CEVEO EN UKRAINE : RESTRUCTURER LA PROFESSION

Aider les pays d’Europe de l’Est – et plus récemment d’Asie¹ – à mettre en place une formation continue et à se structurer en corps de métier, c’est le cœur de la mission de l’association Coopération et échanges vétérinaires Est-Ouest (Ceveo) depuis sa création à Lyon, en 1992. Si les praticiens ukrainiens souffrent comme leurs confrères laotiens d’un manque de reconnaissance de leur profession, la comparaison s’arrête là, tant la situation et l’environnement de ces deux pays diffèrent. Les raisons de la dégradation de la considération sociale des vétérinaires ukrainiens sont avant tout sociohistoriques. Dans un pays où la paysannerie a toujours été plus ou moins réduite, que ce soit aux temps féodaux ou sous le régime soviétique, à un servage sans propriété ni responsabilité, le vétérinaire n’est qu’un serf comme les autres, une sorte “d’infirmier plus” dont la population ne voit guère l’utilité. L’explosion du bloc soviétique n’a rien arrangé : aujourd’hui, l’Ukraine compte quelque 50 000 praticiens (dont plus de 1 000 au chômage) sans formation clinique, majoritairement salariés et sans droit de cité, pour un cheptel de moins de 3,5 millions de bêtes. Devant ce constat alarmant, et dans le cadre d’un contrat de coopération conclu en 2007 avec l’association des vétérinaires ukrainiens, présidée par la volontaire Oksana Rud, Ceveo a missionné des experts à Tcherkassy pour une intervention de trois jours auprès des praticiens ruraux de la région.

Du kolkhoze au privé, peu de choses ont changé

La visite, à laquelle a participé Marc Helfre, praticien généraliste et secrétaire général de l’association, a commencé par une exploitation agricole de grande dimension : 8 500 ha de culture, 3 000 bovins (dont 1 000 vaches laitières) suivis par trois vétérinaires salariés totalement sous la coupe du directeur d’exploitation. Dans cet ancien kolkhoze, transformé en société privée, les méthodes ont peu évolué et justifient certainement l’intérêt manifesté par les vétérinaires locaux pour les apports du libéralisme.

Un élan des confrères ukrainiens pour faire évoluer leur statut

Le succès du séminaire organisé le deuxième jour par les experts de Ceveo parle de lui-même. Plus d’une centaine de praticiens ruraux de la région s’étaient déplacés pour assister à la présentation de la profession telle qu’elle est institutionnalisée en France, son rôle dans la santé animale et la sécurité sanitaire des aliments. Un exposé qui a suscité de multiples questions sur la profession libérale, le mandat sanitaire, le Conseil supérieur de l’Ordre (CSO), la formation permanente ou encore la gestion des médicaments. Nos confrères ukrainiens se sont montrés particulièrement intéressés par les questions de responsabilité personnelle et d’indépendance professionnelle, ce qui se comprend au vu de leur situation actuelle. Le séminaire s’est conclu sur des aspects plus techniques (gestion zootechnique de l’habitat, du troupeau, etc.) qui ont soulevé tout autant d’intérêt. Une première réunion réussie, qui a ouvert la voie à des préconisations de Ceveo pour accompagner ces vétérinaires dans la création de structures professionnelles adaptées et, surtout, dans l’organisation d’une formation initiale et continue de qualité.

Rendre sa crédibilité à la profession, une priorité

Parmi les domaines d’action prioritaires s’imposent une réduction drastique du nombre de facultés vétérinaires et une sélection stricte des étudiants à leur entrée, condition indispensable à la crédibilité nationale de la profession.

En outre, la création d’un Ordre aidera les praticiens à sortir peu à peu de leur dépendance vis-à-vis de l’administration, des employeurs ou autres mécènes influents pour se constituer en une corporation actrice de son avenir. Par la suite, la création d’un Groupement technique vétérinaire permettrait la mise en place d’une formation continue qui aurait pour mission première la remise à niveau de tous les confrères exerçant actuellement en Ukraine. De la même façon, la création d’associations ou de maisons vétérinaires pourrait proposer aux praticiens devenus indépendants des cursus de spécialisation ou de perfectionnement. En somme, plus que jamais, l’union ferait la forcepour établir sur place une profession digne de ce nom.

Si le chemin reste long à parcourir, Ceveo reste pleinement impliqué. Ainsi, ce premier contact a donné lieu, quelques mois plus tard, à un séminaire de chirurgie à Kiev, qui a rencontré un vif succès. En octobre prochain, les émissaires de Ceveo y retourneront accompagnés de Christian Rondeau, ancien président du CSO français, et rencontreront les plus hautes instances ukrainiennes pour promouvoir l’utilité d’un Ordre et la fonction de vétérinaire praticien libéral. Une autre révolution est en marche…

PHOTOREPORTAGE DE CONSTANTIN SOLLOGOUB²

• 1 Voir La Semaine Vétérinaire n° 1455, 17/6/2011.

• 2 Vétérinaire Ceveo spécialisé en pratique rurale (vaches allaitantes).