Commentaire du jugement pénal de Grasse du 24 mars 2011
Gestion
JURIDIQUE
Auteur(s) : Céline Peccavy
Fonctions : Avocate au barreau de Toulouse.
Le tribunal considère qu’est répréhensible le fait que des chiens de garde aboient à l’approche des passants. Mais curieusement, la condamnation civile ne va pas de pair avec la condamnation pénale…
Dans le cadre des troubles de voisinage(1), les nuisances sonores, notamment celles provoquées par les aboiements, sont en bonne place. Le 24 mars dernier, la juridiction de proximité de Grasse, statuant en matière pénale, a rendu un jugement sur ce sujet.
Les époux V, ainsi que Mme P, habitent un petit village provençal proche de la ville de Grasse. Même si leurs propriétés sont situées non loin l’une de l’autre, les terrains sont relativement vastes : il ne s’agit donc pas d’un lotissement où les maisons sont serrées les unes contre les autres.
Pourtant, le 21 août 2010, Mme V se présente à la gendarmerie afin de déposer plainte contre Mme P. Elle expose ce jour-là aux gendarmes qu’elle est victime, depuis mai 2010, de nuisances sonores. Plus précisément, elle signale que Mme P est éleveuse de chiens de race berger allemand, qu’elle a donc toujours un grand nombre de chiens sur sa propriété, que ceux-ci se précipitent à la clôture et aboient dès que quelqu’un passe à proximité. Mme V expose donc qu’elle est excédée par les aboiements incessants des chiens, de jour comme de nuit. Elle affirme ne plus pouvoir discuter avec son mari sur leur terrasse extérieure. Elle précise enfin en avoir parlé à maintes reprises avec Mme P, qui n’en a jamais tenu compte. Pour cette raison, elle a fait signer aux habitants du quartier une pétition contre ces nuisances, le 30 juillet 2010.
La phase procédurale qui suit le dépôt d’une plainte est celle de l’enquête préliminaire, comme le dispose le Code pénal dans son article 75 : « Les officiers de police judiciaire et, sous le contrôle de ceux-ci, les agents de police judiciaire […] procèdent à des enquêtes préliminaires, soit sur les instructions du procureur de la République, soit d’office. » Celle-ci vise à donner au final au ministère public le moyen de se décider sur les poursuites.
Dans le cadre du déroulement de cette enquête, les officiers de police judiciaire peuvent entendre les personnes de leur choix, notamment celle qui est soupçonnée d’avoir commis l’infraction, afin de recueillir sa version des faits.
L’article 78 du Code pénal dispose que « les personnes convoquées par un officier de police judiciaire pour les nécessités de l’enquête sont tenues de comparaître ». Il ajoute que « l’officier de police judiciaire peut contraindre à comparaître par la force publique, avec l’autorisation préalable du procureur de la République, les personnes qui n’ont pas répondu à une convocation à comparaître ou dont on peut craindre qu’elles ne répondent pas à une telle convocation ». Ainsi, la comparution est forcée, si besoin est.
En l’espèce, Mme P a respecté la convocation adressée par la gendarmerie et s’est présentée le 1er septembre 2010 afin d’être auditionnée. Elle déclare alors aux gendarmes qu’elle possède cinq chiens, qui sont dressés et fréquentent tous un club d’éducation canine. Elle précise également qu’elle n’est pas éleveuse, car elle n’a qu’une portée de chiots par an, que tous les chiens dorment à l’intérieur de la maison la nuit, que lorsqu’elle s’absente dans la journée deux chiens sont à l’intérieur et les autres dans leur box. Elle reconnaît enfin que ses chiens aboient, mais seulement le jour et uniquement lorsque quelqu’un passe près de la propriété ou lorsque les autres chiens du quartier aboient. Selon Mme P, ses chiens n’aboient donc pas en continu.
Après avoir entendu la prévenue et les plaignants, les gendarmes, toujours dans le cadre de l’enquête préliminaire, se rendent au domicile de Mme P, le 6 octobre 2010 dans l’après-midi. Ils constatent alors par eux-mêmes qu’à l’évidence, dès que quelqu’un passe à proximité du domicile, les chiens aboient. Ils précisent que les aboiements sont plus fréquents en fin d’après-midi vers 18 h, que Mme P habite un quartier situé à proximité de la forêt avec beaucoup de passage, enfin que les chiens de Mme P ne sont pas les seuls à aboyer mais, qu’en raison de leur nombre, leurs aboiements sont plus forts.
Celle-ci se matérialise par la rédaction d’un procès-verbal de synthèse, qui contient notamment les paragraphes préambule, exposé des faits, enquête, clôture. Il y est fait mention de la décision de poursuivre ou non la personne à l’encontre de laquelle la plainte est déposée.
En l’espèce, le procès-verbal de synthèse conclut que, « de l’enquête effectuée, il ressort qu’il existe une ou plusieurs raisons plausibles de présumer que la ou les infractions suivantes ont été commises et peuvent être retenues : émission de bruit portant atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l’homme, infraction prévue et réprimée par le Code de la santé publique ».
Mme P est donc convoquée pour être jugée par la juridiction de proximité pénale de Grasse lors de son audience du 27 janvier.
Lors de celle-ci, Mme P se présente assistée de son avocat qui remet au magistrat un dossier contenant notamment de nombreuses attestations de voisins qui n’ont pas à se plaindre des chiens. Le fait que les gendarmes n’ont pas constaté d’aboiements de nuit est mis en avant et il est rappelé qu’en tout état de cause, empêcher des chiens de garde tels que les bergers allemands d’aboyer pour défendre leur domaine est impossible.
Mme V, quant à elle, se constitue partie civile et demande pour réparation de son préjudice la condamnation de Mme P à lui verser la somme de 1 500 € à titre de dommages et intérêts.
En matière pénale, le juge a la possibilité de rendre sa décision durant l’audience. Mais il peut également, lorsque la complexité de l’affaire le nécessite, reporter sa décision à une audience ultérieure, lors de laquelle son jugement sera également rendu publiquement. C’est le cas en l’espèce, le délibéré étant fixé au 24 mars.
Les jugements écrits en matière pénale sont, le plus souvent, succins. Celui-ci ne fait pas exception à la règle.
• Sur l’action pénale :
« Attendu que les aboiements des chiens, propriété de Mme P, ne sont en rien contestés par la prévenue ; que le nombre des animaux (adultes, et jeunes élèves) est de nature à occasionner des nuisances sonores troublant la tranquillité du voisinage ; qu’il est indifférent que l’importance de l’élevage ne nécessite pas l’obtention d’une autorisation administrative ;
Attendu qu’il résulte des débats de l’audience et des pièces versées à la procédure que Mme P a bien commis les faits qui lui sont reprochés ;
Qu’il convient de l’en déclarer coupable et d’entrer en voie de condamnation à son encontre ;
Condamne l’intéressée à une amende contraventionnelle de 120 € à titre de peine principale ».
• Sur la constitution de la partie civile :
« Attendu que Mme V se constitue régulièrement partie civile par déclaration à l’audience ;
Attendu que Mme V réclame la condamnation de Mme P à lui verser 1 500 € au titre de son préjudice ;
Attendu que Mme V ne rapporte pas la preuve d’un préjudice susceptible d’être réparé par l’allocation de dommages-intérêts ;
Qu’elle ne verse à la procédure aucune pièce à ce sujet ;
Déclare recevable la constitution de partie civile de Mme V, mais mal fondée. »
Le tribunal de Grasse, contrairement à la cour d’appel de Pau (arrêt du 8 décembre 1988 rendu sur des faits semblables), considère donc qu’est répréhensible le fait que des chiens de garde aboient à l’approche des passants. Malgré tout, et en guise de faible consolation, l’amende maximale encourue était de 450 € et Mme V n’a été condamnée qu’à 120 €. De même, le tribunal n’a pas prononcé la peine complémentaire de confiscation des chiens.
Le plus curieux reste toutefois la décision du côté civil. En effet, la condamnation civile va quasiment toujours de pair avec la condamnation pénale. Or, dans cette affaire, si les aboiements sont bien répréhensibles en eux-mêmes, il semble qu’ils ne causent aucun préjudice réparable aux voisins ! Jugement de Salomon ?
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