sains. Son expression peut être induite par des facteurs de croissance, des réactions inflammatoires et de nombreux oncogènes. La surexpression de cette enzyme induit une résistance à l’apoptose et des modifications phénotypiques qui permettent une meilleure adhérence à la matrice protéique extracellulaire, donc une augmentation des capacités d’invasion par la tumeur. Plusieurs études mettent en évidence la surexpression de la cox-2 et sa valeur pronostique concernant certaines tumeurs canines et félines (cancers vésicaux, cutanés, coliques, mammaires et nasaux).

Un traitement adjuvant lors d’ostéosarcome, lymphome, mélanome et tumeur mammaire

Les conférenciers ont abordé certains processus tumoraux plus en détail, tels que les ostéosarcomes et les lymphomes (Massimo Vignoli, diplomate de l’European College of Veterinary DiagnosticImaging), les mélanomes et les tumeurs mammaires (voir article page 48). Pour ces tumeurs, une augmentation significative de l’expression de la cox-2 est mise en évidence. A partir de ces constats de surexpression, de nombreuses tumeurs malignes sont actuellement traitées à l’aide d’AINS, seuls ou en association avec d’autres anticancéreux. La cox-1 et la cox-2 sont les principales cibles des AINS. Deux grands groupes d’AINS existent : ceux qui inhibent à la fois la cox-1 et la cox-2 (comme le piroxicam), et les inhibiteurs cox-2 sélectifs (tels que le firocoxib). Plusieurs publications concernent les carcinomes à cellules transitionnelles de la vessie, les carcinomes prostatiques, épidermoïdes buccaux et cutanés, les adénocarcinomes colorectaux, les mélanomes oraux et les lymphomes multicentriques. Même si la plupart des études concluent effectivement à une surexpression de la cox-2, peu d’entre elles décrivent l’intérêt de l’association d’un anticox-2 et d’une chimiothérapie anticancéreuse. Felisbina Queiroga (de l’université de Trás-os-Montes e Alto Douro, Portugal) précise que, dans le cas des mélanomes, même si aucune étude clinique n’est disponible, les données actuelles permettent de penser que l’utilisation des anticox-2 sélectifs parmi les traitements adjuvants est légitime, en particulier pour les mélanomes buccaux.

En médecine humaine, les anticox-2 sont couramment utilisés en association avec la radiothérapie dans le traitement de plusieurs types de cancer. Les résultats préliminaires obtenus par Massimo Vignoli, ainsi que les récentes études vétérinaires concernant l’utilisation des anticox-2, sont prometteurs et soulignent le potentiel de cette combinaison chez les animaux.

La chimiothérapie métronomique consiste à administrer des anticancéreux en continu

François Serres (praticien à la clinique Oncovet) a présenté une dernière possibilité d’utilisation des anticox-2 en oncologie vétérinaire. Le principe de chimiothérapie dite conventionnelle repose sur l’utilisation d’anticancéreux à la dose maximale tolérée, laquelle peut être administrée sans générer d’effets secondaires susceptibles de mettre en jeu le pronostic vital. Parallèlement à ce principe courant, il existe une autre forme de chimiothérapie. Dite métronomique, celle-ci consiste à administrer des anticancéreux en continu à petite dose, sans période de récupération. Lors de chimiothérapie métronomique, la cible n’est pas directement la cellule tumorale elle-même, mais les cellules endothéliales des vaisseaux qui irriguent la tumeur. Cette stratégie thérapeutique présente l’avantage d’être moins coûteuse, de pouvoir être administrée par les propriétaires à domicile et affiche, en théorie, moins d’effets secondaires. Malgré ces atouts, seules deux études cliniques menées chez le chien (hémangiosarcome, sarcome des tissus mous) sont publiées et mettent en évidence des durées de vie similaires à l’utilisation de la chimiothérapie conventionnelle. Les anticox-2 sélectifs peuvent être associés aux anticancéreux classiques lors d’une chimiothérapie métronomique.

• (1) Organisé par Merial en mars dernier.