Changement de genre et nouvelle génération changent la donne - La Semaine Vétérinaire n° 1481 du 03/02/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1481 du 03/02/2012

Dossier

Auteur(s) : VALENTINE PAULET

Elles représentent désormais 75 % des lauréats au concours vétérinaire. L’avenir de la profession se fera avec les femmes ou ne se fera pas. Afin d’étudier l’impact de cette évolution pour la profession, une enquête inédite a été menée1. Elle porte un regard nouveau, fondé sur une approche sociologique de la féminisation du métier. Son analyse incite néanmoins à ne pas attribuer les changements observés à la seule modification du ratio entre les hommes et les femmes. État des lieux.

En 2010, 16 102 vétérinaires sont inscrits auprès de l’Ordre des vétérinaires, avec 9 449 hommes (59 %) pour 6 653 femmes (41 %, soit + 1 % par rapport à 2009). Parmi les 736 nouveaux inscrits, il y a 63 % de femmes. Dans les années 70 à 80, elles représentaient 10 à 30 % des candidats admis au concours d’entrée dans les écoles vétérinaires. Ce taux a atteint 30 à 50 % dans les années 80 à 90, puis 50 à 60 % dans les années 90 à 2 000 et il est de 60 à 75 % de 2 000 à nos jours.

La féminisation de la profession s’observe également à l’échelle européenne et est encore plus manifeste outre-Atlantique, puisque les jeunes filles représenteraient 95 % des étudiants vétérinaires aux États-Unis.

La diversification de l’exercice vétérinaire (forte progression des praticiens canins) est l’une des raisons évoquées pour expliquer l’arrivée massive des femmes dans notre profession. En termes de type d’activité, les femmes vétérinaires ont en effet un profil davantage “canin” que “rural” : en 2010, elles représentent 49 % de l’effectif des praticiens canins, 22 % de ceux qui déclarent une activité en lien avec les animaux de rente, et 45 % des équins purs, d’après les données du Conseil supérieur de l’Ordre. Il faut cependant rester vigilant quant à l’interprétation de ces chiffres, car ils ne prennent pas en compte les activités mixtes, qui associent les animaux de compagnie et de production.

Les femmes vétérinaires s’orientent plus vers un exercice salarié que les hommes. En effet, l’étude de la répartition des actifs met en évidence que 69 % des remplaçants, qui travaillent donc avec un statut de salarié, sont des femmes. Et pourtant, malgré cette surreprésentation dans l’exercice salarié, en 2008 et pour la première fois, les jeunes vétérinaires qui rejoignent le secteur libéral sont majoritairement des femmes. Ainsi, selon les données de la Caisse autonome de retraites et de prévoyance des vétérinaires (CARPV), le nombre de femmes immatriculées en 2010 dépasse celui des hommes pour la 3e année consécutive. Elles représentent désormais 29,6 % de l’effectif total des cotisants, avec une augmentation annuelle de près de 1,5 % par an depuis 5 ans.

Y a-t-il une pratique féminine et masculine de la médecine vétérinaire ?

Il est culturel, voire naturel, d’opposer de manière systématique les hommes aux femmes sur la base de la différence des genres. Ainsi, certains stéréotypes permettent d’attribuer aux femmes la pratique de la canine, mais aussi le registre de l’empathie : parce qu’elles, « elles aiment les animaux et ne font pas cela pour l’argent ». De telles appréciations sont véhiculées à la fois par les propriétaires d’animaux de compagnie et par les vétérinaires eux-mêmes. D’ailleurs, Ken vétérinaire n’existe pas sur le marché des jouets pour enfants, contrairement à Barbie…

Cependant, l’analyse d’une enquête2, à laquelle ont répondu plus de 2 300 vétérinaires libéraux, montre que la pratique de la profession vétérinaire n’est pas uniquement liée au fait d’être un homme ou une femme. Le questionnaire, qui abordait de nombreux points tels que l’activité, l’organisation temporelle (aussi bien familiale que professionnelle), le niveau de satisfaction, et la volonté de participer à un élan de solidarité pour les allocations maternité des femmes libérales, a permis de tirer le portrait sociologique du vétérinaire actuel (voir encadré et graphique).

  • 1 « La féminisation de la profession vétérinaire en France : analyse de son impact à partir d’une enquête auprès de praticiens libéraux », Valentine Paulet, ENV de Toulouse (septembre 2011). Enquête menée à partir d’un questionnaire envoyé à 9 656 praticiens, avec un taux de réponse de près de 25 % (19,9 % pour les hommes et 37,7 % pour les femmes). Pour la recevoir, contacter Valovet : valovet-contact@snvel.fr

  • 2 Initiée par la CARPV et rédigée par Valovet.

Quelques regards acerbes sur la féminisation

• Femme du type D, tranche de 40 à 49 ans, mariée, qui exerce en canine, libérale : « À mon époque, il y avait 30 % de femmes et nous faisions l’objet de réflexions… Aussi, j’ai travaillé comme un homme vétérinaire. Maintenant, il y a trop de femmes. Cela sera néfaste à la profession si, en voulant le beurre et l’argent du beurre, elles n’assument pas leurs diplômes au moins à 35 heures (ce qui est peu) ! »

• Un homme, du type D, seul, qui exerce en canine, libéral : « La féminisation de la profession vétérinaire, nonobstant toute misogynie, est une aberration, un processus destructeur et délétère. Parcellisation du travail, fuite des responsabilités et des exigences du métier, ceci de par les choix de la gent féminine : refus de tout travail physique (mort de la rurale), désir d’aménager son temps de travail, de s’épanouir, de bénéficier de loisirs, refus des responsabilités, volonté de se noyer dans une association avec une ambiance ludique décontractée aux vacances programmées. En bref, choix du salariat, recherche effrénée de la protection sociale et perte du goût du risque. »

• Homme de type F, tranche de 30 à 39 ans, seul, qui exerce en équine, libéral : « La féminisation de la profession est une vraie catastrophe. On ne trouve plus d’associés. On ne rencontre plus que des salariés démotivés qui comptent leurs heures. Le questionnaire est bien orienté dans ce sens. Ce sont encore toujours les mêmes qui vont bosser pour payer ceux qui préfèrent rester chez eux pour épanouissement personnel ou pour mise bas… 70 % de femmes dans les promotions de vétérinaires qui vont pondre. On voit bien où sont les 30 % d’imbéciles ! »

6 PROFILS SOCIOLOGIQUES DE VÉTÉRINAIRES

6 portraits de vétérinaires libéraux émergent de l’enquête de la CARPV-Valovet (voir graphique).

→ 3 indicateurs sont communs aux profils féminins :

– l’activité canine ;

– des tranches plutôt faibles de revenus (inférieurs à 40 000 € nets annuels);

– des temps importants consacrés aux enfants et à la vie domestique.

→ 2 indicateurs sont communs aux profils masculins :

– des tranches de revenus moyennes à élevées (de 40 000 à plus de 90 000 € nets annuels) ;

– des temps restreints consacrés aux enfants et à la vie domestique.

Ces indicateurs témoignent d’une réalité certaine, mais paraissent insuffisants pour décrire, dans le détail, chacun des profils.

Le profil B, très féminin, ressemble davantage au profil C (masculin) qu’aux profils A et D. Les individus des groupes B et C pratiquent la même activité, la canine, et ont des niveaux de satisfaction élevés, à propos des items comme « la vie à deux », « les enfants » et « l’épanouissement professionnel ». Aussi, les types B et C semblent partager plus équitablement le temps consacré aux enfants. Il est possible d’y associer les individus du type E, qui présentent les mêmes caractéristiques, sauf en termes d’activité puisque ce type regroupe à la fois des vétérinaires qui exercent en canine et d’autres en mixte à dominante rurale ou canine.

Les profils A et D sont proches, avec une activité canine et un temps de travail identiques, des niveaux de satisfaction faibles sur les mêmes items du « temps libre », de la « vie sociale » et de la « reconnaissance sociale professionnelle ». Seules leurs tranches de revenus les différencient.

Enfin, le profil F semble correspondre à la pratique dominante dans la profession il y a quelques années : une activité rurale ou mixte à dominante rurale, une disponibilité temporelle maximale au travail au détriment de la sphère familiale, des tranches élevées de revenus, et des niveaux de satisfaction personnelle faibles, assez logiquement, en rapport avec le « temps libre » et la « vie sociale ». Dans ce profil figurent aussi les vétérinaires qui exercent en productions animales industrielles.

Il est donc pertinent d’être un peu plus nuancé et de dépasser des visions binaires qui opposent systématiquement les hommes et les femmes vétérinaires.

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur