La rééducation fonctionnelle optimise le pronostic - La Semaine Vétérinaire n° 1454 du 10/06/2011
La Semaine Vétérinaire n° 1454 du 10/06/2011

Rupture du tendon d’Achille

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Damien Devaux*, Bertrand Pucheu**, Elke Schreurs***

Fonctions :
*spécialiste en chirurgie
**diplomate de l’ECVDI praticiens au CHV NordVet (Nord)

La chirurgie réparatrice nécessite l’immobilisation de l’articulation tibio-tarsienne, qui induit une dégénérescence articulaire. La physiothérapie accélère la récupération.

Une chienne beauceron âgée de cinq ans est présentée en consultation pour une boiterie du membre postérieur droit depuis un mois, qui fait suite à une plaie par objet contondant en région du tarse. La chienne est en bon état général. Sa boiterie est intermittente et associée à une amyotrophie marquée. La cicatrice d’une plaie est visible à la hauteur du calcanéum, avec un œdème de la région. La manipulation du tarse est douloureuse. L’examen sous anesthésie générale montre une légère augmentation de l’amplitude articulaire du tarse en flexion, avec une corde du jarret palpable, mais fortement œdématiée au niveau de son insertion sur le calcanéum. Les radiographies mettent en évidence un œdème des tissus mous en regard du calcanéum associé à une augmentation de densité de celui-ci (voir cliché 1). Une rupture du tendon d’Achille est fortement suspectée. Afin de préciser le degré de rupture et d’exclure toute affection intra-articulaire, une échographie tendineuse, ainsi qu’un examen d’imagerie par résonance magnétique (IRM) sont réalisés. L’échographie conclut à une rupture qui touche la partie distale du muscle gastrocnémien, sans pouvoir en préciser l’étendue. Le muscle fléchisseur superficiel des doigts est intègre (voir cliché 2).

L’imagerie par résonance magnétique permet une évaluation précise des lésions

Le recours à l’IRM permet de préciser l’étendue des lésions et d’évaluer l’intégrité de l’articulation tibio-tarsienne. Les images en T2 mettent en évidence une bursite qui sépare le fléchisseur superficiel des doigts et le muscle gastrocnémien (voir cliché 3). Les images en T1 précontraste et postcontraste montrent une zone péritendineuse inflammatoire, alors que l’articulation est intègre (voir cliché 4). Les lésions présentées par cette chienne sont donc une rupture partielle du tendon du muscle gastrocnémien, associée à un épanchement de synovie dans la bourse calcanéenne.

Compte tenu de la chronicité des lésions et de la morphologie du chien, une intervention chirurgicale est réalisée. La section distale du tendon est réparée par une suture three-loop pulley modifiée à l’aide d’un monofilament non résorbable, ancrée sur le calcanéum par forage (voir photo 5). L’articulation tibio-tarsienne est immobilisée par un fixateur externe en triangulation (voir cliché 6). Le chien retourne chez ses propriétaires avec des soins de fixateur externe quotidiens. Celui-ci est retiré au bout d’un mois. L’amplitude de l’articulation tibio-tarsienne est alors diminuée et le chien présente une boiterie postérieure modérée. Après une dizaine de séances de balnéothérapie associées à une mobilisation passive de l’articulation par les propriétaires, la chienne ne présente plus aucune boiterie et a retrouvé une amplitude articulaire normale deux mois après le retrait du fixateur.

Une plantigradie et une douleur à l’hyperflexion du tarse sont évocatrices

Le tendon d’Achille est formé de trois tendons distincts. Celui du muscle gastrocnémien en constitue la partie la plus importante, ses deux chefs musculaires forment un tendon unique qui s’insère distalement sur la partie dorso-proximale du calcanéum. Il entoure en région proximale le muscle fléchisseur superficiel des doigts, dont le tendon émerge distalement pour s’insérer de part et d’autre de la tubérosité calcanéenne. Une bride du biceps fémoral et le fascia des muscles semi-tendineux et graciles s’associent en région distale pour former la troisième partie du tendon d’Achille.

La rupture du tendon d’Achille est souvent due à une blessure par un objet contondant. Des ruptures par avulsion de la zone d’insertion tendineuse sont aussi décrites, notamment chez le chien jeune qui présente un os immature. La rupture du tendon est souvent partielle et certains facteurs sont prédisposants. Les animaux lourds et sportifs sont principalement touchés, et leurs tendons montrent des signes de dégénérescence causés par les contraintes répétées. Chez l’homme, des causes vasculaires (dégénérescence de la matrice collagénique due à une moins bonne vascularisation), hormonales (postménopause chez la femme) ou médicamenteuses (fluoroquinolones) sont suspectées. Chez le chien, certains auteurs ont mis en évidence une fragilité sur la partie distale du muscle gastrocnémien sur une zone de fibrocartilage avasculaire.

Le diagnostic est essentiellement clinique. Les animaux présentent une plantigradie plus ou moins marquée, associée à une douleur à l’hyperflexion du tarse. La palpation du tendon montre une perte de continuité. Le degré d’hyperflexion, ainsi que la facilité à mettre en évidence une perte de continuité dépendent du degré d’atteinte et de la chronicité de la lésion.

Plusieurs examens complémentaires permettent d’établir un bilan précis des lésions. La radiographie souligne l’œdème des tissus mous (surtout dans les cas aigus), ainsi qu’une réaction ostéophytique sur le calcanéum. L’échographie tendineuse, de plus en plus employée en médecine vétérinaire, offre une évaluation dynamique du tendon qui permet de visualiser plus précisément les tissus mous. Chez l’homme, cet examen présente une sensibilité (75 %) et une spécificité (83 %) élevées dans le diagnostic des ruptures du tendon d’Achille, mais peut être limité dans la différenciation entre une rupture partielle et complète. De plus, cet examen est dépendant de l’opérateur. En médecine humaine, l’évaluation complète des lésions est effectuée par l’IRM avec de bons résultats. Cet examen permet en effet un contraste correct sur les tissus mous et une évaluation exhaustive de l’articulation. De plus, il est peu dépendant de l’opérateur. Son coût et sa faible disponibilité limitent encore son utilisation en médecine vétérinaire.

Le traitement de choix reste essentiellement chirurgical

Un traitement conservateur peut être envisagé avec succès lors de rupture aiguë (inférieure à quarante-huit heures) et partielle, sur un animal calme. Il implique une restriction d’activité associée à la mise en place d’une résine pendant un mois. Cependant, le traitement de choix reste chirurgical.

Il consiste en la réalisation d’une anastomose termino-terminale des différentes parties du tendon. Cette anastomose est protégée par une immobilisation complémentaire de l’articulation tibio-tarsienne. Les différentes parties du tendon sont débridées et suturées individuellement. Lors de rupture chronique, la rétraction du tendon, associée aux tissus inflammatoires, ne permet pas d’individualiser les différentes parties du tendon, qui est alors suturé en masse. Des sutures apposantes sont préférées lorsque cela est possible, car elles évitent la formation d’un tissu d’interposition lors de la cicatrisation et permettent une meilleure cicatrisation du tendon. Différentes sutures tendineuses peuvent être utilisées. La three-loop pulley et la suture à anse bloquée montrent une meilleure résistance aux forces de tension. Des techniques de renforcement des sutures par plaques d’ostéosynthèse apposées sur le tendon, greffe libre de fascia ou transposition musculaire (gastrocnémien, semi-tendineux, etc.) sont décrites lors du traitement de la rupture chronique, mais aucune étude comparative n’a montré leur supériorité.

L’immobilisation de l’articulation tibio-tarsienne est indispensable. Elle peut se faire de manière interne par la mise en place d’une vis de traction entre le calcanéum et le tibia distal. Une résine permet alors d’éviter un lâchage prématuré de la vis. Cette option nécessite un nouvel abord chirurgical afin de retirer la vis, et la résine ne permet pas le traitement des plaies, souvent associées à la rupture de tendon. Le fixateur externe en triangulation est plus fréquemment utilisé. Il permet l’accès aux plaies et une fixation rigide, mais présente des complications (infection, gêne mécanique, etc.). Certains auteurs décrivent l’utilisation d’un seul anneau transarticulaire pour l’immobilisation, car cette technique est moins lourde que le fixateur externe en triangulation. Cependant, elle présente un taux de complication élevé.

Le pronostic d’une rupture du tendon d’Achille correctement traitée est bon

La technique d’immobilisation utilisée ne modifie pas le pronostic. Cependant, la récupération complète est lente (vingt semaines environ). L’immobilisation de l’articulation nécessaire à la cicatrisation du tendon (entre trois et huit semaines) cause une dégénérescence de l’articulation tibio-tarsienne. Une mobilisation passive de l’articulation (mouvements de flexion et extension de l’articulation) est donc nécessaire pendant toute la durée de l’immobilisation. Celle-ci nécessite l’utilisation d’un montage amovible (résine ou fixateur articulé) et un suivi régulier de l’animal. Elle commence une à deux semaines après l’opération, à raison d’une à deux fois par semaine, et doit être continuée après le retrait du fixateur. A partir de ce retrait, la réalisation d’une dizaine de séances de balnéothérapie (une à deux fois par semaine) permet une récupération fonctionnelle optimale. La rééducation en piscine peut être associée à des séances d’ultrasons (deux fois par semaine environ) afin de lever les adhérences tendineuses consécutives à l’immobilisation. Celles-ci sont d’autant plus importantes lorsque la mobilisation passive n’a pas été effectuée.

  • Retrouvez la bibliographie de cet article sur le site WK-Vet.fr, rubrique “Semaine Vétérinaire”, puis “Compléments d’article”.

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