Entreprise
Auteur(s) : MICHEL RAVELET
Un conflit social avec un salarié peut lourdement handicaper l’entreprise. Ce type de procédure est souvent long et prive l’employeur de visibilité à moyen, voire à long terme.
Le passage par la case procès ne peut pas toujours être évité. Anticiper, négocier, évaluer les enjeux et les risques, savoir comment fonctionnent les prud’hommes… L’important, c’est de ne pas subir.
La véracité du proverbe « un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès » n’est jamais démentie. Un conflit aux prud’hommes dure huit ou neuf mois, souvent plus d’un an dans les grandes villes, jusqu’à deux dans les métropoles. Sans compter l’appel (un à trois ans). C’est pénalisant pour l’entreprise qui, durant la procédure, n’a plus aucune visibilité sur le coût du dossier, a fortiori quand il s’agit d’un petit cabinet, ou lorsque le conflit porte sur un contentieux important, par exemple le départ d’un associé de la clinique…
Il est vain de chercher à concilier l’inconciliable et de penser que le salarié qui dispose d’une ancienneté ou d’un salaire important partira de son plein gré s’il n’y a plus d’entente. Il cherchera le conflit jusqu’à la rupture sous forme de sanction disciplinaire, voire de licenciement, avec un passage direct par la case prud’hommes.
Il est donc conseillé, plutôt que d’aller au clash, de privilégier la rupture conventionnelle. Employeur et salarié conviennent des modalités financières (et autres, par exemple la confidentialité) de leur séparation et font valider leur accord par l’inspection du travail (seule condition : que l’indemnisation du salarié soit, même légèrement, plus favorable que celle prévue par la convention collective). Rien n’empêche de planifier un étalement des paiements. Pour l’employeur, c’est la certitude de clore le dossier et d’interdire ensuite au salarié d’aller aux prud’hommes, mais avec l’inconvénient de créer un précédent qui risque d’inciter tout partant potentiel à négocier son départ. Si la procédure est intéressante, elle est à réserver aux cas réellement conflictuels, aux gros salaires ou aux postes clés. Vis-à-vis du salarié, l’argument principal de la séparation négociée est son assimilation à un licenciement : il percevra donc les allocations pour perte d’emploi et conservera sa mutuelle en cas de contrat de groupe.
Penser que faire traîner fera plier un salarié qui attend ses indemnités est souvent une erreur. Licencié, il touche ses allocations et trouvera un avocat rémunéré à 10 % des gains espérés, avec une faible avance monétaire.
La décision des prud’hommes est exécutoire de plein droit, dans la limite de neuf mois de salaire. Inutile de faire appel uniquement pour retarder l’échéance ou embêter l’ex-salarié. D’autant que sur un plan comptable, il faut provisionner le solde des demandes, plus les intérêts (calculés au jour de l’assignation), ce qui induit un effet négatif sur les comptes annuels.
Même si la situation est tendue, mieux vaut en finir au plus vite pour ne pas traîner une incertitude financière (et sociale vis-à-vis des autres salariés).
Sur un plan juridique, la faute lourde (avec renvoi sans indemnisation) est exceptionnelle. Il faut limiter le conflit à l’essentiel : la gravité de la faute invoquée et le montant de l’indemnité qui en découle. Il est fondamental, en cas de passage devant les prud’hommes, d’avoir un dossier sain. Cela suppose le respect de la procédure de licenciement (entretien préalable, délais, etc.), le versement de ce qui est incontestablement dû (préavis, indemnités de congés payés, prorata du 13e mois, etc.) et la remise des documents obligatoires (certificat de travail, attestation Pôle emploi). L’erreur absolue consiste à retenir ces sommes ou ces documents pour “embêter” le salarié. Non seulement il pourra les obtenir via une procédure d’urgence, mais la mauvaise foi de l’employeur sera présumée.
Si l’employeur peut se défendre seul, se faire représenter par un autre employeur de la même branche, par un de ses salariés cadre, par son conjoint ou son partenaire (Pacs), faut-il souligner la nécessité d’avoir un avocat spécialisé en droit social ? La cohérence (voire la présentation physique) du dossier est capitale : il faut y mettre les bons éléments de preuve et en bannir d’autres qui peuvent être risqués.
La tête dans son conflit, l’employeur pense de bonne foi que tel élément est évident, comme fouiller dans l’ordinateur professionnel du salarié. Or cela peut porter atteinte à la vie privée, donc être contre-productif. On ne compte plus les cas de salariés convaincus de vol dont le licenciement a été jugé abusif parce que la preuve était illégalement obtenue.
Un impératif : l’employeur doit être physiquement présent à l’audience, même si son avocat lui affirme le contraire. Notamment pour être certain que c’est bien l’avocat choisi qui défend le dossier, et non un stagiaire du cabinet… En outre, les conseillers y sont sensibles, parce qu’ils peuvent lui poser une question précise ou technique.
La procédure commence par une conciliation : employeur et salarié se retrouvent devant un conseiller qui leur propose de transiger. Il est impératif de faire preuve d’ouverture d’esprit, de ne pas se bloquer, sans pour autant vendre son âme…
À défaut de conciliation, il y a une audience de jugement. La constitution du dossier écrit est fondamentale pour les conseillers. L’audience est frustrante pour l’employeur, car c’est l’avocat qui parle (souvent pas longtemps), la partie adverse tient parfois des propos révoltants (il faut rester calme, pas question de prendre la parole sans y être invité). Si le dossier est complexe, il passe en dernier… Il est rare que la décision soit rendue sur le champ après le délibéré. Et quand le dossier est vraiment lourd, la chambre prononce le renvoi “en départage” (fréquent dans les juridictions fortement sollicitées). Il faudra une nouvelle audience (de quatre à douze mois plus tard) devant un magistrat à la retraite. Le temps de parole sera plus long, le juridisme plus pointu, mais… que de temps passé !
En formation de jugement, il y a trois conseillers et le président, qui mène les débats. En délibéré, il a une voix sinon prépondérante, du moins non négligeable. Si chaque conseiller prud’homal applique le Code du travail et sa jurisprudence, il est évident que la sensibilité du président penchera davantage d’un côté que de l’autre selon qu’il est issu du collège salarié ou employeur. Les avocats connaissent la sensibilité de chacun, ce qui peut inciter à la conciliation ou à la fermeté.
Si le risque est faible dans un cabinet vétérinaire d’une dizaine de personnes, il est réel dans une clinique avec de nombreux salariés : qui est responsable de la gestion du personnel ? La jurisprudence sociale considère que le cadre directeur des ressources humaines (ou ayant la fonction à défaut du titre) peut juridiquement prononcer le licenciement d’un salarié. Mais attention aux délégations de pouvoir, même tacites. La décision d’un tel cadre, surtout si elle est mal formulée, peut plonger l’entreprise dans de gros soucis.
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