Formation
PRODUCTIONS ANIMALES/CAPRINS
Auteur(s) : GILLES LE SOBRE*, LORENZA RICHARD**
Fonctions :
*praticien à L’Arbresle (Rhône). Article tiré de la conférence « Intoxication aux raticides anticoagulants d’une chevrette de compagnie », présentée lors de la 4e journée “cas cliniques en pratique rurale” à VetAgro Sup, le 19 mai 2011.
– L’intoxication aux anticoagulants est sous-estimée chez les ruminants.
– Une transfusion hétérologue, pourtant déconseillée, est ici tentée en urgence avec succès.
– L’administration de comprimés de vitamine K1 pour carnivores s’est révélée efficace.
Une chevrette de compagnie est présentée pour abattement. âgée de 6 mois, elle vit seule dans l’enclos d’une maison, entourée d’arbustes d’ornement. Elle est nourrie de foin de mauvaise qualité, d’herbe, de concentrés pour ovins, et boit l’eau d’une mare. L’abattement, qui a débuté 15 jours auparavant, est plus marqué depuis 3 jours et associé à une perte d’appétit.
La chèvre, en décubitus sternal, doit être aidée pour se lever. Elle est maigre, en retard de croissance. La température et la fréquence respiratoire sont normales. La fréquence cardiaque est augmentée. Les muqueuses oculaires sont couleur “porcelaine”. Une déformation sous-cutanée bilatérale, molle et fluctuante à la palpation, est notée au niveau des côtes, sans plaie visible.
Les symptômes orientent en premier lieu vers une infestation massive par des parasites gastro-intestinaux (Ostertagia), une intoxication (mercuriale, férule, cuivre, plomb, etc.) ou un traumatisme.
D’autres hypothèses sont envisagées : intoxication par des anticoagulants, hémolyse liée à des parasites sanguins, infection par Clostridium, carence alimentaire, etc.
Une prise de sang révèle un taux d’hématocrite de 6 % (normes du laboratoire : 30 à 40), une hémoglobine à g/l (10 à 12), un taux d’hématies de 1,2 106/µl (12 à 15) et des protéines totales à 48 g/l (55 à 75).
Une goutte de sang, déposée sur une lamelle, n’est toujours pas coagulée 10 minutes plus tard. Le frottis révèle une anémie microcytaire, normochrome, régénérative, compatible avec une intoxication “lente” aux anticoagulants. Une échographie de la déformation sous-cutanée est en faveur de sang non coagulé.
La coproscopie est négative.
Le propriétaire dit avoir vu un produit bleu sur les lèvres de la chevrette, 15 jours auparavant, alors qu’elle s’était échappée. Le rapprochement est fait avec un raticide (Notrac364G(r), bromadiolone) constitué de cubes d’appâts bleus.
Un dosage des coumariniques montre la présence de bromadiolone dans le sang de l’animal, ainsi que de chlorophacinone, révélant l’existence d’un autre anticoagulant dans son environnement.
Aucune chèvre n’étant disponible, une transfusion de 60 ml de sang d’un jeune bovin est réalisée. De la vitamine K1 est administrée (comprimés TVM dosés à 50 mg, à raison de 5 mg/kg, soit 100 mg/j par voie orale durant 15 jours, « hors AMM »), ainsi que de la vitamine K3 et de la pectine (K-pectyl(r), Ceva Santé animale, 10 mg/kg par voie intramusculaire).
Le lendemain, l’animal est debout et ses muqueuses sont rosées. 2 jours plus tard, une hyperthermie (39,5 °C) laisse suspecter une infection ou un rejet consécutif à la transfusion hétérologue. Une couverture antibiotique et anti-inflammatoire est administrée (Histacline(r), 5 ml/j par voie intramusculaire durant 3 jours).
→ Les ruminants sont réputés peu sensibles aux anticoagulants, mais les intoxications sont sans doute sous-estimées. En effet, alors que le pic plasmatique du toxique est atteint 1 à 2 heures après son ingestion chez les carnivores, il l’est en plus de 30 heures chez les ruminants, en raison d’un temps de résorption plus long. Les symptômes apparaissent ainsi plus tardivement et de façon moins aiguë.
Cette étiologie devrait faire partie des hypothèses diagnostiques face à un tableau clinique d’anémie, d’hémorragies locales ou d’épanchements hémorragiques avec abattement, voire dyspnée, convulsions ou paralysie. Les ruminants élevés comme animaux de compagnie y sont particulièrement exposés.
Dans le cas présenté, c’est le recueil des commémoratifs qui oriente le diagnostic. L’appât du raticide contient un amérisant, mais le goût amer n’est pas répulsif pour les chèvres, et celle-ci avait peut-être tendance au pica, en raison d’une ration alimentaire déséquilibrée.
→ Le traitement des grands ruminants est compliqué à cause du coût des médicaments, de la difficulté de vidanger le rumen et de l’inutilité du charbon activé, trop dilué. Le traitement par les comprimés de vitamine K1 pour monogastriques a été efficace dans ce cas, pour un coût modéré. Forme active, elle est mieux adaptée que la vitamine K3, plus intéressante en préventif.
Le prix de la transfusion est abordable, pour un particulier aussi bien que pour un éleveur. Dans ce cas, seuls 60 ml ont été injectés, car la chèvre présentait une grande agitation, laissant craindre un choc. En dépit d’un pronostic sombre, la mise en place de ce traitement en urgence a été une réussite.
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