Thérapeutique
Formation continue
RURALE
Auteur(s) : Lorenza Richard
Le rôle du praticien en élevage “bio” est davantage celui d’un conseiller, mais la prescription de traitements allopathiques demeure autorisée si elle est motivée par le diagnostic.
Le Grenelle de l’environnement de 2007 avait des projets ambitieux pour l’agriculture biologique : 6 % de la surface agricole utilisée en 2010 (2 % en 2007) et 20 % en 2020, ainsi que 20 % de produits biologiques en restauration collective en 2012. L’offre nationale de produits issus de l’agro-biologie est insuffisante en rapport à la demande des consommateurs, qui croît selon le ministère de l’Agriculture de 10 % par an.
Loïc Guiouillier, praticien à Pré-en-Pail (Mayenne), estime que les vétérinaires doivent prendre en compte cette évolution et adapter leurs méthodes de travail à ceux qui font le choix du mode d’élevage biologique.
Loïc Guiouillier : Tout praticien peut proposer un bilan sanitaire d’élevage et un suivi en respectant les objectifs définis par l’éleveur. Il fournit alors, non une prescription de médicaments allopathiques, mais des conseils de prévention, en respectant le cahier des charges (bâtiments, hygiène, alimentation provenant de l’exploitation ou d’une autre, etc.). Le praticien peut ainsi changer son image auprès de l’éleveur : d’un prescripteur de médicaments “poisons”, il devient un conseiller en santé animale. Selon moi, les médicaments allopathiques ne sont pas néfastes et il est important d’expliquer à l’exploitant qu’ils ne deviennent des poisons que s’ils sont utilisés à mauvais escient.
Mon premier objectif est souvent de réconcilier les éleveurs avec l’allopathie. Déçus par ses résultats, ils ont des préjugés mais, en raisonnant les usages, la marge de progrès du traitement conventionnel est importante.
L. G. : Le traitement vétérinaire est défini comme curatif ou préventif. Le cahier des charges “bio” préconise l’usage préférentiel des médecines alternatives à partir du moment où elles sont efficaces. Si un praticien n’a pas de compétence dans ce domaine, il peut référer, mais si le pronostic vital ou le bien-être animal est en jeu, le traitement conventionnel est autorisé.
Beaucoup de confrères pensent que tout est interdit en élevage biologique. Pourtant, tout traitement est envisageable s’il correspond à un diagnostic et qu’une limite de trois traitements par an est respectée chez la vache laitière.
L’antibioprévention (métaphylaxie) est prohibée, de même que l’usage des hormones pour la synchronisation des chaleurs, sauf pour un traitement individuel. La prévention médicale, avec le recours à la vaccination, et les traitements antiparasitaires sont admis s’ils sont justifiés du point de vue du diagnostic et du besoin de l’élevage. Trois traitements allopathiques sont autorisés sur une période de douze mois (un seul si le cycle de production est inférieur à un an).
Le temps d’attente est doublé par rapport au délai légal et fixé à quarante-huit heures s’il est nul en allopathie.
L. G. : Si le praticien est appelé pour une urgence, il peut utiliser l’arsenal thérapeutique classique (dont les antibiotiques, les anti-inflammatoires, les corticoïdes, etc.) si la situation le nécessite, et sous sa responsabilité. C’est en effet le bien-être animal qui prime dans le cahier des charges, avant l’utilisation de médecines alternatives. Le vétérinaire doit alors “entourer” l’éleveur pour prendre en charge l’animal malade et administrer le traitement, lui expliquer ses conséquences, etc. L’intervention est similaire à celle qui a pour cadre un élevage conventionnel, complétée de la même façon par des conseils sur l’alimentation, la machine à traire, etc. En revanche, pour les soins au quotidien, le praticien doit entendre la demande de l’éleveur concernant des techniques alternatives, comme l’homéopathie, et ne pas détourner la tête ou tenter d’imposer une médecine allopathique. Le vétérinaire doit alors établir le diagnostic, si possible un pronostic, et référer vers un confrère homéopathe qui prendra le cas en charge. L’éleveur se sentira ainsi compris et redemandera conseil au praticien qui a su référer en cas de besoin. La profession s’en trouvera crédibilisée et le client fidélisé.
L. G. : Le traitement ne se définit pas par médicament prescrit, mais par diagnostic établi et par animal. Si une mammite du quartier avant gauche est diagnostiquée et que des antibiotiques, un anti-inflammatoire et un anti-œdémateux sont prescrits, cela compte comme un seul traitement. Si la même vache est traitée dix jours plus tard pour un panaris et ne reçoit que des antibiotiques, cela compte aussi comme un traitement. Un animal pour lequel trois traitements sont réalisés pendant la période de production est déclassé pendant six mois. Ensuite seulement, il peut revenir dans le circuit de production et de commercialisation “bio”.
L. G. : L’élevage biologique est un laboratoire d’idées pour l’agriculture conventionnelle. Nous pouvons mettre en place tous nos conseils de prévention dans ces exploitations en utilisant le moins possible l’allopathie (bâtiment, alimentation, conduite en lots, parasitisme, qualité du lait, etc.). Paradoxalement, les élevages biologiques bien conduits sont ceux qui n’ont jamais recours à la médecine alternative, car la première question qui est posée est de savoir comment éviter que les animaux développent des maladies. Cela coupe le cou aux préjugés, aussi bien chez les éleveurs que chez les confrères, et démystifie l’animal malade. La conduite de troupeau prime.
Pour satisfaire son client, le praticien doit toutefois connaître les objectifs de l’éleveur et le cahier des charges “bio”. S’il veut encadrer tous les soins, un minimum de formation est requis, à l’homéopathie notamment. Sinon, référer est un gage de professionnalisme. Partager des compétences entre nos structures est encore trop peu développé en clientèle rurale. Or, c’est indispensable pour que nous, praticiens, occupions tout le terrain et ne laissions pas la place libre à des non-vétérinaires.
Le cahier des charges des élevages biologiques est disponible sur :
– le site de l’agence bio : www.agencebio.org
– le site du ministère de l’Agriculture : http://agriculture.gouv.fr/sections/thematiques/environnement/agriculture-biologique/
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