Le vétérinaire et la justice française - La Semaine Vétérinaire n° 1476 du 23/12/2011
La Semaine Vétérinaire n° 1476 du 23/12/2011

Entreprise

JURIDICTIONS

Auteur(s) : CÉLINE PECCAVY

Fonctions : AVOCATE AU BARREAU DE TOULOUSE

Comment le praticien peut-il se retrouver dans le paysage complexe de la justice française ? En effet, à chaque tribunal, un type particulier d’affaires qu’il convient de connaître.

La justice en France peut rapidement apparaître aux yeux d’un non-initié comme un véritable labyrinthe. Même si la réforme de la carte judiciaire engagée en 2007 par Rachida Dati a réduit la quantité de juridictions, il n’en demeure pas moins qu’elles sont encore au nombre de 819 sur notre territoire. Comment alors s’y retrouver au sein d’un tel paysage ? Nous allons voir que chaque tribunal juge un type particulier d’affaires et que rien, dans notre droit, n’est laissé au hasard.

UN CHOIX BINAIRE

En France, 2 grands ordres sont à distinguer dans le tableau judiciaire : l’ordre judiciaire et l’ordre administratif. Chacun possède ses tribunaux, avec ses propres règles adaptées à la nature des litiges en cause et à leur importance. Un litige relève forcément de l’un, et de l’un seulement, de ces 2 ordres.

LE CONTENTIEUX LIÉ AUX CHIENS DANGEREUX

Ce contentieux touche aux 2 ordres cités ci-dessus.

1) En premier lieu, les litiges relatifs aux chiens dangereux peuvent être examinés par l’ordre judiciaire et plus particulièrement, au sein de cet ordre, par les juridictions pénales. Celles-ci, également qualifiées de répressives, sont en effet chargées de juger les personnes soupçonnées d’une infraction (contravention, délit, crime). Elles sont 4 à prononcer des sanctions et interviennent selon la gravité de l’infraction.

Voyons à présent quelques exemples de compétence pénale pour les affaires de chiens dangereux.

Compétence de la juridiction de proximité

Cette juridiction est compétente pour juger des faits suivants :

– le fait de détenir un chien de la 1re catégorie (telle que définie à l’article L.211-12) dans les transports en commun, les lieux publics (à l’exception de la voie publique) et les locaux ouverts au public, est puni des peines prévues pour les contraventions de la 2e classe (150 € au plus) ;

– le fait, pour le propriétaire ou le détenteur d’un chien des 1re ou 2e catégories (telles que définies à l’article L.211-12), de ne pas être couvert par une assurance garantissant sa responsabilité civile pour les dommages causés aux tiers par l’animal, (conformément au II de l’article L.211-14) est puni des peines prévues pour les contraventions de la 3e classe (450 € au plus) ;

– le fait, pour le propriétaire ou le détenteur d’un chien des 1re ou 2e catégories (définies à l’article L.211-12), de ne pas être titulaire du permis de détention ou du permis provisoire (prévus à l’article L.211-14), et le fait de ne pas soumettre son chien à l’évaluation comportementale (mentionnée aux articles L.211-14-1 et L.211-14-2) sont punis des peines prévues pour les contraventions de la 4e classe (750 € au plus).

Compétence du tribunal correctionnel

Cette juridiction juge des faits ci-dessous :

– le fait de détenir un chien appartenant aux 1re ou 2e catégories (article L.211-12), en contravention avec l’interdiction édictée à l’article L.211-13, est puni de 6 mois d’emprisonnement et de 7 500 € d’amende (article L.215-1 du Code rural) ;

– le fait, pour le propriétaire ou le détenteur d’un animal mis en demeure par l’autorité administrative d’obtenir le permis de détention (prévu à l’article L.211-14), de ne pas procéder à la régularisation requise dans le délai prescrit est puni de 3mois d’emprisonnement et de 3 750 € d’amende.

Compétence de la cour d’assises

Comme l’animal peut aujourd’hui être assimilé à une arme, la personne qui l’utilise pour tuer sera déférée devant la cour d’assises. Quant au chien, il pourra être remis « à une œuvre de protection animale reconnue d’utilité publique ou déclarée, laquelle pourra librement en disposer » (article 132-75 du Code pénal).

Il faut savoir qu’on ne peut faire appel d’une décision rendue par le juge de proximité. En revanche, il est possible de contester un jugement correctionnel ou un arrêt de cour d’assises.

2) En second lieu, les litiges sur les chiens dangereux peuvent également amener leurs propriétaires devant l’ordre administratif.

Ainsi, aux termes de la procédure mise en place par l’article L.211-11 du Code rural, un animal qui « est susceptible, compte tenu des modalités de sa garde, de présenter un danger pour les personnes ou les animaux domestiques » peut conduire le maire ou le préfet à prendre une série de mesures. Parmi celles-ci, il y a notamment le placement de l’animal « dans un lieu de dépôt adapté à l’accueil et à la garde de celui-ci » ou l’ordre de « faire procéder à son euthanasie ». Ces décisions peuvent tout à fait être contestées sur le fond ou en référé (procédure d’urgence parfaitement adaptée en cas de décision d’euthanasie) devant l’ordre administratif.

Il s’agira en l’occurrence pour le propriétaire de saisir le tribunal administratif (celui attaché à la commune qui a pris la décision contestée) afin de tenter de faire annuler ladite décision. Toutefois, la lenteur particulière de cet ordre est à l’origine de nombreux non-sens. Certains propriétaires verront en effet la décision d’euthanasie annulée, alors que le chien aura d’ores et déjà été euthanasié.

Si le jugement rendu n’a pas fait droit à la demande d’annulation du requérant, celui-ci a toujours la possibilité de faire rejuger l’affaire par une juridiction d’un degré supérieur. Il devra alors saisir la cour administrative d’appel rattachée au tribunal de première instance. Il convient de préciser que l’appelant pourra être amené à se déplacer géographiquement, dans la mesure où, s’il existe au moins 1 tribunal administratif par région, il n’y a en France que 8 cours administratives d’appel.

LE CONTENTIEUX LIÉ À LA RÉDACTION DES CERTIFICATS

Le vétérinaire est amené régulièrement à établir certains certificats. Quelques-uns sont rendus obligatoires par la loi. D’autres sont établis à la demande du client pour faire preuve en justice.

Relèvent notamment de la 1re catégorie les certificats rendus incontournables depuis 2008. Ainsi, depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2008-582 du 20 juin 2008, tout vendeur de chiens est tenu de délivrer à son client un certificat vétérinaire (conforme aux dispositions de l’article D.214-32-2 du Code rural). Depuis la même loi, tout vendeur non professionnel de chats est obligé de remettre à l’acheteur un certificat de bonne santé.

Entre également dans cette catégorie les vices rédhibitoires, plus particulièrement ceux qui sont également des maladies transmissibles (pour l’espèce canine : maladie de Carré, hépatite contagieuse, parvovirose ; pour l’espèce féline : leucopénie infectieuse, péritonite infectieuse, infection par le virus leucémogène félin). Lorsqu’un animal présente une telle maladie, la garantie du vendeur ne pourra être mise en jeu si l’acheteur ne produit pas un diagnostic de suspicion signé par un vétérinaire et établi selon les critères définis par arrêté du ministre de l’Agriculture.

Dans la 2e catégorie, on trouve les certificats rédigés afin de constater une maladie chez un animal, ceux qui relatent l’historique des soins effectués, et ceux qui prennent position sur l’origine du problème (présent avant ou non la délivrance de l’animal).

Il apparaît dès lors que tout certificat établi par le vétérinaire, quel qu’il soit, aura une grande importance en matière de garantie. Sa fausseté pourrait, de ce fait, permettre illégalement à un acheteur d’obtenir garantie. Pour cette raison, le Code pénal a prévu certaines dispositions assez sévères en la matière. Ainsi, l’article 441-1 édicte que « constitue un faux toute altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support d’expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d’établir la preuve d’un droit ou d’un fait ayant des conséquences juridiques ».

Ainsi, le vétérinaire qui établit une fausse attestation ou délivre un faux certificat à son client pourra comparaître devant un tribunal correctionnel et être jugé pour le délit que nous venons de détailler.

LE CONTENTIEUX LIÉ À L’ACTE MÉDICAL

Le vétérinaire peut être mis en cause par son client pour l’acte médical qu’il a réalisé. Ce sont alors les juridictions civiles de l’ordre judiciaire qui statueront sur les demandes indemnitaires du demandeur.

Ce dernier devra en tout état de cause saisir en premier lieu l’une des 3 juridictions civiles du 1er degré que sont le tribunal de grande instance, le tribunal d’instance et la juridiction de proximité.

Comment le justiciable peut-il savoir à quel tribunal s’adresser ? La réponse se trouve dans le montant de l’indemnité qu’il réclame :

– si la condamnation demandée est supérieure à 10 000 €, il devra saisir le tribunal de grande instance. Il sera alors dans l’obligation de se faire représenter par un avocat ;

– si celle-ci est comprise entre 4 000 et 10 000 €, il devra saisir le tribunal d’instance (pas d’avocat obligatoire) ;

– s’il réclame moins de 4 000 €, il devra se tourner vers la juridiction de proximité (pas non plus d’avocat obligatoire).

S’il n’est pas satisfait de la décision, il pourra faire entièrement rejuger le procès devant la cour d’appel, sauf si le jugement a été rendu par la juridiction de proximité. En effet, celui-ci est dit “rendu en dernier ressort”.

LE CONTENTIEUX LIÉ AUX GARANTIES APRÈS VENTE

Pour les vices rédhibitoires

Le propriétaire d’un chien atteint d’un vice rédhibitoire peut être amené à saisir 2 tribunaux différents. En effet, les textes (combinaison des articles R.213-3 et R.213-4 du Code rural, ainsi que R.221-14 du Code de l’organisation judiciaire) lui imposent :

– pour la demande d’expertise, de saisir le tribunal d’instance du lieu où se trouve l’animal ;

– pour la demande en indemnisation, de saisir la juridiction compétente selon le montant qu’il réclame (tribunal de grande instance, tribunal d’instance ou juridiction de proximité selon les seuils vus précédemment, de 4 000 et 10 000 €).

Pour les vices cachés et les défauts de conformité

Dans un tel cas, l’acheteur qui veut obtenir garantie devra se fonder uniquement sur le montant de sa demande pour savoir quel type de juridiction saisir. On en revient ici aussi aux seuils déterminants de 4 000 et 10 000 €.

LE CONTENTIEUX LIÉ AU PERSONNEL DU VÉTÉRINAIRE

Le vétérinaire exerce rarement seul. Comme tout “chef d’entreprise”, il conclura donc avec les personnes qui travailleront pour lui un contrat de travail. Si des difficultés surviennent dans ce lien contractuel, elles devront être judiciairement réglées par une juridiction spéciale : le conseil de prud’hommes. Ce dernier règle en effet les litiges qui surviennent entre les salariés ou les apprentis et leurs employeurs à l’occasion du contrat de travail (à durée indéterminée, à durée déterminée, en contrat d’apprentissage, etc.).

Le conseil de prud’hommes est composé de 4 juges non professionnels : 2 conseillers élus par les employeurs et 2 autres par les salariés. Leur nombre étant pair, il arrive parfois qu’aucune majorité ne se dégage dans un dossier. Dans ce cas, l’affaire est renvoyée en « départage ». Les parties sont alors entendues de nouveau, mais avec le renfort d’un juge du tribunal d’instance. Son vote vient départager les conseillers.

Le jugement rendu (dans les 2 cas) sera susceptible d’appel devant la chambre sociale de la cour d’appel.

Ainsi, malgré la complexité du système judiciaire, le demandeur en justice ne peut se permettre de saisir la mauvaise juridiction pour son affaire, sous peine de voir son action irrecevable.

JURIDICTIONS PÉNALES

→ La juridiction de proximité juge les contraventions des 4 premières classes (article 521 du Code de procédure pénale).

→ Le tribunal de police juge les contraventions de 5e classe (article 521 du Code pénal).

→ Le tribunal correctionnel juge les délits.

→ La cour d’assises juge les personnes accusées de crime (meurtre, viol, vol à main armée, etc.), de tentative et de complicité de crime.

FAUX ET USAGE DE FAUX

Sur cette base, l’article 441-7 du même code stipule qu’ « est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende le fait :

→ d’établir une attestation ou un certificat faisant état de faits matériellement inexacts ;

→ de falsifier une attestation ou un certificat originairement sincère ;

→ de faire usage d’une attestation ou d’un certificat inexact ou falsifié. »

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