Un plan pour mesurer l’effet cocktail des molécules dans l’eau

L’inquiétude face à la présence de résidus médicamenteux dans l’eau (potable ou non) n’est pas nouvelle. Depuis plusieurs années, les scientifiques détectent leur présence. Dans une récente étude⁽¹⁾, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) montre qu’un quart des eaux potables en contiennent en quantités chiffrables (jusqu’à 100 ng/l) et que jusqu’à quatre molécules différentes sont présentes dans la même eau. Les plus fréquemment retrouvées sont la carbamazépine et l’oxazépam.

Les eaux brutes de surface (avant traitement) sont encore plus contaminées : la quasi-totalité d’entre elles (87 %) contiennent des résidus de médicaments humains, 10 % des résidus de médicaments vétérinaires. Parmi les molécules retrouvées, le paracétamol, le kétaprofène, l’hydroxy-ibuprofène et l’acide salicylique sont en bonne place. Les résidus de médicaments vétérinaires ne sont pas ou peu détectés, ou seulement à l’état de traces non quantifiables, à trois exceptions près : la sulfadimérazine (jusqu’à 54,4 ng/l), la danofloxacine (à la dose maximale de 57 ng/l) et la tylosine (jusqu’à 20 ng/l).

Quant aux nappes phréatiques, elles sont plus propres : 57 % contiennent des résidus de médicaments humains, 5 % de médicaments vétérinaires.

Trois axes pour mieux évaluer et gérer les risques de pollution

En tout état de cause, les concentrations retrouvées dans les eaux traitées « sont mille à un million de fois inférieures aux posologies utilisées dans le cadre des doses thérapeutiques ». Mais on ne connaît pas, ou mal, les effets de ces molécules à faibles doses sur le long terme ou les effets “cocktail” liés aux interactions entre ces molécules et les autres polluants. C’est pourquoi Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’Ecologie, a lancé le 30 mai dernier un “Plan national sur les résidus de médicaments dans l’eau 2011-2015”. L’objectif est de mieux connaître ces risques et de prévenir la dispersion des résidus. Le plan s’articule autour de trois axes : évaluer les risques, les gérer et développer la recherche.

Sont notamment programmés :

– la mise en place de campagnes de mesures des molécules et des métabolites dans les eaux (de surface, souterraines ou potables) et les sols, avec une attention particulière portée aux anticancéreux ;

– le développement d’outils de surveillance des rejets hospitaliers, des rejets de stations d’épuration et des effluents d’élevages afin d’identifier les principales sources de contamination ;

– l’élaboration de méthodes d’analyses permettant de quantifier ces molécules à des concentrations aussi faibles que le nanogramme par litre ;

– la promotion des filières de récupération et d’élimination des médicaments non utilisés à usage humain et vétérinaire (diffusion d’un bulletin de veille aux praticiens) ;

– la prise en compte de l’impact environnemental lors de l’examen des dossiers d’autorisations de mise sur le marché (AMM), en y incluant notamment les précautions d’élimination et les limites maximales de résidus pour les médicaments destinés aux animaux de rente ;

– la diffusion de campagnes de sensibilisation auprès du grand public.

• (1) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1439 du 25/2/2011 en pages 12-13.