Formation
PRODUCTIONS ANIMALES/BOVINS
Auteur(s) : ÉRIC DROMIGNY
Fonctions : Département de santé des animaux d’élevage et santé publique, École nationale vétérinaire, agroalimentaire et de l’alimentation Nantes Atlantique-Oniris.
Depuis quelques semaines, certains journaux allemands évoquent une « mystérieuse épidémie » de « botulisme chronique » qui « menace » les bovins sur le territoire germanique en raison des résidus de la production d’éthanol. La maladie pourrait aussi se « transmettre aux éleveurs ou aux vétérinaires ». Pourtant, aucun signal d’alarme n’est tiré…
Ces journaux s’appuient sur les travaux de Helge Böhnel, qui s’est attaché à décrire cette forme chronique de botulisme bovin, le rôle du recyclage et des énergies renouvelables, ainsi que la transmission à l’homme.
Retour sur les aspects historiques, épidémiologiques et vétérinaires de ce botulisme bovin atypique.
Des foyers de botulisme chez les ruminants ont déjà été observés dans divers pays (voir tableau 1). Il s’agit en général de formes sporadiques ou de botulisme enzootique dû au pica (nécrophagie).
En France, un botulisme sporadique de type C a été noté chez les équidés et les bovins (cadavres de rongeurs et de chats dans le fourrage) jusqu’à la fin des années 70. Puis sont apparus des foyers bovins de type D (ouest de la France, contaminations d’origine aviaire ; Afssa, 2002).
Le botulisme chronique (ou botulisme viscéral, voir tableau 2) correspond à une tentative d’explication de certaines formes atypiques de botulisme bovin, voisines d’une fièvre de lait atypique. Il s’agirait d’une production de toxine dans les parties distales de l’intestin, dont une partie seulement est absorbée (Böhnel et coll., 2001).
Les pratiques d’agriculture modernes interviennent en créant un cycle qui favorise l’accumulation des spores dans l’environnement, puis la contamination des aliments des bovins par des germes de Clostridium botulinum (cadavres de jeunes animaux tués par les faucheuses rotatives, utilisation de litières de volailles comme engrais ou dans l’alimentation des bovins, épandage des boues de fermentation du bioéthanol). Ces pratiques permettent aussi la toxinogenèse dans les ensilages de mauvaise qualité (insuffisamment acides, voir figure).
L’ensilage serait la source majeure des spores, entraînerait une excrétion fécale allant jusqu’à plusieurs semaines ou mois (Notermans et coll., 1981). De plus, 50 % des échantillons de biocompost commerciaux contenaient C. botulinum (Böhnel et Lube, 2000), et du compost inoculé comportait Clostridium botulinum pendant 290 à 757 jours (20 à 20 000 spores/g). Les bactéries ont été verticalement transférées et pourraient se trouver en profondeur (20 à 2 000 sol de spores/g 70 jours après que le compost a été répandu ; Gessler et Böhnel, 2006).
Toutefois, les pratiques d’agriculture modernes ne génèrent en aucun cas une situation de “botulisme épidémique”, même si certains foyers massifs sont la conséquence de certains procédés mal maîtrisés (voir tableau 1).
Le botulisme humain est souvent déclenché par des denrées alimentaires, dans lesquelles Clostridium botulinum a pu se multiplier en anaérobiose et produire sa toxine (conserves familiales, voire artisanales1, jambons fermiers au sel sec, produits conservés sous huile, etc.).
À l’inverse, une transmission zoonotique du botulisme, typique ou non, est improbable2, même si en toute rigueur la viande est toxique et si le lait peut exceptionnellement contenir la toxine botulique.
Ainsi, dans des conditions naturelles, la toxine de Clostridium botulinum pourrait franchir la barrière intestinale (via des transporteurs tels que la saponine) et persister dans la circulation sanguine pendant un certain temps (Böhnel et Gessler, 2005). Toutefois, dans la maladie naturelle, la toxine de type B est isolée dans seulement 4,5 % des sérums des animaux malades, alors que, dans les fèces des vaches, 105 à 107 C. botulinum/g sont détectés (Notermans et coll., 1981).
Le lait est susceptible d’être contaminé dès la traite par des spores de Clostridium botulinum telluriques. Toutefois, l’aérobiose du lait et des produits laitiers empêche toute toxinogenèse. La toxine ne persisterait que dans le lait cru ou à basse pasteurisation (63 °C, 30 minutes ; Rasooly et Do, 2010 ; Weingart et coll., 2010).
Lors d’un foyer de botulisme viscéral observé chez un troupeau de vaches laitières (environ 40 femelles et leurs veaux) en 2001, des tests de toxicité sur le lait ont révélé la présence de la toxine de type B dans un quartier à mammite (au moins 10 000 LD50 souris/ ml, aucune croissance, anaérobie, 3 autres quartiers et les animaux témoins négatifs).
Ce cas reste isolé : lors de botulisme aigu, le lait des vaches s’est révélé non toxique (Böhnel et coll., 2005), même en cas d’injection expérimentale de toxine C (Moeller et coll., 2009).
De plus, même lors de foyers massifs de botulisme aviaire (type C), le risque de transmission à l’homme est considéré comme négligeable (BEH, 1997).
Enfin, Böhnel cite le cas d’un vétérinaire « susceptible d’être infecté ou intoxiqué » par Clostridium botulinum pendant la manipulation d’un animal malade (sans précisions ; Böhnel et coll., 2008).
Les travaux de Böhnel mettent en lumière certains aspects méconnus du botulisme bovin (botulisme viscéral, rôle du recyclage des sous-produits des bioénergies) et redonnent un sens à la prévention du botulisme bovin classique, notamment par une pratique correcte des ensilages. Il n’est toutefois pas possible de leur attribuer une place de 1er plan à l’heure actuelle.
1 Voir La Semaine Vétérinaire n° 1465 du 7/10/2011 en page 20.
2 Contrairement à Bacillus anthracis par consommation de viandes d’animaux agonisant du charbon. Retrouvez la bibliographie de cet article sur le site WK-Vet.fr http://www.wk-vet.fr/mybdd/?visu=164&article=164_3490
– Le botulisme bovin s’observe généralement sous forme sporadique.
– Le botulisme viscéral ou chronique correspond à une production de toxine dans les parties distales de l’intestin.
– des pratiques agricoles mal maîtrisées favorisent l’accumulation de spores dans l’environnement et la contamination des animaux.
– Une transmission zoonotique du botulisme, typique ou non, est improbable.
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