Entreprise
Auteur(s) : FLORENCE THIERRY
Voir un contrat de collaboration libérale requalifié en contrat de travail fait partie des craintes de certains vétérinaires titulaires. Pourtant, le nombre actuel de requalifications est infime par rapport au nombre de dossiers résultant de conflits entre employeurs et salariés qui sont portés devant les conseils des prud’hommes.
Les contrats de collaboration libérale vétérinaire requalifiés en “salariat” sont rares. Cependant, pour éviter ce genre de déconvenues, aux conséquences financières souvent lourdes, quelques règles simples sont à établir entre les parties. Actuellement, le nombre de collaborations libérales est estimé à 500. Cela représente 5 % des effectifs des praticiens libéraux et ce chiffre est en constante progression. La requalification en contrat de travail comporte de lourdes conséquences financières pour le titulaire, car celui-ci doit alors payer rétroactivement les congés payés, les indemnités de licenciement, ainsi que d’autres cotisations patronales et d’éventuels dommages et intérêts… Les réticences de certains à employer un collaborateur libéral plutôt qu’un praticien salarié sont alimentées par la jurisprudence issue d’autres professions libérales, en particulier les avocats qui recourent à la collaboration libérale depuis plusieurs décennies et qui constatent des requalifications de ces contrats chaque année.
L’absence de lien de subordination entre le collaborateur et le titulaire et le droit du collaborateur à développer une clientèle personnelle sont les 2 dispositions de base de la collaboration libérale [1, 3, 4]. Le non-respect de l’une de ces dispositions est susceptible d’entraîner une requalification du contrat de collaboration en contrat de “salariat”. En revanche, le seul fait pour le collaborateur de recevoir une rémunération fixe ne constitue pas un motif de requalification du contrat. Le modèle de contrat actuel propose le versement par le titulaire d’une somme fixe par mois, qui représente un acompte sur les honoraires perçus annuellement ou trimestriellement par le collaborateur [5]. Le réajustement selon un critère objectif lié à l’activité est toutefois fortement recommandé.
D’après la loi n° 2005-882, le collaborateur doit avoir la possibilité de créer sa propre clientèle, mais il ne s’agit pas d’une obligation pour lui [2]. Le titulaire doit mettre à la disposition du collaborateur le temps et les moyens nécessaires pour lui permettre de prendre en charge et de développer une clientèle personnelle. Il y a plusieurs moyens de recenser une clientèle personnelle. Si le collaborateur possède une spécialité unique dans la structure, il est possible de considérer que les clients qui viennent pour en bénéficier font partie de la clientèle personnelle du collaborateur. Le collaborateur peut également se créer une clientèle en dehors du temps qu’il consacre à celle du titulaire. Si le collaborateur ne dispose pas, du fait du titulaire, de l’autonomie nécessaire pour développer une clientèle personnelle, le contrat de collaboration peut être requalifié en contrat de travail. Cela a été le cas de plusieurs contrats de collaboration dans des professions libérales, telles que les médecins et les avocats1. Le 14 mai 2009, la Cour de cassation a retenu que « si, en principe, la clientèle personnelle est exclusive du salariat, le traitement d’un nombre dérisoire de dossiers propres à l'avocat lié à un cabinet par un contrat de collaboration ne fait pas obstacle à la qualification de ce contrat en contrat de travail lorsqu’il est établi que cette situation n’est pas de son fait mais que les conditions d’exercice de son activité ne lui ont pas permis de développer effectivement une clientèle personnelle »2. En revanche, si tous les moyens sont mis à la disposition du collaborateur pour créer sa clientèle personnelle, mais qu’il est lui-même responsable de son échec ou refuse de la constituer, la requalification de son contrat ne peut être obtenue.
Le lien de subordination est une notion inhérente au contrat de travail. Il « est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; le travail au sein d’un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail (horaires de travail définis, fourniture de matériels divers, existence d’un règlement intérieur, obligation de rendre compte, etc.) »3. L’importance du pouvoir de sanction de la part de l’employeur est soulignée par la Cour de cassation. Il convient au titulaire de ne pas laisser des impressions de sanction envers le collaborateur via des agissements ou des écrits. Plusieurs éléments indiquent la présence d’un lien de subordination : si le collaborateur a subi ou été menacé de sanctions, s’il n’a pas d’existence propre dans la structure vétérinaire attestée par des éléments concrets (plaque professionnelle, ordonnances) et s’il doit travailler selon des méthodes et des moyens imposés strictement. Par ailleurs, ce qui importe dans l’existence ou non d’un lien de subordination, ce n’est ni la volonté des contractants ni les éléments du contrat, mais bien les conditions réelles d’exercice du collaborateur4. Il est toutefois important de ne pas tomber dans l’excès inverse, dans la mesure où le collaborateur ne dispose pas d’une entière liberté ; il doit s’accorder avec le titulaire et respecter, par exemple, les horaires de la structure et les périodes de repos ou de congés.
Le montant de la redevance versée par le collaborateur au titulaire a déjà représenté un motif de requalification. En effet, son montant doit être en accord avec les usages de la profession et ne doit pas dépasser le coût de l’utilisation du matériel et du personnel mis à disposition par le titulaire5.
Afin de minimiser le risque de requalification, les 2 parties veillent à l’absence de lien de subordination et à la réelle possibilité, pour le collaborateur, de se créer une clientèle. Le recensement trimestriel ou semestriel de la clientèle personnelle du collaborateur est conseillé. Ceci permet de l’objectiver et de la quantifier plus facilement lors d’un éventuel rachat de celle-ci par le titulaire. C’est également un moyen pour ce dernier de se prémunir d’une éventuelle requalification en contrat de travail, puisqu’il sera alors en mesure d’apporter la preuve que le collaborateur avait eu la possibilité de créer sa propre clientèle. Le titulaire ne peut imposer ses méthodes de travail au collaborateur. Ce dernier est cependant dans l’obligation de respecter le règlement intérieur, qui précise notamment les horaires d’ouverture, l’organisation des tâches, des absences et de la continuité des soins. Il est conseillé d’annexer ce règlement au contrat de collaboration. La relation titulaire-collaborateur est analogue à celle entre associés où par nature le dialogue occupe une place centrale.
Dans la profession vétérinaire, seules 2 procédures de requalification de contrat de collaboration en contrat de travail ont été engagées depuis la loi de 2005. En ce qui concerne la décision de requalification du conseil de prud’-hommes de Boulogne-Billancourt du 12 novembre 2009, elle a reposé sur plusieurs motifs. Tout d’abord, le collaborateur, anciennement salarié dans la même structure, avait été dans l’impossibilité de développer une clientèle personnelle. Les horaires de travail et dates de congé étaient soumis à la volonté des titulaires, même si des arrangements étaient convenus entre le collaborateur et ses collègues. Par ailleurs, il a été établi que les titulaires ont imposé des conduites à tenir au collaborateur (logistique, gestion médicale des patients, tarification des prestations, rédaction des comptes rendus). Tous ces éléments ont permis de mettre en évidence l’existence d’un lien de subordination entre le collaborateur et les titulaires et ont abouti à la requalification en contrat de travail.
1 Profession avocat : Cour de cassation, chambre mixte du 12/2/1999, n° 96-17.468.
2 Profession avocat : Cour de cassation, 1re chambre civile 14/5/2009, n° 08-12.966.
3 Profession salarié : Cour de cassation chambre sociale du 13/11/1996, n° 94-13.187.
4 Profession médecin : Cour de cassation, chambre sociale du 29/9/2009, n° 08-44.193.
5 Profession dentiste : Cour de cassation, chambre sociale du 22/2/1990, n° 87-17.709.
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